Le 11 octobre 1987 fut mon dernier jour de fonction à l'évêché de Kenge. Le lendemain soir, je devrais prendre la SOTRAZ pour finaliser mon voyage de Fribourg. Depuis quelque trois semaines mon successeur l'abbé Faustin Kwakwa était déjà dans les parages; je l'introduisais aux méandres et recoins du secrétariat de l'évêché. L'évêque m'avait demandé de l'informer de tout, de lui exposer sincèrement ce qui m'a plu et déplu dans la collaboration avec lui, de l'initier au vrai sens du mot aux secrets du métier. Il avait insisté que je me sente libre dans la transmission de mes cinq années d'expérience à cette très lourde charge. La remise-reprise prit la forme d'un long compagnonnage instructif et initiatique. La différence est que lui était encore grand séminariste à la date de sa nomination, alors que moi j'étais déjà diacre. Aux âmes bien nées, dit-on, la grandeur n'attend pas le nombre d'années. Pendant toutes les semaines qui ont précédé, j'ai tenu à mettre Faustin à l'aise, à l'abri des lacunes qui ont marqué mon propre temps d'apprentissage à ce même poste. Moi-même lorsque je suis arrivé pour la première fois à l'évêché, c'était Marc Mutombo Matsumakia, alors grand séminariste en stage, qui m'a reçu en lieu et place d'un secrétaire attitré. Pouvait-il en être autrement? La Sœur Marie Robert était partie deux années auparavant. Modeste Kisambu y a aussi œuvré pendant un bout de temps. J'avais donc la lourde charge de profiler Faustin en fonction des attentes de l'Ordinaire du lieu. Je mis à sa disposition les documents utiles et disponibles, les informations relatives au secrétariat, aux archives, et au métier qui l'attendait. Une succession en bonne et due forme. Ainsi qu'il me l'affirmera plus tard à Kalonda, lors des journées sacerdotales de juillet 92, je lui avais révélé des choses qui se sont avérées vraies par la suite, dans l'exercice de sa charge. Je lui avais même livré mon analyse de la personnalité de l'évêque et de la conception que ce dernier avait de son pouvoir et de son ministère épiscopal. Je dois avouer que le travail à l'évêché fut pour moi un privilège unique de collaborer avec l'illustre homme de Dieu, de le côtoyer quotidiennement, d'être témoin de ses temps de force et de faiblesse, de partager ses joies et ses peines, voire de subir ses sautes d'humeurs ou ses frustrations, etc. Il y avait à disposition une Land Rover bleue à douze places et une Vespa. Avec mon successeur, nous avons entre autres effectué quelques séances de vespa du côté de la piste d'aviation de Kenge. Le temps s'était révélé court pour tout faire. Le dimanche avant avait eu lieu une cérémonie d'adieu aux paroissiens d'Anuarité Nengapeta, dont j'étais le vicaire dominical pendant les trois premières années de son existence. Je pris congé des jeunes Bilenge ya Mwinda que j'encadrais. Tout était donc prêt pour mon départ.
Le 11 octobre 87, je m'occupai essentiellement de finaliser mon voyage, de boucler mes valises et de ranger mes effets dans une malle d'Italie. Ce n'était pas aisé de quitter un lieu où l'on a vécu cinq années de suite, où l'on a tissé des habitudes, des réflexes et des relations. Je passai à la procure déposer une de mes malles à côté d'une autre qui s'y trouvait déjà. (Pour l'histoire, je n'ai presque rien retrouvé de tous ces biens cinq ans plus tard à part quelques livres n'intéressant personne. Je n'avais pas emporté la caisse.) Nicolas d'heureuse mémoire aujourd'hui voulait mon appareil projecteur de diapositives que je lui laissai volontiers. Je passai dire au revoir à des parents et amis à travers Kenge, en commençant par les champs de tir. Toute la journée, j'étais dans des courses à gauche à droite. Dans la soirée, j'eus une dernière conversation avec le Prélat un peu surpris de mon départ soudain à son sens; on se reverrait à Kinshasa. Je passai dire adieu tour à tour à mes confrères de la communauté: P. Jean Van der Hulst svd, Fr. Baptiste van Rooijen svd, A. Nicolas Berends, A. Denys Luhangu. Paix à leurs âmes! Le 12 octobre vers 22 heures, en compagnie de mon successeur, je franchis le portail humant et proférant l'ouf le plus puissant de ma vie. La suite est à lire dans mon autobiographie qui traîne à être publiée si jamais; mais c'est fait express.
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