La francophonie officielle et culturelle souffre
d’une regrettable ambiguïté et d’une flagrante récupération politique. Les
fondateurs dans sa forme actuelle ne sont pas des Français mais les présidents
Senghor du Sénégal, Bourguiba de la Tunisie, Diori du Mali et le Prince
Sihanouk. Leur objectif était de créer après 1960 une coopération culturelle
des pays parlant français. Des institutions ont été créées par la suite telles
l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), l’Agence Universitaire
de la Francophonie et l’Organisation
Internationale de la Francophonie (OIF). Cependant, entre le centre et la
périphérie, entre Paris et les anciennes colonies, entre les Français et les
Francophones non-français, ont surgi d’insurmontables antinomies qu’Ambroise
Kom appelle la « malédiction francophone ». Bien que la
devise de la Francophonie soit « égalité, complémentarité,
solidarité », l’écrivain francophone se bat pour obtenir la même
reconnaissance que son homologue français. C’est pourquoi le concept et sa mise
en pratique suscitent des critiques en France comme en dehors de France,
accusant celle-ci de pérenniser son impérialisme et son néocolonialisme.
Il est vrai que la Francophonie assure à la France une
considérable hégémonie politique sur l’échiquier international, mais
l’universalité du français se heurte au fait qu’il est constitutionnellement la
langue de la République
française (Art. 1). Ce qui exclue par conséquent toute langue minoritaire ou
patois. Ainsi, la France n’a jamais ratifié la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires qu’elle a difficilement signée en 1998. Protégé
depuis quatre siècles par l’Académie française, le français tient à se
maintenir dans sa pureté. La francophonie, émanation de la politique coloniale
d’assimilation, relègue les locuteurs
non français à une catégorie « autre », marginale, impure, parasite.
La politique d’assimilation se conforme aux principes de l’état-nation qu’est
la France:
[…] l’histoire de la langue française est inextricablement liée à l’émergence de
‘l’idée’ de la France comme état, et plus tard comme nation. ...La francophonie officielle apparaît après la
décolonisation comme une continuation et une extension de la vraie tradition
qui a fourni les ressources rhétoriques et la cadre idéologique pour toute
l’aventure coloniale en premier lieu (Corcoran).
(K. Mabana, "Postface", Antillanité, créolité, littérature-monde, éd. p. I. Constant, K.C. Mabana, Ph. Nanton. Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2013: 149-150)
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