13 juin 2013

L'abbé Malumalu à la croisée des chemins

J'ai suivi d'assez près le débat autour de l'abbé Apollinaire Malumalu, prêtre diocésain de Beni-Butembo et ancien président de la CEI reconduit à la présidence de la CENI. Le débat est à la fois politique et religieux.
L'abbé Malumalu est connu du monde politique. Un expert, conseiller à la présidence, négociateur percutant. Bien formé dans le domaine politique, il maîtrise mieux que beaucoup de "politicailleurs" actifs certains dossiers du pays. Homme de terrain et d'expériences, ce leader est doté d'outils théoriques et pratiques nécessaires pour gérer avec compétence une institution à l'échelle de la nation dans les conditions matérielles et sécuritaires qui existent dans notre pays. Il aurait même fait un meilleur politicien que certains prédateurs qui ne pensent qu'à leurs poches et à leurs intérêts personnels.
Seulement voilà. La politique est un très mauvais maître. On y entre propre, clean et plein de bonne volonté pour ne pas dire naïf; on en sort sali, pourri, inhumain. Je pèse mes mots. L'abbé Malumalu a un passé bien connu dans ce pays. Quand il a géré la CEI, il n'a pas obtenu le consensus de tous sur son action. D'aucuns l'ont traité de corrompu, de kabiliste, de voleur et de prédateur. Bien qu'il ait travaillé dur pour mener les élections de 2006 à bon port, l'unanimité ne s'est pas faite autour de sa personne. Mais nous sommes en politique, un monde où le mal peut passer pour le bien. La soutane ne lui a pas épargné des calomnies, des médisances, des accusations de toutes sortes au point de jeter l'anathème sur son sacerdoce.
Sa remise sur le fauteuil présidentiel de la CENI suscite un débat houleux. L'église catholique a pris position contre lui. A ce niveau-là, son chef direct est son évêque que j'ai eu la chance de connaître du temps de mes études à l'Urbaniana de Rome. Au niveau de l'église locale, c'est Mgr Sikuli seul qui peut lui infliger une quelconque sanction canonique. Ni le Cardinal Monsengwo ni la CENCO ne peuvent légiférer sur son statut. Si l'abbé Malumalu choisit de servir son pays dans une institution politique, c'est son droit de citoyen le plus élémentaire; mais il doit en âme et conscience en tirer les conséquences qui s'imposent car c'est un service incompatible avec le sacerdoce pour lequel une dérogation est nécessaire. Le droit canon est clair là-dessus.
Les intrigues politiques portent de nombreuses séquelles. Dans le cas de l'abbé Malumalu, le commun des mortels pense qu'il faudrait aussi respecter ses droits et ambitions personnels. Soutane ou pas, c'est un homme après tout. Et comme tout homme, il a le droit de réaliser ses rêves, ses désirs et desseins, car inscrire son nom dans l'histoire de la RDC n'est pas donné à tout le monde. Ainsi, rien ne peut l'empêcher d'accepter cette charge politique compte tenu des avantages et des aisances  que ce poste procure. Honneurs, salaires faramineux, gestion de millions, voyages en première classe, avantages sociaux, allocations financières et matérielles, autant de bénéfices que seul un idiot refuserait! La tentation est grande d'y tomber car la politique s'empare de votre âme comme une araignée.
Une faille cependant sur le plan religieux. En optant d'agir contre la position officielle de la CENCO, il se désolidarise gravement des grandes lignes de l'épiscopat congolais. Par son manque de collégialité, il aggrave les failles qui minent l'église. L'abbé Malumalu nuit terriblement à la crédibilité de l'église catholique de la RDC, et remet en cause sa mission au Congo. En termes de leadership, l'église affaiblie perd de son prestige alors que triomphe la logique du pouvoir politique qui tenait à avoir un ecclésiastique à la tête de la CENI. Que les voix aillent dans tous les sens ne m'émeut pas outre-mesure. C'est une question de principe: l'abbé Malumalu doit, en toute liberté, revoir son statut sacerdotal s'il veut honorablement servir son pays et son église. Et ce choix-là n'est pas facile, croyez-moi.
Politica, politica, mani pulite!

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