J'ai connu le nom de Yambo Ouolegem dans des circonstances peu luisantes. On l'accusait de plagiat. Sa réputation était déjà entamée longtemps avant que j'entreprenne mes études de littérature. Je me suis méfié de lui avant même que je lise Le Devoir de violence (Paris: Seuil, 1968). Il était souvent ici en exemple lorsqu'on parlait de plagiat. Je me souviens d'une conversation avec Mr. Yves Giraud d'heureuse mémoire lorsque je revins de mon séjour d'études à Paris. En m'entendant mentionner le nom de Ouolegem, ce dernier a sursauté comme piqué par un moustique: "Surtout pas celui-là." Et aussi le 12 juin 97, le soir de ma défense de thèse, il a raconté aux commensaux l'histoire du plagiat de Ouologem et de Calixthe Beyala. Cet homme de lettres spécialiste des lettres classiques était décidément au courant des aventures des écrivains africains.
Ainsi, lorsque je me rendis à Paris pour ma formation d'autodidacte en littérature africaine auprès de Mr. Georges Ngal, ce fut avec une certaine réticence que j'acceptai de lire ce livre dont j'ai entendu beaucoup de mal avant même que je l'ouvre. Ayant appris que le Devoir de violence et les Soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma étaient des oeuvres incontournables dans l'historiographie littéraire de l'Afrique francophone, je n'avais le choix que de les lire. En partant de Paris, Mr. Ngal m'a donné une publication collective dans laquelle Mr. Bernard Mouralis a écrit un article intitulé: "Un carefour d'écritures: Le Devoir de violence de Yambo Ouologuem." (Recherches et travaux. Littératures africaine d'écriture française. Université de Grenoble, UER de Lettres, N° 27(1984).
Mouralis tente de défendre l'honneur de Yambo Ouloguem:
"Eric Sellin, dans un article paru en 1971 dans Research in African Literature, mettait le premier en évidence les nombreux empreuxque Ouologuem avait faits au roman d'André Schwarz-Bart, Le Dernier des Justes, dont plusieurs passages étaient pratiquement citrés de façon littérale. De son côté, le Times Literary Supplement révélait l'année suivante un autre emprunt de Ouolegem, mais cette fois à la littérature anglaise. L'auteur anonyme de l'article, confrontant les textes des deux oeuvres, montrait que les pages 68-69 du Devoir de violence, dans lesquelles l'administrateur Chevalier fait visiter sa demeure à Awa, étaient une reprise des pages 56-58 du roman de Grahan Greene, It's a battlefield, paru chez Heinemann en 1934.
Les faits, sans aucun doute, étaient patents et l'accusé, d'ailleurs ne niait point. Etc." (p. 78).
Je défends pour ma part la probité intellectuelle de Yambo Ouolegem quoique ce fût seulement à la deuxième lecture que je compris ce roman baroque. S'il est une leçon à retenir de Ouolegem, c'est que "l'on écrit toujours de quelque part". Les notions d'imitation, de citation et d'intertextualité sont des pratiques communes en littérature.
Adieu Yambo Ouologuem. Chapeau! Tu nous a fait honneur. Paix à ton âme!
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