Je salue et respecte le point de vue du "mouvancier"; mais ma position reste ferme, inchangée. Vu de l'intérieur peut-être, ce type de raisonnement dans lequel je ne me reconnaîtrai jamais, peut se tenir. Souffrez que je répète quelques leitmotivs que vous devez avoir lus ça et là sur mon blog:
1. "La démocratie, c'est pas pour nous." Le fait que les élections entraînent toujours des morts doit faire réfléchir tout homme doté d'intellect. Il y aura démocratie le jour où toutes les conditions constitutionnelles, logistiques et pratiques seront réunies. Les candidats doivent, par exemple, avoir un égal accès aux médias nationaux qui sont contrôlés par le pouvoir sortant.
2. La faiblesse de l'Afrique repose sur la faiblesse de ses institutions. Les constitutions taillées ou amendées sur mesure, l'arbitraire fondé sur l'usage de l'armée et de la violence, la manupilation des règles du jeu par l'impunité, la corruption, le clientélisme, le népotisme, etc. autant d'éléments qui démolissent l'état de droit et ses institutions.
3. La politique, loin d'être une responsabilité avec sa nation, est conçue comme un gagne-pain pareil à tout autre. La politique enrichit fabuleusement. Un collègue nigérian m'a dit: "Au Nigeria, une fois que vous passez trois mois comme membre d'un gouvernement, vous êtes un millionnaire. L'argent vous arrive de toute part; les per diem, les commissions de contrats, d'autres avantages insoupçonnés vous tombent comme la manne du ciel."
4. L'égoïsme aveugle amène les gens à vendre leur pays pour quelques pièces de monnaie. Dans un article sur les "dons des présidents", je me suis demandé pourquoi tous les présidents congolais ont donné et donnent un véhicule à chaque nouvel évêque catholique. Aucun n'a jamais décliné ce don embarrassant. Les présidents accordent des dons de véhicules ou maisons à des magistrats, des médecins, des professeurs d'université. On ne se demande jamais d'où provient cet argent ni pourquoi ces bénéficiaires ne pourraient pas s'en acheter eux-mêmes comme cela se fait dans les pays organisés. Tout cela procède d'un réel souci d'entretenir le paternalisme, la mendicité, la pauvreté, la flatterie, la corruption morale, le culte du bienfaiteur.
5. La corruption et l'inégalité des traitements dans la société constituent des tares terribles. Les présidents, ministres, sénateurs, députés et officiers militaires touchent régulièrement leurs salaires au point de s'enrichir scandaleusement alors que les autres agents de la fonction publique ont des arriérés de plus de deux ans. Pour être mécanisé, l'infortuné petit agent doit corrompre quelqu'un du système à défaut de lui offrir la totalité de son premier salaire.
6. L'élément ethnique est incontournable. Chacun se fait voter dans son fief natal, en Côte d'Ivoire, au Nigéria, au Soudan, en RDC, en Guinée, partout. Parfois la religion ou l'extrêmisme religieux s'en mêle. Chirac se faisait élire en Corrèze.
7. Le manque d'une vision nationale ruine tous les efforts de nos politiques. D'abord soi-même, sa poche, ses proches. Les autres après. Scandale géologique, la RDC possède des potentialités naturelles estimées à 24 mille milliards USD, mais se révèle incapable de payer 10 milliards de dettes. Et dire qu'elle est entravée par des contrats signés avec des multinationales sans scrupule. Qui en profite? Au lieu de nous laisser duper ou de brader par ignorance ces ressources, nos intellectuels, ie économistes, financiers et autres gestionnaires, ne pourraient-ils pas élaborer un projet consistant à tirer le maximum de ces ressources en faveur du pays et de sa population? Un vrai défi!
8. Tant que l'éducation et la santé ne seront pas prioritaires, donc gratuites et égales pour tous, rien de bon ne se fera. Le pays a besoin d'intellectuels et d'hommes formés pour le gérer et l'administrer. L'armée ne peut jamais éradiquer la pauvreté, ni les rancoeurs des populations. Prédateurs et souvent confondus avec les bandits, les militaires constituent un fléau pour l'Afrique: ils tuent plus leurs propres populations qu'ils ne les défendent. A moins d'être un visionnaire comme le ghanaïen Rawlings. Malheureusement, le pouvoir africain passe par les armes. Cela se vérifie partout.
9. Musique, bière, sape, religion. Voilà les exutoires de la précarité! Le musicien est une star adulée; la bière défait le souci; la sape illustre l'illusion du beau paraître et de la richesse; la religion devient le refuge des âmes désespérées. L'homme d'affaires, le dandy, le pasteur, le sapeur, voilà les références d'une société dans laquelle le système éducatif est devenu déficient et caduc.
10. Nzela mukuse! Le raccourci. Un grand coup suffit à faire de vous Crésus en une nuit. Devenir politicien, c'est la garantie du succès. Autres moyens: l'exil dans l'eldorado européen, canadien ou américain, le statut de réfugié politique ou économique, la pratique du vol, de l'usure et de l'imposture. Ainsi, une jeune étudiante préférera deux ans de sciences infirmières aux longues études de médecine. La famille veut de l'argent frais. Le diplôme ne vaut rien, l'intellectuel est un "blablateur", seul compte le pouvoir; seul compte l'argent, surtout l'argent vite fait. Des gens se moquent du président Kasavubu mort pauvre après avoir dirigé la RD Congo pendant cinq ans. Jugez-vous même.
Au-delà de ces réflexions, je refuse l'endoctrinement fanatique, l'adhésion sans discernement à un diktat de quelque horizon qu'il soit. Je demeure un littéraire qui parle en toute liberté et parfois maladroitement, de son pays, de son continent, des hommes et des femmes, et de tout ce qui lui passe par la tête. J'assume mes contradictions quoique j'aie des valeurs humaines et spirituelles auxquelles je tiens fermement.
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