14 août 2021

"Congolité", et si nous y réfléchissions?

Le mot "congolité" n'est pas nouveau dans ce blog. Je l'ai utilisé dans d'autres circonstances, notamment à propos de mon propre paternel, du M23, etc. Mais c'est la première fois que je voudrais y consacrer une réflexion personnelle, qui n'engage que moi et moi seul. Comme pour tout débat, la porte est ouverte aux avis contraires dans le respect des sensibiltés individuelles. 

Sujet à controverses et polémiques. Concept discriminatoire ou d'exclusion. Tout cela s'est lu et entendu. Lorsque le sieur Tshiani s'explique ou s'exprime, il est soupçonné de rouler pour une task force ou pour une classe politique qui le soutiendraient dans cette aventure trop risquée. Il dit tout haut ce que d'autres pensent dans leurs coeurs sans avoir le courage de l'exposer. Même les journalistes qui l'interviewent ne sont pas loin de le faire croire. C'est désormais une loi déposée à l'Assemblée nationale, semble-t-il. Le débat semble trop passionné pour qu'on en parle froidement, sans état d'esprit. Le philosophe, n'est-ce pas celui tente de dépasser la subjectivité afin d'atteindre le plus d'objectivité? Terrain risqué, je l'abandonne. Parlons en littéraire, joueur imaginaire sur un échiquier réaliste, observateur impassible de scènes de la vie.

Sujet sensible. La "congolité" définie comme qualité de congolais de père et mère congolais porte des relents radicaux d'exclusion et de "racisme" tribal ou ethnique. Le droit du sol n'existerait pas, la naturalisation serait une leurre. Ne seraient congolais que celles ou ceux qui prouveraient l'exclusivité congolaise de leurs parents. Jusqu'à quelle ascendance? On ne le détermine pas. Qu'on se le dise, la RDC est parmi les pays où le certificat de naissance se fabrique sur base de témoignage pour un jugement supplétif. D'autres pays sont mieux organisés, et les attestations de naissance sont fiables, traçables, enregistrées, documentées. Qu'on me corrige si je me trompe. Donc le flou commence à la naissance. Nos hôpitaux, encore moins nos villages, ne disposent pas de documentations ni de registres fiables. L'ascendance biologique est très problématique.  Et de fil en aiguille on remonterait jusqu'à la provenance proto-bantou depuis les temps où le Sahara fut encore fertile. Je me dis "Congolais" alors que j'ai vécu plus de 40 ans de ma vie hors du territoire congolais. En quoi consiste alors ma congolité? J'aurais bientôt vécu plus d'années à la Barbade qu'en RDC. En quoi suis-je plus congolais que Ndomanwenu d'origine angolaise qui est né et a vécu toute sa vie dans ce pays? La congolité est donc à redéfinir en d'autres termes. On peut être congolais de naissance, par le droit du sol et par naturalisation. Une fois qu'on est congolais, on l'est et dispose de tous les droits et devoirs ou obligations auxquels sont soumis tous les congolais. Qu'on les aime ou qu'on les déteste, les Kengo Wa Dondo, Mafuta Kizola, Mario Cardoso, ou Jeannot Bemba ont servi ce pays avec zèle et dévouement. Devraient-ils devenir présidents pour mieux servir le MPR ou l'UDI?

La congolité devient douteuse lorsque certains citoyens à double tête servent à la fois leur pays d'origine tout en trahissant leur pays d'adoption. Là se pose un véritable problème. Dans les années 90-92, un ami Jean Biletsi me disait que si jamais il y avait une guerre déclarée entre le Rwanda et le Zaïre, le géant Zaire la perdrait parce que le chef de la logistique des FAZ était rwandais. On raconte que le Général angolais qui aurait fait déguerpir l'armée rwandaise de Kitona serait d'origine congolaise. Personnellement, je n'ai pas de problème avec le caractère congolais des naturalisés. Plutôt que de les juger généralement, il faudra le faire au cas par cas. Les traîtres existent partout; les espions à doubles casquettes prolifèrent partout au gré de leurs intérêts. Un Vital Kamhere accusé de double nationalité devrait se définir et couper tout lien avec ses maîtres-penseurs avant d'occuper la présidence d'un pays où il serait né mais dont il ne serait pas originaire. Ces ambiguités poussent vers une congolité radicale. Ce genre d'attitude accroit la xénophobie envers ces étrangers envahisseurs qui pillent nos ressources, nous tuent ou occupent nos postes. Ce sentiment radicalise les tenants de la congolité comme par effet de causalité. Vrai ou faux, le constat est que les étrangers vivent mieux des ressources de ce pays que les Congolais de souche. Les intouchables Indiens, Pakistanais, Chinois, Libanais, Israeliens et autres se pavanent dans les rues de Kinshasa ou Lubumbashi en conquérants vainqueurs de guerre.

