13 décembre 2019. Comme prévu, j’arrive à Kinshasa Ndjili via Frankfurt, Addis Ababa, avec Ethiopian Airlinde, à 12h10. Seul mon frère Donat est là pour m’accueillir, le temps d’attendre mon beau-frère Prosper Mokende qui vient avec la voiture qui me sert au pays. C’est là que j’apprendrai qu’il lui est impossible d’arriver à l’aéroport bloqué dans le trafic au niveau de Debonhomme. Effectivement, la circulation est devenue chaotique à Kinshasa. Parti à 9 heures de son bureau, il lui est impossible de parcourir les trente kilomètres qui mènent à l’aéroport. Et pour cause ? Les sauts de moutons ou les saute-moutons, c’est selon. Ce qui n’est pas sans rappeler l’exercice de saut que nous pratiquions au sport. En effet, sur différentes grandes artères routières, on construit des élévations afin de permettre une circulation plus rapide des véhicules. La construction de ces ponts élevés sur le boulevard Lumumba freine lamentablement le trafic. Le comble est que nul ne sait quand elle finira. N’eut-été le recours aux motos Wewa, beaucoup de gens rateraient leurs vols à Ndjili. Je prends alors un taxi qui me conduit jusqu’à la station d’essence de Debonhomme dans le sens droit du boulevard. De là, cap sur Binza Pigeon. Ma belle-sœur Sola m’accueille comme d’habitude. La nourriture bio est excellente, la boisson aussi ; mais je suis trop éreinté pour vraiment en jouir. Je me repose et me remets du voyage.
Le lendemain, je prends la route pour Bandalungwa où je dois rendre visite à ma tante-cousine Marceline Hungu et sa fille Blandine Sanda. En fait, c’est une priorité car elles ont été durement éprouvées par la mort de Patience Sanda. Les lecteurs de ce blog se souviendront de cette disparition. Car depuis la Barbade, j’ai perçu la mort de cette dernière en criant son nom. Une télépathie sans pareille. Je l’ai écrit soulignant en littéraire le sens cosmique de cette forte relation familiale. Mais le rendez-vous n’aura pas lieu. Maman Marceline se trouvant à un deuil et Blandine étant inaccessible, je remets la visite à plus tard. Je décide alors de me rendre à Debonhomme pour réconforter ma cousine Adrienne Kayolo qui a traversé une période difficile. Au premier saute-moutons, je suis interpellé par une policière qui ne cherche que de quoi assurer son weekend. Elle force d’entrer dans la voiture, ce que je refuse, en bloquant les portières. Je refuse de payer les 100 000 Fc qu’elle exige soi-disant pour changement brusque de bandes. « Où sont les bandes ? » Que je rétorque. Ces policiers de circulation extorquent la monnaie aux usagers de la route pour des motifs souvent inventés de toutes pièces. « Papa, laisse-nous juste une bière pour fêter le weekend ». Ce que je refuse, arguant que je n’ai rien. Je profite d’une ouverture sur la route pour filer à l’anglaise, je ne m’arrête plus. « Tu as eu de la chance ; ces policiers corrompus et avides d’argent pouvaient crever tes pneus et t’agresser », selon un ami à qui j’ai relaté le récit plus tard. Le passage chez Adrienne est sans histoire : belles retrouvailles quoique mon hôtesse soit malade. Un excellent repas. On passe presque trois heures ensemble à nous raconter nos expériences de vie et à nous encourager mutuellement. Rendez-vous est pris pour Kenge où se tiendra le samedi 21 décembre le mariage de notre Yhancine Tsumbu avec Pascal Bituli. Sur la route de retour, je fais un crochet à Lemba Super avant de regagner mes pénates de Pigeon.
Le dimanche 15 décembre j'arrive à Kenge dans la nuit. Ma chambre habituelle du guest house est occupée, je dois attendre quelques jours. Que dis-je? Le personnel du guest house informé de mon arrivée relativement tardive a pris d'autres dispositions utiles. Il y a plusieurs véhicules d'hôtes venus de différents coins. J'en profite pour me reposer après avoir alerté les miens de ma présence à Kenge. C'est entendu. Je commence les cours le lendemain.
Le 16 matin éclate un petit imbroglio. On cherche une salle de classe. L'Edap étant encore ouverte, impossible d'enseigner à l'ISP de l'Epom. Les étudiants ont été orientés vers le campus de Mangangu, mais l'assistant Richard Mbangi suggère Nto-Kiese ou Masikita. Pour éviter de perdre le temps, j'opte pour Mangangu quitte à voir comment changer le lieu d'enseignement plus tard. Quelques étudiants m'attendent déjà à Mangangu. L'un ou l'autre sont en stage, mais l'effectif de 8 sur 9 est atteint en début d'après-midi. Comme je dois enseigner les "Questions spéciales de littérature congolaise" et animer un "Séminaire de recherche" en licence 2 Français et Culture africaine, nous nous mettons d'accord pour un plan efficace et réaliste de travail. Pour ce premier jour, je donne des textes à imprimer et à lire pour le lendemain, car je sais d'expérience que nos étudiants ne lisent pas. Je les force en fait à lire et analyser toutes sortes de textes. Pour certains, hélas, ce sont les seuls textes qu'ils lisent effectivement, se contentant essentiellement de notes des cours. La plupart de mes étudiants sont enseignants, agents d'administration; il y a même un agent de l'ordre qui ne porte cependant jamais l'uniforme en cours. Tant mieux, autrement je serais effrayé car depuis mon enfance je ne suis jamais ami-ami avec les gens en uniformes.
