5 juin 2013

A propos Francophonie



La francophonie officielle et culturelle souffre d’une regrettable ambiguïté et d’une flagrante récupération politique. Les fondateurs dans sa forme actuelle ne sont pas des Français mais les présidents Senghor du Sénégal, Bourguiba de la Tunisie, Diori du Mali et le Prince Sihanouk. Leur objectif était de créer après 1960 une coopération culturelle des pays parlant français. Des institutions ont été créées par la suite telles l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), l’Agence Universitaire de la Francophonie et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Cependant, entre le centre et la périphérie, entre Paris et les anciennes colonies, entre les Français et les Francophones non-français, ont surgi d’insurmontables antinomies qu’Ambroise Kom appelle la « malédiction francophone ». Bien que la devise de la Francophonie soit « égalité, complémentarité, solidarité », l’écrivain francophone se bat pour obtenir la même reconnaissance que son homologue français. C’est pourquoi le concept et sa mise en pratique suscitent des critiques en France comme en dehors de France, accusant celle-ci de pérenniser son impérialisme et son néocolonialisme.
Il est vrai que la Francophonie assure à la France une considérable hégémonie politique sur l’échiquier international, mais l’universalité du français se heurte au fait qu’il est constitutionnellement la langue de la République française (Art. 1). Ce qui exclue par conséquent toute langue minoritaire ou patois. Ainsi, la France n’a jamais ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qu’elle a difficilement signée en 1998. Protégé depuis quatre siècles par l’Académie française, le français tient à se maintenir dans sa pureté. La francophonie, émanation de la politique coloniale d’assimilation, relègue les locuteurs non français à une catégorie « autre », marginale, impure, parasite. La politique d’assimilation se conforme aux principes de l’état-nation qu’est la France:
[…] l’histoire de la langue française est inextricablement liée à l’émergence de ‘l’idée’ de la France comme état, et plus tard comme nation. ...La francophonie officielle apparaît après la décolonisation comme une continuation et une extension de la vraie tradition qui a fourni les ressources rhétoriques et la cadre idéologique pour toute l’aventure coloniale en premier lieu (Corcoran). 
(K. Mabana, "Postface", Antillanité, créolité, littérature-monde,  éd. p. I. Constant, K.C. Mabana, Ph. Nanton. Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2013: 149-150)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire