Lorsque j'étais dernièrement au Congo, j'ai comme tout le monde appris le passage de plusieurs centaines de vaches dans les provinces du Kwilu et du Kwango. Des inconnus venus d'on ne sait où trimbalaient leurs vaches. Des étrangers qui ne parlaient aucune langue du terroir traversaient d'inmmenses contrées avec leurs vaches rouges et encornées. On les disait tantôt des soldats rwandais déguisés tantôt des Tushis décidés à occuper contre une vache des vastes territoires pour leurs élevages. Il semble qu'ils négocient l'obtention du terrain moyennant une vache qu'ils remettent aux propriétaires des terres. Cela n'est pas sans me rappeler quelque chose que j'avais appris lors de la conférence du CRN - Congo Research Network - il y a quelques années à Cambridge, GB. C'était en 2014, et j'avais fait un rapport sur ce blog (27 décembre 2016).
A ce colloque étaient présentés des exposés qui tentaient d'expliquer les causes des conflits endogènes qui existent entre paysans et éleveurs. Une chercheuse belge spécialiste des conflits des Grands-Lacs avait notamment soutenu que les éleveurs seraient naturellement plus doués pour le commerce, les affaires, la gestion des revenus de la terre que les paysans qui sont souvent passivement soumis aux vicissitudes des intempéries. L'éleveur serait, selon elle dynamique, zélé, plein d'initiatives alors que le paysan, statique et amorphe, attend que le ciel lui accorde la pluie et le beau temps. L'éleveur, guerrier et belliqueux, ne craindrait ni l'aventure ni l'inconnu alors que le paysan s'asseoit sur ses lauriers. Il affronte le monde au lieu de le subir. Je pourrais retrouver le nom de la conférencière, et le titre exact de son intervention, si besoin est. Pour l'instant, je m'en tiens à l'essentiel. La présence des vaches étrangères sur le territoire congolais ne date pas d'aujourd'hui.
Cela fait des années que nous apprenons l'occupation de la terre congolaise par des pasteurs de cheptel, des Mbororo - allez-y voir! - venus d'Ouganda dans le sillage du mouvement de LRA. Ils y sont encore et ne manifestent aucune intention de quitter le Congo. Ma mémoire est vague. Nous apprenons également qu'ils commettent des dégâts sur la population, sur les terres qu'ils envahissent sans que les habitants réagissent. D'aucuns soutiennent que c'est le même mouvement d'occupation avec un appui subreptice d'une armée déguisée ou explicitement exposée au cas ces mêmes éleveurs ne seraient pas armés.
Dernièrement, j'ai comme tout le monde lu l'intervention de Mr. Placide Kazundu, chef de territoire de Kenge. J'ai vu les vidéos du passage de ces vaches et leurs bergers du côté de Masamuna. J'ai vu les vidéos qui rapportaient la visite à Kenge de Mr. Muzito, ancien PM. La population locale est inquiète que leur terre leur soit arrachée de force tant que les autorités du pays n'interviennent pas. Elle craint une invasion en douceur, mais encore plus musclée étant donnée que l'identité des bergers de ces vaches demeure suspecte et floue. Le plus inquiétant, c'est le silence du gouvernement du pays pourtant censé éclairer et rassurer la population. Ne soyons pas dupes.
Que des étrangers traversent notre pays en quête des paturages pour leurs bêtes sans qu'ils soient interrogés ni dissuadés laisse pantois. Avons-nous encore des frontières? C'est la question qu'on doit se poser. Sommes-nous encore en sécurité? Sommes-nous encore sur des terres qui nous appartiennent. Qu'on ne touche pas à mes terres de grâce! J'estime que nous avons le droit de savoir ce qui se passe ou se trame derrière ces mouvements car les interprétations vont dans tous les sens selon qu'on soutient ou pas le régime.
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