31 oct. 2012

La vérité des sondages

Lorsqu'on suit les sondages américains et européens sur les élections présidentielles américaines, on est surpris par la différence des résultats. Et on voit sans équivoque de quel côté se penche la balance. Ce qui est le plus surprenant, c'est que les sondages sont réputés être objectifs, réalisés sur un échantillon représentatif de la population. Indicatifs d'une certaine vérité, préfiguratifs d'une certaine issue, ils ne sont jamais totalement objectifs; c'est pourquoi ils prévoient une volatilité, une marge d'erreur. La vérité réside en fait dans les marges d'erreur, et dans le non-dit de l'institut de sondage car les rapports idéologiques sont aussi un facteur déterminant. Fox-News est différent de HuffPost. Les critères pour l'établissement des échantillons jouent aussi un grand rôle. Venons-en aux données actuelles!
En terme de vote populaire, Gallup continue à accorder 5 point d'avance à Mitt Romney alors que Real Clear Politics le maintient à 0.9, 0.8, et même 0.2 aujourd'hui. La référence la plus crédible semble être le RCP. Par contre, au niveau du Collège électoral, Barack Obama garde une avance aussi bien dans les états sûrs et dans ce qui est appelé les "swing-states": Colorada, Ohio, Virginia, New Hampshire, Florida, etc. A une semaine de la date finale, rien ne laisse présager qu'il va les perdre tous ni qu'il les gardera tous. Par contre, si ces données ne changent pas, Obama sera réélu. Quand bien même elles changeraient, il ne les perdrait pas tous ni ne les gagnerait tous.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes quel que soit l'institut de sondage qui les publie. Seulement, selon certains, Romney et les siens au lieu de désarmer laissent planer le suspense jusqu'au dernier. Très combattif, il croit dur comme fer à sa victoire finale. Son vice-président Paul Ryan préconise une avenir meilleur pour les Etats-Unis: "2013 could be a Renaissance in America" tandis que le porte-parole de la Maison Blanche Axelrod jure sur sa barbe: "I will shave my moustache on TV if Obama loses MI, MN or PA". Tous ces discours passionnés sont basés sur des calculs suscités par les sondages.
A ce niveau, chacun a raison; tous les candidats ont raison. Mais qui d'Obama et de Romney aura définitivement raison? Les sondages peuvent prédire, mais la vérité viendra des isoloirs électoraux. Et là, chacun(e) vote son(sa) candidat(e), pas forcément celui ou celle qu'il prétend avoir voté(e). Pour dire que la vérité des sondages, quel que soit le degré de leur véracité, n'équivaut pas forcément à la vérité des urnes. Et là, beaucoup d'éléments d'ordre rationnel, émotionnel, objectif, nationaliste, racial, religieux entrent décisivement en jeu. C'est la loi de la démocratie.
Il paraît que les Américains sont très discrets en ce qui concerne les élections. Un collègue professeur de philosophie aux Etats-Unis m'a dit après la réélection de Bush: "Je n'ai jamais rencontré une personne qui m'a dit qu'il a voté Bush Jr. en 2004. Et pourtant, c'est Bush qui a été élu". Allez-y voir. 

30 oct. 2012

Non-sens

"Claver,
Tu sembles voir les choses, mais refuses de les accepter au nom d'une rationalité étrangère héritée sans aucun de ta formation intellectuelle. Si tu ne crois pas à la sorcellerie, alors tu n'es plus africain. Car tout Africain digne de ce nom y croit. Aussi, ai-je décidé de réagir sans attendre.
La sorcellerie est un élément essentiel de notre culture, j'entends du fonctionnement naturel de notre pensée. Elle est évoquée chaque fois que la raison est incapable de déchiffrer les mystères de la vie. Le sorcier, c'est bien entendu l'honorable cousin. Doué d'un troisième oeil, alerté par ses génies, il a su pré-voir l'événement fatal. N'oublie pas qu'étant de la même circonscription électorale, le départ de l'autre constitue un très bon débarras. C'est la loi de la politique.
En politique plus que dans d'autres domaines, la sorcellerie joue un rôle primordial. On se protège du mauvais sort, on se défend contre les sortilèges, on implore les mânes pour obtenir leur indulgence. Nul n'y échappe.
L'honorable savait ce qui allait arriver à son collègue, autrement il l'aurait accompagné jusqu'à Masina. Combien de temps cela lui aurait pris de déposer son cousin à son domicile? Tu diras qu'il avait son programme. Eh bien, c'était en fonction de ce meurtre sacrificiel. Car, concurrents sur la scène publique, l'un de deux devait mourir afin que l'autre atteigne une réussite fulgurante.
Bref, prétendre que la sorcellerie n'y est pour rien, c'est du non-sens."
(Email du 30 octobre 2012)

