11 juin 2014

Un président africain et la Constitution de son pays

Ce 11 juin,je suis en route pour Cave Hill. A 9h30, j'ouvre la BBC et ce que j'entends me surprend. Le président Nkurunzinze du Burundi en personne est interviewé; à un moment j'ai cru me tromper en disant: "Non, c'est un de ses collaborateurs qui craint, comme c'est souvent le cas dans nos dictatures africaines, de dire clairement le fond de sa pensée". A la question de savoir si la Constitution était claire sur la durée et le nombre des mandats présidentiels, et si en cas de réponse positive, elle serait suivie, l'illustre personnage: "La Constitution paraît claire aux yeux des journalistes ou de la presse, mais pas pour la réalité politique du pays. Il ne me revient pas de l'interpréter; il y a des spécialistes pour élucider cette Constitution". Au fil des questions directes sur sa gestion du pays, j'ai de nouveau identifié le président. Son discours illustrait que tout allait bien, que tout allait dans la bonne direction, qu'on ne saurait relever en cinq ans ce qu'on a détruit en cinquante ans. A propos des opposants arrêtés, il a dit à peu près: "As you know, justice is independant in Burundi". Pierre-Claver Mbonimpa n'est pas en prison parce qu'il est activiste de la paix et des droits de l'homme, mais pour avoir commis des délits de justice. La justice "indépendante" s'en occupe, et que lui n'a rien à voir dans cette affaire. J'ai eu l'impression que le journaliste anglais poussait, avec une ironie et une liberté remarquables, le Président à dévoiler son agenda politique à venir.

1. La faiblesse de nos institutions. Ce sont les ambitions et les intérêts politiques qui minent la "démocratie" en Afrique. Voilà qu'un président met en cause la validité de la Constitution qui l'a placé à la tête de son pays. Dire que la Constitution qui stipule un maximum de deux mandats présidents de cinq ans n'est pas claire et doit être réinterprétée par des spécialistes, porte à confusion. Est-ce qu'Obama qui se trouve dans la même situation pourrait contester la validité et la légitimité de la Constitution Américaine?
2. Le message du président dans cette interview revient à ceci: vous pouvez évoquer la Constitution ou pas, je resterai président de la république. Si cela va dans le sens de la Constitution, ok; sinon on la change, on la suspend ou on la rend caduque. C'est cela l'interprétation qu'il évoque. Il faut éviter de remonter aux directives d'Arusha ou au chaos des coups d'état des temps de l'indépendance. Une nouvelle page historique se tourne avec lui-même comme président. 
3. La pauvreté, la famine et la corruption relevées par la BBC comme des fléaux au Burundi ne constituent que des détails mineurs dans la poursuite de grandioses actions que l'illustre président a réalisées dans ce pays. En d'autres mots, "laissez-moi donc le temps de continuer et de parachever l'oeuvre que j'ai commencée". 
Tous les signes annoncent une revendication d'un troisième mandat, pourquoi pas d'une présidence à vie? Monsieur, relisez l'histoire de l'Afrique des cinq dernières décennies.

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