Madiba est parti; il s'en est allé. Paix à son âme! Que la terre de nos ancêtres l'accueille avec tendresse.
Une semaine après Rochereau Tabu Ley, un autre grand pour moi, voilà que meurt un grand Africain: Nelson Mandela. Comme quoi les grands hommes meurent ensemble pour constituer dans l'au-delà leur fraternité éternelle, sans distinction de race, de sexe, de religion, d'idéologie, etc. Cela s'est vu. Lady Diana et Mère Theresa sont mortes à la même époque que notre illustre Mobutu Sese Seko. Nos comptes ne sont jamais ceux du Seigneur.
J'ai entendu parler de Mandela pour la première fois dans les années 70 alors que je me trouvais encore au petit séminaire de Kalonda. On parlait souvent d'eux à l'époque: Nkomo, Machel, Savimbi, Neto, Ian Smith, Mugabe. Les mouvements de libération auxquelles la Voix du Zaïre dédiaient des émissions, constituaient une bonne source d'instruction. J'ai été relativement tôt informé de la lutte anti-apartheid dans la partie australe de l'Afrique; des discriminations raciales aux Etats-Unis, comme de la question juive. C'est plutôt plus tard que j'en deviendrai plus conscient, au grand séminaire de Mayidi. Une coopérante de Peace Corp, Miss Hayflick nous parla des ghettos juifs aux Etats-Unis, partant de leur proximité avec les Noirs. L'Afrique du Sud soufflait au rythme des soulèvements de Soweto, de la verve antiraciale de Steve Biko. Et on parlait aussi d'un incarcéré à vie, Nelson Mandela. Mon intérêt pour l'égyptologie, Cheikh Anta Diop, Fanon a complété ce qui manquait à la philosophie de Louis Lavelle dans la découverte du moi.
A Rome au Collège Urbain, je rencontrerai des étudiants de divers horizons. Parmi eux, des Brésiliens, des Indiens, des Coréens, des Mexicains, des Egyptiens, des Vietnamiens, des Mozambicains, des Angolais, des Kenyans, des Ougandais, des Burundais, des Rwandais, des Syriens, des Libanais, et des Sud-Africains. Une variété de cultures et de personnalités. Une expérience unique dans ma vie. Visée comme étant l'inspiratrice de l'Apartheid, l'Eurpoe cherchait à s'en répentir en posant de gestes significatifs. Le nom de Mandela était hissé au plus haut point. Le monde politique, culturel et libre se mobilisait de plus en plus pour mettre la pression sur le gouvernement sud-africain et l'obliger à libérer Mandela de Robben Island. L'homme était devenu incontournable, son emrpisonnement à vie un scandale gènant dans le sinistre mécanisme de l'Apartheid. Je me souviens de l'impressionnant concert intercontinental diffusé live à l'occasion de ses soixante-dix ans ou septante ans.
Lorsque je travaillais à Kenge, l'abbé Nicolas Berends avait une fois dans son homélie souligné la persévérance, la constance et la tenacité de Mandela à travers sa vie. Ce devrait être en 1986, pas si sûr. A l'issue de cette messe, nous avons discuté longuement tellement j'étais impressionné par le sérieux du propos. Voici à peu près ce qu'a dit Nicolas: "Mandela est un homme libre. Né libre, il restera libre dans n'importe quelle condition. Aucune prison, aucun système totalitaire ne peut l'emprisonner. Il a une telle force intérieure, une telle puissance d'esprit, qu'aucun pouvoir politique ne saura subjuguer." Ces mots de Nicolas ont affermi mon intérêt pour Mandela. Je suivais désormais avec plus d'attention ce qui se disait à la radio, dans la presse, ce qui s'écrivait dans les revues et livres.
Le jour de sa libération diffusée live à la télévision, j'ai regardé en direct les images de sa sortie, témoin direct car une page de l'histoire s'écrivait devant nos yeux. Ce jour-là de 90 j'ai encore mieux compris le sens des paroles de Nicolas Berends. Trente ans en prison, et en sortir sain d'esprit et de corps, tel était le défi que Mandela lançait au monde en brandissant haut sa main droite, en signe de victoire.
Sa libération était une victoire. Les autorités sud-africaines n'avaient pas d'autres choix que de le libérer tellement il était devenu encombrant et embarrassant. Une victoire sur l'Apartheid. Le monde changeait. Perestroïka, Glasnost, effondrement du bloc de l'Est et du communisme, processus de démocratisation, etc. Tout laissait entrevoir de nouveaux espoirs.
Le reste se sait. Je n'y reviendrai pas. Le charismatique au sourire désarmant et fascinant Mandela reste l'icône de la libération de l'Afrique. Un modèle à suivre pour la réconciliation et la justice entre les hommes. Un héros africain de la trempe de Lumumba, Nkrumah, Touré, Senghor, Kenyatta, Nyerere, Sankara, Houphouët-Boigny, Sadat, Machel, etc. Un héros noir comme Martin Luther King, Malcolm X, Garvey, Ali. Un artisan de la paix comme Ghandi, et d'autres.
S'il est une qualité que je retiens de Mandela, c'est sa liberté d'esprit. Le reste vient de cette option fondamentale.
Rest in peace, Madiba!