La décision du gouvernement erythréen d'imposer la polygamie aux hommes au risque d'être emrpisonnés dérange, surprend et révolte selon que l'on soutient telle ou telle doctrine de vie. Les hommes applaudissent, les femmes refusent ou se résignent. Une décision pareille, je ne sais pas à quel niveau elle a été prise, démontre la complexité du monde et des visions du monde. Pour les uns, elle répond à un exercice souverain de la conduite d'un état; pour d'autres c'est simplement un abus de pouvoir qui va à l'encontre des principes fondamentaux qui sous-tendent les droits de l'homme.
1. Exercice de la souveraineté nationale? Le gouvernement erythréen a le devoir d'assurer la vie et de l'organiser au sein de son territoire. Vu le nombre élevé de femmes comparé aux hommes, vu l'insuffisance démographique, ce gouvernement a jugé judicieux d'imposer une justice pour que plus de femmes jouissent du droit d'être épouses et que, par conséquent, la population erythréenne décimée par la guerre, augmente de façon raisonnable. Le bien de l'Etat prévaut sur celui des individus. Ce faisant, aucun autre état ne saurait s'octroyer le droit d'imposer à l'Erythrée des principes d'organisation qui ne répondent pas au besoin de son peuple. Et dans ce domaine comme dans les autres, la souveraineté nationale ne se discute pas, ne se négocie pas et ne souffre d'aucune imposition idéologique extérieure. Quand il touche à des points sensibles et individuels, il y a de quoi se demander où commence le droit de l'individu et jusqu'où s'étend le pouvoir du gouvernement d'un pays.
2. Abus de pouvoir? On croirait avoir affaire à une dictature morale ou ethique. Le gouvernement en prenant une telle mesurene va-t-il pas à l'encontre des libertés individuelles et sociales? On répondra assurément que nul ne sait, mieux que le gouvernement erythréen, ce qui est bien pour l'Erythréen. Son devoir n'est-il pas de veiller au bien-être de la population et de réguler sa vie communautaire? Avec de tels raisonnements, on tombe vite dans l'arbitraire et l'imprévisible. D'un point de vue simplement éthique, l'imposition de se marier sur l'ordre d'un gouvernement soucieux d'assurer une justice égalitaire et d'augmenter la démographie de la population paraît abusive, totalitaire et sans fondement. Le passage forcé d'un souhait à une loi est controversé et ne saurait recevoir l'unanimité des citoyens. Le résultat est que les hommes applaudissent alors que les femmes y sont opposées. Logique! On légalise le voeu des hommes d'avoir plusieurs femmes pendant que celles-ci sont réduites à subir le calvaire d'une polygamie non désirée. Il va sans dire qu'on touche à leur liberté fondamentale quoique ce soit dans un pays musulman. On touche à leur droit fondamental.
3. Atteinte aux droits de l'homme? Etre emprisonné pour avoir refusé de devenir bigame ou polygame revient à une condamnation qui porte atteinte aux droits de l'homme. Tout dépend de comment on interprète la loi qui impose la polygamie. Qu'adviendra-t-il des hommes incapables physiquement ou psychologiquement d'entretenir un foyer à plusieurs femmes? Qu'adviendra-t-il des femmes qui déserteront la maison à la suite d'un désaccord avec le mari sur ce sujet? N'y a-t-il pas risque de déstabiliser la société et son fonctionnement? Je ne sais pas s'il y a une minorité chrétienne; si elle existe, faudra-t-il mettre en prison tous ces chrétiens qui s'attacheraient aux principes de leur religion? Là alors, on frise l'intolérance. Que prévoit la loi pour les récalcitrants ou les objecteurs de conscience qui seraient tentés de s'y opposer par des moyens légaux et par l'activisme? Qu'adviendra-t-il du droit au divorce? Les questions sans réponses claires sont nombreuses.
4. Des solutions? Il y a dans ce monde déjà plusieurs pays qui encouragent la natalité en prenant des mesures plus ouvertes, sans empiéter sur les libertés individuelles. Les pays scandinaves (Suède, Norvège, Finlande, etc.) accordent des congés de paternité et de maternité allant jusqu'à une année; congés payés avec des allocations spéciales, soutien de l'infrastructure sociale, amélioration des conditions de vie et de santé pour les familles nombreuses. Ils pratiquent des politiques sociales plus humaines sans contraindre qui que ce soit à devoir devenir père ou mère contre son voeu. Pour que les femmes ne se sentent pas désavantagées par une telle loi discriminatoire et partiale, il faudrait responsablement les associer à la recherche des voies et moyens plus respectueux de leur statut de femme et de mère. La polygamie étant autorisée par la religion islamique, il conviendrait d'équilibrer l'autorité du mari en évitant les abus les plus délicats. Dans un monde de plus en plus matérialiste et capitaliste, le centre de l'action sociale doit viser la valorisation de la femme et du rôle qu'elle pourrait y jouer. Notons toutefois que les Erythréens sont absolument indépendants et libres de trouver les meilleures solutions à leurs problèmes.