Calcul politique. Au-delà de la volonté inoffensive de servir la nation congolaise se dissimulent de sournois enjeux politiques. La scène politique actuelle de la RDC note la force populaire de Moïse Katumba et de son Ensemble qu'il a su installer à travers toutes les provinces du pays. Le pouvoir a du mal à assumer son bilan jugé négatif par la population. Il faut redistribuer les cartes, et la congolité faciliterait ce projet. Les gagnants probables de ce conflit de nationalité ont pour noms: Tshisekedi qui se positionne pour briguer un second mandat; Fayulu dont la popularité tissée aux élections précédentes demeure sans conteste la plus forte; et d'autres dont le profils tardent encore à se manifester. Cette manoeuvre de la congolité vise à écarter des candidats sérieux à la magistrature suprême. Le tempo correspond au calendrier électoral, c'est le mid-term, dirait les Américains. Donc il y a du temps pour d'éventuels arrangements au cas où ce machin ne provoquerait pas un "glissement" à la Kabila. Tout cela s'est vécu; rien n'est impossible à ce niveau. Le pouvoir en place boucle tous les rouages pour s'assurer une probable ré-élection. Au diable la vérité des urnes pourvu qu'on gagne et marque des penalties au coin de la rue. On a le pouvoir, on le garde, et la congolité vient à la rescousse. Toutes les positions-clés sont pourvues en Congolais pur sang, entendez par là l'ethnie régnante comme si aucune autre ethnie de ce pays n'avait droit au chapitre. Cela se constate. Vous avez dit: congolité; je dis ethnicité. Ces deux mots riment parfaitement par leur sonorité comme par leur réalisation métalinguistique. 

Bref, le concept de congolité est important pour éviter que des non-congolais n'occupent des positions fondamentales de la république. Il pose cependant de sérieux dangers de division et d'éclatement de la nation. L'occupation systématique qui a lieu à l'Est ne favorise pas un climat de paix: on occupe, on s'arme avec la complicité des compères intérieurs et extérieurs, on se dit congolais. Citoyens à double face, s'en méfier comme des serpents. "Mbwa kula nioka": un chien qui pourchasse un serpent. Tel est le danger de la congolité. Je suis clair: il ne faut jamais attribuer la présidence à un Congolais naturalisé ni d'origine étrangère. D'autres pays ont inscrit cette clause dans leurs constitutions, pourquoi cela constituerrait-il un problème en RDC? Aux Congolais d'en décider par referendum s'il le faut. Les autres postes, quiconque peut les occuper si elle ou il en a les compétences ou y est élu. La nationalité congolaise doit être ouverte à quiconque la désire sans distinction de race, de religion, de sexe ni d'opinion pourvu que ce dernier ne trouble pas la paix et la sécurité nationales. Une nation ne se construit que grâce au sacrifice de ses filles et fils; elle se consolide grâce au consensus grâce à un serment d'allégiance. Ne baissons pas les bras, soyons vigilants. Que les étrangers naturalisés contribuent à la nation congolaise et au développement de ce pays dans le respect des lois de ce pays. Traîtres, espions, doubles têtes doivent être bannis, arrêtés, déportés ou emprisonnés. Je défends une congolité radicale pour la magistrature suprême, mais ouverte aux naturalisés. Ma congolité elle-même laisse à désirer car je n'y ai plus vécu depuis novembre 1987.   

 


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