Sommes-nous vraiment destinés à être pauvres? C'est la question que je me pose car plus les années passent, plus l'inaction perdure dans ce sens. Les échos qui nous parviennent du pays font constamment état d'une permanente carence d'eau et d'électricité, de moyens financiers, de conditions sanitaires et hygéniques de base, voire de capacités pour faire face aux problèmes de base que rencontre la population. En même temps nous lisons ou sommes informés d'inaugurations spectaculaires d'infrastructures de luxe et de modernisation qui ne rencontrent pas les besoins de la population. L'Afrique offre le spectre d'un développement à deux vitesses. Pour s'en rendre compte, il vous suffit de sortir de la route principale et d'utiliser les artères secondaires. Les boulevards par où passent les autorités politiques sont dorés à l'extrême, alors que les rues utilisées quotidiennement par le petit peuple portent des nids de poules, de la boue, voire des immondices au point de devenir totalement impraticables. On dirait que le bien-être social n'est pas la préoccupation principale de nos dirigeants. Lors des campagnes électorales, on entend pourtant des promesses de toutes sortes, mais la réalité ne correspond jamais à ces discours.
J'ai toujours soutenu que, dans nos pays, l'on devient politicien pour s'assurer des conditions meilleures de vie, pour accéder à des crédits et pouvoirs d'achat autrement inaccessibles, pour s'enrichir plutôt que servir le peuple dorénavant relégué au rang d'électeur ou d'instrument sur le chemin de l'ascension de l'élu. En fait on forme sans le savoir une classe sociale privilégiée qui pense à tout empocher plutôt à qu'à créer la richesse pour tout le monde. Le directeur d'école, une fois élevé au rang d'honorable, oublie aussitôt sa base et ses origines, étale scandaleusement les privilèges de sa fonction et trahit les aspirations profondes de ses électeurs. C'est la politique, c'est-à-dire l'art du mensonge et de la cruauté. Mon frère Parfait m'a surpris en les appelant "politi-chiens". Ils portent l'entière responsabilité de la pauvreté.
Le développement ne se définit plus en termes d'argent ni d'investissemenst, mais en termes d'accessibilité à l'éducation, la santé, au bien-être social et financier, aux infrastructures élémentaires que sont l'eau et l'électricité. L'indice d'évaluation a changé depuis des années. Un fait élémentaire m'a impressionné à mon arrivée à la Caraïbe: c'était l'eau chaude dans les maisons. Chose réservée aux riches dans ma société d'origine, encore faudrait-il qu'il y ait l'eau et l'électricité. Chose inimaginable chez nous. Le premier appareil de chauffage à eau pour douche que j'aie vu était installé à Kalonda par les Américains qui construisaient les antennes électriques d'Inga-Shaba.
Pourquoi sommes-nous incapables de nous libérér de la pauvreté alors que nous disposons d'un continent rempli de matières naturelles et premières enviées par le reste du monde? Ce serait faux d'attribuer toute la responsabilité aux politi-chiens; mais il faudrait à la base une éducation au développement et un changement radical de mentalité. Un villageois qui devient citadin, qui renonce à sa chasse hebdomadaire et à la cueillette afin de travailler comme sentinelle ou ouvrier, ne sortira jamais de la pauvreté. Un fils né dans des conditions d'extrême pauvreté ne fera que bouchée double de tous les biens communs qui passeront devant ses yeux, car il devra incessamment satisfaire un manque originel jamais assouvi. Cupidité, égoïsme, arrogance du parvenu. Et un pays dirigé par des parvenus de toutes sortes ne pourra jamais sortir de la pauvreté.
Un gouvernement qui ne se soucie pas des besoins fondamentaux de la population est défaillant, peu importe la valeur intellectuelle de ses membres. Souvent ce type de gouvernement, composé de millardaires sortis de rien, trône sur une population indigente sommée de vivre des miettes qui tombent de la table de nouveaux riches. La pauvreté n'est pas un destin, qu'on se le dise. Elle peut être vaincue si l'effort est mis: c'est à la capacité de la juguler qu'on peut juger l'action d'un gouvernement. Malheureusement nos gouvernements africains sont plus préoccupés de conserver le pouvoir plutôt que de servir la population dont ils tirent leur légitimité. Feu Mobutu aimait dire: "mon seul juge, c'est le peuple zaïrois." Attention au discours démagogique!
Sommes-nous vraiment destinés à être pauvres? Oui si nous sommes muselés par la peur du changement, la terreur des réprésailles politiques, l'incapacité d'améliorer nos conditions de vie. Oui si nous restons inactifs et attendons que la manne nous descende du ciel. Oui si nous nous laissons tirer par des guides providentiels incapables de séparer le bien du pays de leurs intérêts personnels. NON, si nous récusons la misère et optons collectivement de nous en débarrasser. C'est à ce niveau que le leadership prend de l'importance.
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