2 janv. 2021

Leçons de mon dernier séjour en RDC

1. Imprévisibilité. Une fois dans notre pays, il faut oublier tout planning. C'est la meilleure façon de s'épargner certaines difficultés inutiles. Oublier l'heure, oublier l'ordre. En d'autres termes s'adapter aux événements et aux circonstances de la vie. Etre flexible face à toute éventualité. Organiser quelque chose avec quelqu'un demande une certaine constance dans la pensée et une consistance dans les idées; certains compatriotes pourtant avertis agissent de façon improvisée et désinvolte. A se demander s'ils ont une idée de ce à quoi ils s'engagent. 

2. Mercantilisme. Rien pour rien. Rien ne se fait pour rien. A l'aéroport déjà, le contrôleur demande sa bière. Au cimetière, le garde exige sa shimboki. Au magasin le vendeur attend son matabishi. Une femme me prie de lui remettre 25 dollars pour quelques denrées alimentaires à défaut de me faire payer une glacière de 60 dollars tel que le veut la loi. Je lui rétorque que ces denrées valent moins de 20 dollars, et que donc je préférerais les laisser à mes accompagnateurs. "Biloko eza awa, po na nini ezonga na ndaku. Pesa 20 dollars nasalisa yo." Elle prétend m'aider alors qu'elle m'excroque. Tout se vend même le sourire.Tout ce qui s'est appris en logique et à l'école devient caduc dans un environnement sans loi.

3. Corruption. La corruption, c'est le réalisme de ce pays. Tout se complique lorsqu'on ne passe pas par ce chemin. On dirait que plus ça change, plus c'est la même chose. Je n'ose pas parler de la politique à laquelle je ne comprends rien, alors rien du tout. Tout le monde est tellement préoccupé de gain, de résultat et d'enrichissement immédiats que les règles de l'élégance élémentaire sont bafouées. Le policier cupide exige du chauffeur, à un saut de mouton, une rançon de 50 $ sans que ce dernier ait commis une quelconque infraction. Il invente les lois de la circulation à sa guise, sanctionne qui et comme il l'entend. Les queues ne sont respectées nulle part, des privilégiés passent toujours en premiers moyennant un coup d'oeil entendu à l'agent de l'ordre ou quelques billets. On parle de rétrocession ou d'opération-retour. Un agent a remis un bouc à son chef pour que son salaire soit mécanisé. Le bouc a été consommé, mais le salaire traîne voilà trois ans déjà. L'agent est pris en otage car il ne peut recourir à aucune autre voie. La chaîne de la corruption évolue du bas vers le haut comme du haut vers le bas. C'est selon. Et chacun corrompt et est aussi corrompu. Allez-y voir. 

4. Profil bas. Le plus simple et le plus rassurant, c'est d'opter pour un profil bas, pour l'humilité et la réserve. Souvent, il vaut mieux ne pas parler, dissimuler son identité pour mieux gérer une situation difficile. Par instinct de survie, l'on acquiert une résilience face aux déconvenues que réservent les parcours des rues, marchés, bureaux ou entités administratives. Il m'arrive souvent de perdre mon sang froid et de m'énerver pour ces incohérences de routine alors que mes proches n'y voient aucune entorse. Sommé d'observer involontairement la retenue, je manque d'éxploser littéralement; mais je me maîtrise. L'agent de l'état a toujours raison car il tient un bras du pouvoir.  

5. Vivre dans cet environnement. La plupart de personnes que je rencontre ne sont pas heureuses: elles attendent des autres qu'ils fassent tout pour les réjouir ou résoudre leurs problèmes. Le Covid 19 est devenu le prétexte de toutes les dispositions. Ce virus n'existe pas réellement au Congo, je n'y crois pas. Car la promiscuité dans laquelle vivent les nôtres favoriserait, si le virus y existait réellement en ces lieux, une expansion meurtrière de la pandémie. J'éprouve de sérieux doutes. Si tout ce que nous lisons et voyons ailleurs devait se réaliser chez nous, la population congolaise serait complètement décimée. En attendant, on joue avec la comédie. On crée un terrain propice à la réception des aides internationales dédiées à la pandémie. Il se crée à la suite des initiatives un environnement très violent, agressif où seuls comptent l'égoïsme, le vol, l'extorsion, et la destabilisation socio-psychologique des autres. Un environnement chaotique et sans perspective immédiate d'avenir. Difficile de s'épanouir humainement et spirituellement dans cet exécrable bourbier.

Notre pays demeure beau dans sa complexité. Il suffit d'un leadership nationaliste digne et responsable. Et le tour sera gagné.  

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