Jetons un regard vers l'Ukraine, vers la RCA, vers la Syrie ou vers la Corse. Un constat étonnant et constant: lorsque ce n'est pas la langue qui divise, c'est la religion ou la race (ethnie). Le monde est ainsi divisé. Regardez la carte de l'Afrique, combien de pays en dehors du Maghreb et de la Tanzanie ont des langues officielles africaines? Les langues coloniales trônent au sommet de toutes les institutions occidentales, et ne laissent aucune places aux parlers régionaux. Revenons à l'Ukraine.
J'aime bien l'anecdote. Deux amis d'enfance se retrouvent dans un même milieu de travail. Le premier est curé; le second agent pastoral. Le curé, dans sa toge de directeur spirituel de la famille, convainc l'épouse de son agent que son mari est indigne est indigne d'elle. Le mariage se dissout, le curé se retrouve père du bâtard et abandonne aussitôt la dame à son propre sort. J'appelle cela le syndrome du voisin ravageur et envahisseur; le même qui se retrouve chez le puissant voisin Russe manipulant la minorité Ukrainienne. Jeu de cache-cache, mais jeu quand même. Le curé et madame sont du même groupe tribal et parlent la même langue. Et ce matin j'ai entendu sur BBC qu'une femme ukrainienne a décidé de quitter Donetsk parce qu'il lui serait désormais incapable à son âge d'apprendre et de parler le russe, la langue du vainqueur du referendum (démocratique).
La langue est une arme de guerre. L'histoire l'a montré dans tous les sens de sorte qu'il est inutile d'y revenir. Caton défendait en public que les Romains apprennent le grec; mais lui-même s'enfermait le soir pour l'apprendre en catimini, au point de s'abimer les yeux sous une lampe défectueuse.
Les Congolais ont l'habitude de poser une question: "Oza ekolo nini?" qui signifie: "De quel coin es-tu?" mais en réalité: "Quelle langue parles-tu". La langue que tu parles peut jouer pour ou contre toi. Un soir autour de 23h30 à Kinshasa 1ere Rue Dilandos, Limété, j'ai été pris en tenailles par trois hommes habillés en tenues de soldats. J'ai eu le réflexe de crier en kisuku, les sentinelles du coin ont vite accouru machettes et couteaux à la main pour faire déguerpir les malfrats. Comme cela se sait, la plupart des sentinelles ou des gardiens de propriété sont yaka ou suku pour ne pas dire du Bandundu. La langue m'a sauvé d'un mauvais quart d'heure.
Seulement voilà. Cette langue "suku" dont je me réclame tant et dont je suis si fier, n'existe pas dans le système scolaire. J'ai été éduqué en kikongo (les premières années) et en français. Pour m'exprimer, je suis plus à l'aise en français que dans n'importe quelle autre langue. Vous aurez remarqué combien j'étale mes connaissances de l'italien, de l'allemand, de l'anglais sur ce blog. Le kisuku et le kikongo ne sont utilisés qu'occasionnellement. Et pourquoi? ALIENATION MENTALE, DERACINEMENT CULTUREL, ACCULTURATION. Ces mots sont ma réalité au quotidien. Qu'est-ce que j'enseigne à l'université? Le français. Pas le kisuku, ni le kikongo. Le ridicule ne tue pas.
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