3 mai 2014

La voix qui s'entend

Ce 29 avril pendant que je me fais une tasse de thé, je suis interpelé par la dame qui travaille à la cafeteria de notre faculté:
- "Dr Mabana did you call me?"
- No I did not.
- But I heard you calling me.
- I did not call you, indeed. I see. I can understand. That happened to me many years ago. That still happens from times to times.
Cette conversation m'a rappelé mes propres histoires de voix. La voix qui s'entend n'est pas forcément produite au moment où on la perçoit. Oui, j'entends nettement des voix venues de nulle part, mais que je perçois clairement. Lorsque j'étais petit séminariste, on parlait de la voix de la conscience que chacun porte en soi pour distinguer le bien du mal. Le bien est à faire, le mal à éviter, nous enseignait-on à l'époque. Lettres mortes aujourd'hui car la réalité du monde n'y obéit plus. Dites-moi que je me trompe comme cela arrive souvent.
Je me souviens des phrases formulées par des gens il y a vingt, trente, quarante, voire cinquante ans. Des phrases de mon père du genre: "Ukonda luzitu ku batata nge?" Ou de mon grand-père Kahiudi: "Nge kuzola kubaka kinkokoto?", peut-être la seule phrase qu'il savait en kikongo ya leta. Et d'autres. La plupart des voix, je les entends en rêves. Je parle souvent avec mes morts comme avec les vivants dans mes rêves. Au réveil, je m'amuse à les interpréter du mieux que je peux.
Souvent, j'entends un cri lointain qui me réveille. Ce cri est vrai, il me réveille encore comme du temps où tout cela se passait. Ce fut le cri de l'abbé Jean-Pierre Gavuka de septembre 85 à septembre 86, date de sa mort. Paix à son âme! A l'évêché de Kenge, sa chambre était attenante à la mienne. A chacune de ses crises, on entrait par la porte intérieure donnant sur le couloir pour lui porter secours. Après sa disparition, ce cri strident a longtemps retenti à mes oreilles endormies. De moins en moins avec les années, je l'entends encore quand même.
La voix la plus claire, je l'avais entendue à Tuttlingen en RFA. J'étais endormi lorsque le train s'est arrêté. Et comme par miracle, j'ai entendu Mme Schmitt m'appeler: "Claver, Claver". Je me suis révéillé en sursaut, encore à temps avant que le train ne redémarre. Une sortie en catastrophe qui a surpris mon hôtesse qui m'attendait sur le quai. La réalité est qu'elle n'avait pas prononcé mon nom. Je me serais assurément retrouvé à Schaffhouse si je n'avais pas eu ce déclic libérateur.
Lorsque Chrystelle et Claver avaient un, deux, trois ans, combien de fois me suis-je réveillé à leurs cris alors que je me trouvais loin à Kinshasa, à Brazza ou ailleurs. Ces cris-là, je ne les entends plus, peut-être parce que je vis avec eux tous les jours, que je suis leur développement physique et spirituel au quotidien. Peut-être, peut-être.

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