1. Affirmation absolue de la masculinité
Les hommes, toujours les hommes, sont les conducteurs majeurs de la population. C'est eux qui dirigent la maison, la communauté sociale et religieuse. La responsabilité, quoiqu'ils la partagent avec les femmes, leur revient de plein droit. La tradition phallocratique universelle a fait que partout dans le monde l'homme soit le maître de la maison, de la famille, de sa femme et de ses enfants. La tradition a voulu qu'en Afrique et dans les pays musulmans il se marie à plusieurs femmes par souci de justice, vu le nombre élevé des femmes. La femme par nature a(vait) besoin d'être protégée, aimée, rassurée par l'homme; donner autant d'enfants que possible et les élever constituaient sa raison sociale. Mais le cours de l'histoire a changé avec la colonisation européenne ou l'alphabétisation, qui ont favorisé l'émancipation, l'égalité et la liberté de la femme. Et de là une consitution de l'état moderne qui tient compte de ces réalités. Et pourtant? La libido masculine africaine, au milieu de tant de préceptes de sagesse et d'interdictions, couvait son plan de récupération de l'ordre ancien au nom de l'anti-colonialisme, de l'africanité. Ce à quoi nous assistons au Kenya est le fruit d'un rétablissement instinctif de la libido masculine. Le sexe fort impose sa loi et sa justice sur le sexe faible. L'homme étant toujours aux commandes de la société au Kenya a imposé l'ordre ancien, au grand dam des tendances modernistes inadaptées ou venues d'ailleurs.
2. Ethique africaine.
Retour à l'ordre précolonial, recours à l'authenticité africaine, revalorisation des valeurs traditionnelles, refus radical de l'aliénation mentale, voilà un pan conceptuel qui justifie la démarche des Kenyans. Uhuru Kenyatta et son régime africaniste ont posé un acte renforçant les habitudes matrimoniales d'autrefois. L'Europe et sa religion chrétienne ont imposé la monogamie contre le système social en vigueur, sans tenir compte des coutumes du pays. En clair, l'indépendance politique acquise dans les années 60 n'était que de façade, ayant laissé intactes les normes europénnes établies par l'ordre colonial. Il fallait à tout prix revenir aux coutumes strictement africaines sans aucune référence au modèle européen. Une éthique africaine pour les Africains, ainsi peut se résumer cette volte-face législative. Faisant table rase des habitudes importées d'Europe ou de l'Occident, les Kenyans ont affirmé leur différence morale. En réalité, ils n'ont fait qu'officialiser une pratique vécue au quotidien et entériner un état des faits. Considérée concrètement, cette loi confirme non seulement la situation familiale de beaucoup de politiciens et hommes africains qui en ont les moyens financiers, mais consolide également l'idée que les Africains qui ne sont pas polygames pratiquent une éthique d'emprunt. Je prédis que d'autres pays leur emboîteront les pas. En d'autres mots, la polygamie est naturelle à l'Africain.
3. Un camouflet à la femme
Seulement voilà. Comment, en plein vingt-et-unième siècle, un peuple moderne ou qui prétend à la modernité peut prendre une décision aussi rétrograde? Comment un pays christianisé peut-il renier ses fondements moraux monogamiques au profit d'une minorité musulmane qui favorise la polygamie? Doit-on simplement croire que l'Africain, indépendant, est libre de choisir sa voie? D'un point de vue idéologique, on peut se demander si le discours féministe avec son arsenal de concepts - émancipation, égalité, droits, mariage égal, liberté de consentement - tient encore dans un pays comme celui-là. L'homme africain menant la politique de l'immédiateté n'a pas trouvé mieux que de remettre les choses à leur place en annihilant le temps colonial et postcolonial. Les femmes perçoivent cette loi injuste comme une atteinte directe à leurs droits, à leur identités, à leurs personnes. Bien plus, c'est un camouflet sans pareil à la femme, une humiliation sans nom de la part d'un régime immoral qui prône la délinquence sexuelle masculine. Ce geste politique muselle la femme en l'insultant dans son être profond et en la chosifiant. La femme est un bien qu'on peut acquérir au même titre qu'un bijou, qu'un objet matériel. La femme est quelque chose dont on peut jouir et se débarrasser comme on veut.
Epouser autant de femmes que possible porte atteinte à la dignité de la femme tout en absolutisant le virilisme ou la masculinité. Alors que l'Allemagne permet désormais de choisir le sexe auquel on s'identifie, que l'Europe autorise l'union de même sexe, l'Afrique résiste à accepter le mariage égal pour tous. A l'homosexualité répudiée du champs de la vie morale, l'Afrique oppose le mariage polygamique sans retenue au profit d'une heterosexualite masculine debridee. La polyandrie n'est même pas un thème dans cette phallocratie. Les Bashielele qui pratiquent la polyandrie n'ont plus de place dans ce monde. Je pense en particulier à feu abbé Gilbert Mwah (Idiofa) d'heureuse mémoire; mes congénères savent de quoi je parle. Le problème est donc très complexe, et la réflexion s'impose à tous les niveaux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire