21 janv. 2020

"Luanda Leaks": Isabel dos Santos et Sindika Dokolo à la barre

Comme tout le monde, je lis depuis hier ou avant-hier "Luanda Leaks" publié par RFI. Je lis tous ces articles. Vrai ou faux? A la justice de faire son travail de décryptage de cette nébuleuse inextricable et emberlificotée. L'impression qui se dégage d'emblée est que la fille de l'ancien président angolais et le fils du banquier de l'ancien président congolais ont en commun d'avoir grandi au sein du pouvoir et des affaires, d'avoir ciblé leurs formations académiques à l'aune du profit, et surtout d'être des génies dans la manipulation de la puissance politique et financière. Fille et fils de bonnes familles et de "bonne" éducation, pour parodier Don Firmino. Je crois avoir bien compris comment le couple milliardaire s'est hissé au sommet du monde des affaires africain et universel. 
1. Ingénieure et collectionneur d'art. Isabel présentée comme une ingénieure en électricité, a à ce titre dirigé la Sonangol qui n'est autre que la société pétrolière nationale. C'est la femme la plus riche d'Afrique. Sa richesse est si collossale qu'elle est accusée d'avoir détourné des fonds publics (2 milliards de dollars), d'avoir bénéficié du soutien paternel pour amasser des fortunes et créer des sociétés-écrans afin de masquer l'évasion massive des capitaux. Le fils de banquier Sindika vient à point nommé compléter le tableau. Collectionneur d'art dans un pays riche en diamants, il se marie à la richissime gestionnaire du pétrole. Le couple est bien lancé pour réussir dans le pétrole et le diamant dont l'Angola regorge. Initiés dès leur jeune âge aux secrets de palais, ces deux génies visent très haut, très loin. Leurs ambitions reflètent l'immensité de leur vision financière.  Pourquoi ne pas créer une "De Beir" angolaise pour rentabiliser toutes les recettes de cette juteuse mine à portée de main? Tout leur réussit: rachat des joalliers de luxe, joint-ventures aux contours obscurs, croisières à Cannes, succès dans le monde huppé de Paris, Londres, Malte, Lisbonne grâce à une créativité ou une inventivité que rien ne freine. De Grisogono en faillite voit son ardoise de dette effacée ou presque grâce à un subtil rachat de Sodiam, entreprise nationale des diamants angolais... Et comme par un jeu de magie dont ils détiennent le secret, une société basée en Hollande ou à Malte tire d'énormes intérêts sur ces lucratives opérations. La méthode est la même: l'état angolais paie, investit, rachète ou prête, mais les intérêts vont à une société privée du couple. C'est ce que tout le monde lit. Ici je me permets une lecture personnelle. 
2. Héritage familial. Une question simple d'abord. De quoi Dos Santos a-t-il hérité de sa famille pour que sa fille devienne la femme la plus riche d'Afrique? D'où vient cette fortune? Nous sommes en pleine histoire post-indépendante de l'Afrique, l'Afrique des présidents riches trônant cyniquement sur des populations pauvres. Le pouvoir politique postcolonial a créé une oligarchie africaine, une élite taillée sur la manipulation des finances. L'argent de l'état est impunément détourné au profit des tenants du pouvoir et de leurs familles. Et le système en vigueur les met, hélas encore, à l'abri des poursuites judiciaires. Les enfants de nos leaders politiques héritent de leurs parents et le pouvoir et l'avoir. Les fils-présidents de république en sont la preuve. Les millionnaires et milliardaires se comptent parmi eux. Comment expliquer ces milliards dans un continent où la pauvreté et la précarité sont extrêmes? La réalité est que le pays jusqu'à la preuve du contraire demeure une possession du leader guide éclairé qui en use et abuse. La réalité est que les ressources des pays sont lapidées, pillées, usurpées par les dynasties régnantes. Ce qui se passe en Angola avec les Dos Santos illustre la gangrène qui mine le destin de ce pays. C'est un revers judiciaire exceptionnel, instructif à plusieurs titres, car le nouveau régime cherche à y mettre fin, à assainir ses finances et affermir son pouvoir. Le chemin à parcourir semble encore long.
3. En lisant les Luanda Leaks, je suis remonté à mes jeunes années où j'étais passionné par les feuilletons des meurtres, euh, politico-religieux. Repensez à Au nom des miens, aux noms de Roberto Calvi, Sindona, Marcinkus. A la différence qu'il n'y a pas d'assassinats ici ni d'acquaintances avec la Maffia. C'est pas révélé. J'ai toujours prétendu avoir une fois croisé Calvi dans les escaliers de l'Instituto per le Opere di Religione. Vrai ou faux? Je le crois encore, mais cela n'a pas d'importance. La méthode de Sindona n'est fondamentalement pas différente de ce qui est appelé "l'écosystème de De Grisogono/Dokolo." Nihil novi sub sole. Je ne suis pas étonné, alors pas du tout. Ces enrichissements fulgurants et ces maniements de millions constituent souvent la crête de l'iceberg, cachent souvent des mystères à ciel ouvert. Restons vigilants et observons.
Tout n'est pas faux, tout n'est pas vrai non plus. Du moins, pas de doute que l'Afrique est saignée à blanc, spoliée par ses propres filles et fils avec la complicité des partenaires étrangers. Si au lieu d'aller se prélasser dans les salons luxeux du monde occidental ou asiatique, au lieu de convoler avec des banquiers suisses, on pouvait se donner la peine d'investir chez nous et d'améliorer les misérables conditions de vie nos compatriotes? Si ces millions dilapidés pouvaient être mieux redistribués au profit de nos concitoyens?.... Et si? et si?....
"You are dreaming Man," dirait mon pourfendeur. "Ironie de la vie. Dans l'article précédent de ton blog, tu cherches, pour secourir ton ami empoisonné, à rassembler 400$ pendant que d'autres dépensent 4000000 $ comme des centimes." J'ai dit.    

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