16 juin 2014

A propos des échanges de tirs à la frontière congolo-rwandaise

J'ai longuement discuté sur ce sujet avec un collègue qui s'intéresse beaucoup aux questions politiques de l'Afrique Centrale. Il trouvait que c'est une mauvaise idée et qu'il fallait absolument recourir à la solution diplomatique, craignant que ces échanges n'embrasent la région. Cela m'a poussé à quelques réflexions.
1.  A ce niveau la diplomatie est encore inégale. Le Rwanda n'a peut-être plus le soutien exclusif des Américains et de l'Ouest, mais il n'en demeure pas moins engagé à saper toutes les solutions pacifiques proposées dans la région. On ne peut pas se fier à un partenaire qui vous envahit, vous infiltre jusqu'au plus haut de l'état, et soutient les rébellions. Le Rwanda, à en croire tout ce que la presse rapporte, est responsable d'un génocide en RDC. Il maîtrise les rouages diplomatiques déjà au Conseil de Sécurité de l'ONU et bloque des résolutions susceptibles de le condamner. L'ONU semble plus à l'aise à traiter avec le Rwanda qu'avec la RDC dont les millions de morts sont ignorés de la communauté internationale. L'infiltration est telle qu'on ne sait pas qui est congolais et qui est rwandais. Des généraux congolais sont soupçonnés, à défaut d'être rwandais, de vendre la mèche de l'autre côté et d'être des agents de sécurité travaillent pour le Rwanda plutôt que pour la RDC qui les emploie. La confiance de base n'existant pas, la diplomatie s'avère à mes yeux un leurre qui fait de la RDC la victime idéale des agressions du Rwanda.
2. La guerre, quoique meurtrière, semble se poser comme la seule solution. Les opposants au régime déclarent carrément qu'il n'existe pas d'armée républicaine en RDC, que l'armée protège plus le régime en place que la population ou le territoire national. Qu'il y ait eu des affrontements à la frontières entre les deux armées est le signe que la confusion qui prévalait par le passé est terminée, qu'il faudrait compter désormais avec une armée congolaise qui peut défendre son territoire. Avec les rebelles, le discours était différent, car ceux-ci prétendaient être des Congolais en opposition avec le régime de Kinshasa. C'est un acquis de taille. La frontière n'est plus un passoire où des soldats étrangers peuvent opérer impunément. L'agenda d'annexion qu'on évoquait il y a quelques années semble céder le pas à une prise de conscience de la part des Congolais, désormais prêts à défendre leur berceau.
3. Si le FDLR  est démantelé comme on le laisse croire, il n'y a plus de raison pour les Rwandais d'entrer sur le territoire congolais quoi qu'il en coûte ni de prétexter un quelconque motif sécuritaire. Cela étant, la RDC prend désormais son destin en main et peut tacler les autres fléaux sous-jacents: exploitation illégale des matières premières, viol des femmes, propagation du sida, protection des enfants-soldats, etc. Qui veut la paix, prépare la guerre. La RDC a intérêt à se défendre, à protéger son territoire et ses richesses naturelles enviées par les voisins et les multinationales.
4. Il ne faudrait cependant pas perdre de vue que ce coin regorge de personnages à double casquette qui, pour les besoins de la cause, peuvent être Congolais le jour et Rwandais la nuit. La vigilance est de mise dans ce genre d'opération; c'est là que les renseignements sont nécessaires. Une mascarade de guerre pourrait tout aussi être déclenchée afin de détourner l'opinion nationale et internationale des vraies réalités de ce pays. Ce serait naïf de croire que les démons deviendraient des saints en l'espace de quelques semaines. Expulsions de Brazzaville et éclatements belliqueux, ne serait-ce pas des revers d'une même médaille et d'un processus d'étouffement de la RDC? Qu'on se le dise: la vérité, entendue comme état objectif de la réalité, est inconcevable en politique; seul l'intérêt compte.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire