J'ai comme toujours lu avec attention ton entrée intitulée "Débrouille ou corruption?". Bien que ton analyse soit acceptable, j'estime que tu devrais tracer une claire différence entre qui vit de la débrouille et qui vit de la corruption. Je trouve que le petit peuple se débrouille alors que les tenants du pouvoir sont corrompus et vivent à coup de corruption. Cela peut se relativiser, mais je le pose comme point de départ pour mon raisonnement.
Le petit peuple vit de débrouillardise. Il vit dans la rue, va au boulot, et rapporte le fruit de sa sortie à la maison. Selon la récolte du jour - à la manière de nos ancêtres qui allaient en forêt attraper du gibier ou cueillir des fruits - la famille peut être nourrie à sa faim ou bien se contenter de quelques miettes. A l'époque des "villes mortes", les fonctionnaires souffraient énormément car ils vivaient de ces sorties. Un collègue professeur d'université m'a raconté que ses enfants attendent qu'ils reviennent avec un colis ou un paquet de nourriture à la maison, alors qu'il sort de la maison pour enseigner et non faire des provisions au marché. C'est la débrouille. Chaque maison possède devant la grille un coin de vente: haricot, riz, poisson, tomate, arachide, légumes, et même des allumettes, biscuits, piles, etc. Tout le monde vend pour survivre. Tout le monde vend, sinon impossible de tenir les deux bouts du mois. Le petit ligablo a sa raison d'être.
Le jeune homme acolyte à St Augustin de Lemba va vendre ses petits objets "noix de cola, gingembres, mouchoirs à papier, eau "pire" à Bandal, de peur de perdre son honneur dans son quartier d'origine. La jeune fille est exposée à la prostitution ou à l'esclavage moderne, et sa famille attend qu'elle leur rapporte l'argent nécessaire pour payer les études de ses frères et sœurs cadets. Les enfants de la rue vivent de vol, de recel, de tous les crimes mineurs susceptibles de leur rapporter à manger, à fumer et à boire. Les policiers et soldats prétendent protéger la population qu'ils rançonnent en plein jour, et se transforment en bandits la nuit venue. Cela c'est la débrouille.
La corruption est à tous les niveaux, comme tu l'as écrit. En réalité, c'est la débrouille des tenants du pouvoir. Les élections législatives, présidentielles et sénatoriales ont démontré combien la corruption a promu des non-élus au détriment des élus du peuple. Ce n'est pas moi qui le dis, et je n'ose pas abonder dans ce sens. J'ai dit tantôt "tout le monde"; je le confirme. Seulement l'objet de la vente change selon le cas. Tu as écrit que la corruption va jusqu'à la trahison de son propre pays. Les fameux arrangements souterrains et nocturnes ne visent qu'à piller le pays de ses ressources naturelles et non naturelles. Des Chinois entrent en toute illégalité parce qu'ils sont protégés par des "grands" qui tirent d'énormes bénéfices des trafics d'or, de coltan, de diamant et que sais-je encore. Le sénateur élu a dépensé des sommes auprès des députés provinciaux. Et les plus malins de ces députés se sont laissés corrompre par tous les candidats-sénateurs. Des maisons se bâtissent à vue-d'œil, des véhicules de luxe s'achètent, des objets de grande valeur s'acquièrent grâce à ces genres de corruption. En plus de leurs salaires faramineux lorsque l'on sait que les fonctionnaires sont impayés depuis de dizaines et des dizaines des mois. Un enrichissement fulgurant dont on se vante alors que tout le monde sait qu'il vient des malversations, des trahisons, des trafics et des contrefaçons. Le pays entier est devenu le ligablo des grands corrompus jusqu'à la moelle épinière.
On dit d'eux qu'ils ont réussi. Les pilleurs des richesses du pays sont adorés au détriment des honnêtes citoyens muselés et sommés de croupir dans la misère. Se débrouillant à tous les niveaux, ils vont se livrer à la merci des églises du réveil où des pasteurs sans scrupule abusent de leur foi, de leur naïveté. Ces derniers aussi sont de grands débrouillards aussi corrompus que les tenants du pouvoir avec lesquels ils entretiennent des relations obscures, parfois difficiles à "débrouiller". Les voleurs sont hissés au sommet de la gloire matérielle et financière. Des millions sont dilapidés par des agents sans cœur. Telle est notre réalité. L'essentiel est de ne pas se laisser impressionner par l'étalage des richesses matérielles, car on sait qu'elles proviennent souvent des chemins malhonnêtes.
Voilà le petit point que je voulais faire. Débrouille pour les pauvres, mais la débrouille des riches, c'est la corruption. Débrouille du peuple, corruption des tenants du pouvoir. Je ne te convaincs pas, hein?"
Ton Pourfendeur
(Email du 17 juillet 2019).
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