Du 16 au 20 décembre, j'achève mon premier cours de QSLC moyennant 8 heures journalières quoiqu'il y ait des absences intermittentes. Chaque jour, j'exige en principe une réflexion personnelle de deux ou trois pages, mais la lourdeur de l'horaire et des activités de Noël ne le permet pas. Je limite ces réflexions, mais introduit un test final pour m'assurer qu'ils ont compris la matière. Je profite de certains soirs pour rendre visite aux miens au Camp Mukisi, au Champs de Tirs, au Camp ONL. Un étudiant a sa femme malade, un autre la petite-sœur kidnappée à Kin, un autre membre du protocole de l'assemblée provinciale... deux autres absents. Je suspends le cours cet après-midi.
Le 21 décembre avant-midi, j'introduis mon second cours, le séminaire de recherche. Ayant constaté que les étudiants ont de flagrantes lacunes sur la rédaction de leurs mémoires, je décide ou nous nous mettons d'accord pour nous y atteler. Je les introduis à la lecture pratique, à la recherche utile et à des trucs nécessaires pour un travail académique efficace. Il faut avouer que je tire profit de ma propre expérience de chercheur et de ma fonction de Director for graduate studies and research à Cave Hill, Barbados. La plupart d'entre eux n'ayant pas encore commencé leurs mémoires, je consacre ce séminaire à cette fin. Les deux étudiants dont j'ai accepté la direction exposent leurs sujets à tout le monde, ensemble on discute, on évalue et donne des conseils. Un autre dont je ne dirige pas le travail expose aussi le sien. J'enseignerai ainsi les 23, 24, 26 et 27. Le test final consistera, ils ne le savent pas, à étudier un sujet vu en cours de QSLC et à en faire un projet de recherche + plan. Soit 3 heures de travail. Dur, mais le résultat est encourageant pour les plus doués des étudiants.
Le 21 décembre 2019 donc a eu lieu le mariage de ma nière Yhancine et son mari Pascal. Je passe les détails des intrigues propres à nos familles derrière cet événement. Normal! C'était une belle fête, j'ai même dansé pour présenter le cadeau de la famille en compagnie de tout le monde venu de partout. L'occasion pour moi de rencontrer l'abbé Fidèle Pindi, mon oncle. On prend rendez-vous pour le lendemain après la messe dominicale à la Procure. C'est ce dimanche que je rencontre l'abbé Kiala SGA de l'ISP qui se plaint de ne m'avoir pas vu, alors qu'il m'a laissé le soin de m'organiser librement pour mes enseignements. Je passe les détails.
Comme toujours pour moi, le sommet c'est mes rencontres avec Kha Hileni, ma grande-tante. Parler avec elle constitue pour moi une source formidable d'inspiration et d'information. Je ne cesse d'apprendre des choses sur mon propore passé et sur les miens. Ses propres enfants s'étonnent que je sois si attaché à cette nkhaka, la seule qui l'est encore à ce titre.
Sans un seul jour de repos à Kenge, je suis reparti pour Kinshasa à la fin du dernier test. En chemin, j'ai eu un petit accident. La voiture a heurté un sac de mais et denrée alimentaire tombé sur son passage alors qu'on croisait un camion à l'autre bande de la chaussée. Le sac a été traîné sur une douzaine de mètres... dans la foulée, le plateau soutenant le moteur s'est détaché. Jean-Luc Kangulumba a eu le soin de rattacher, grâce à une corde tirée de son sac à dos, ledit plateau pour permettre une poursuite sans encombre du voyage. Pari gagné, on est arrivé. Je passe directement chez ma tante-cousine Marceline et sa fille avant de rejoindre Pigeon.
Le 29 décembre j'ai eu l'immense plaisir de retrouver quatre copains de route: François Mapasu, Paulin Bampoli, Floribert Kasamba et Marc Mutombo. C'était chez Me Benoît Lubamba et son épouse Vicky ma soeur. Des retrouvailles où nous avons revu le vieux passé de notre jeunesse avec bien entendu Kalonda comme centre d'intérêt. Mafranx est demeuré égal à lui-même, avec son expression toujours riche et châtiée: "eh bien, tu es à quelques encablures du lieu du rendez-vous". Paulin relatant l'épisode d'une nuit de 1985 où il me reconnut par la démarche et appela Dekunda. Floris dans son humour révélant des vieilles histoires oubliées. Marc, le DG, le plus jeune et le plus gradé de nous tous, n'est autre que celui qui autrefois m'a ouvert les portes de l'évêché; il a révélé être le frère jumeau de mon épouse. Des rires à vous fendre les côtes. J'ai aussi eu à gérer la présence de mes soeurs Béa, Passy et Vicky, et de mon frère Rigo. Nous avons parlé famille ainsi que des événements survenus récemment.
Le lendemain 30 décembre, j'ai pris la route à 6h00 pour nous retrouver à Bibwa à 8h45, soit 2h45 pour un tronçon qui aurait pu se faire en moins de quarante minutes. Sauts-de-moutons toujours en cause. Le détour chez Papa Bunda a été court mais intense. On a pris un verre de vin rouge reçu de la dot de Carine, ma cousine dernièrement mariée à l'église. Il le fallait. Un autre mariage se pointe à l'horizon pour le 16 février toujours à Kinshasa. C'est celui de Sergine, la seconde de mes cousines Bunda. Il était 13h20 lorsque l'avion Ethiopian Airlines décolle de Ndjili pour Addis et plus tard Frankfurt où j'arrive le 31 décembre à 6h00. De là cap sur Lohr am Main chez l'abbé Ignace Matensi où j'ai fêté la Saint Sylvestre.
Bonne et heureuse année à toutes et à tous!