J'y répondrai plus tard. C

Le sorcier

Kinshasa, 1986. A la sortie du parlement, un député national demande à son collègue et cousin qui se rend en voiture vers Ndjili de le conduire. Arrivé au niveau de Ndjili, il descend comme convenu pour continuer en taxi vers Masina. Malheureusement le taxi que prend l'honorable député fait un accident; il meurt. Qui est le sorcier, puisqu'il en faut bien un? Vous y croyez, à la sorcellerie?
Voilà la cause de notre sous-développement!

Défaite probable d'Obama?

3 octobre 2012. Ce jour-là, Barack Hussein Obama a perdu non seulement le débat présidentiel, mais aussi les élections. Pourquoi? Parce qu'il a ressuscité des cendres un Mitt Romney totalement en perte de vitesse. Il l'a revigoré, dopé d'une énergie frénétique et d'un excès de confiance. Aujourd'hui, à une semaine de la date butoir, c'est à lui à combler le retard. Il est en train de perdre l'Ohio, le Colorado, la Floride dans les sondages. On se méfiait de Gallup prétendant que son sondage ne tenait pas debout. Aujourd'hui, la balance semble pencher de son côté. Sandy ne vient pas faciliter la tâche de l'actuel domicilié de la Pennsylvania Street, qui risque d'y vivre sa dernière semaine. Cependant, méfiez-vous, la messe n'est pas encore dite.

28 oct. 2012

Vivre dans la peau d'un autre

Néocolonialisme, impérialiasme, aliénation mentale, esclavage, minorisation, complexe d'infériorité, francophonie, commonwealth, ordre économique mondiale, etc. ont opéré un lavage de cerveau au profit du Nord dans tous les aspects de la vie moderne. On vous prend votre terre, on vous impose une langue et un mode de vie, on vous force de gérer un état colonial-moderne qui n'a aucun rapport avec votre fonctionnement naturel. Démocratie, c'est le cheval de bataille de l'Occident pour se permettre de défendre la liberté des hommes même dans les pays souverains. Sous les apparences d'assistance à la bonne gouvernance et à la gestion financière se cache une dictature culturelle et politique sur le monde en fonction des grandes puissances qui tiennent fermement à préserver leurs acquis antérieurs et à contrôler d'une main de fer l'ordre du monde. FMI, Banque Mondiale, ONG et autres formes d'aide bilatérale, autant des forces tentaculaires pour maintenir le pauvre dans la pauvreté, et l'ignorant dans l'ignorance.
On organise unhold up contre le chef d'état d'un pays qu'on tue sans autre forme de procès, et on appelle cela "libérer". Je remets en question une logique politique de l'Occident qui frise l'assassinat idéologique, l'irrationnel frénétique plûtot que la recherche d'une paix durable entre les peuples qui forment l'humanité. On est unilatéralement fier d'avoir tué dans la mêlée Sadam Hussein, Kadhafi, Usama Ben Laden. Encore faut-il que chacun ait commis les mêmes crimes. Pourquoi ne déloge-t-on pas le leader chinois ni le président nord-coréen de leur pouvoir alors que leurs pays transgressent les droits de l'homme et la démocratie? La réponse est simple: la Chine et la Corée du Nord sont trop puissantes. J'entends militairement. Quant aux autres, pauvres agneaux au milieu de lions, on les met à la traîne.
La RDC est un réservoir du coltan utilisé dans la fabrication des cellulaires. Pourquoi ne pense-t-elle pas à produire ces cellulaires sur place? On vous dira: Ah c'est très compliqué. Vous disposez pas de la science ni de la technologie nécessaires pour cela. En clair, on vous dit: "Votre incapacité technique est congénitale. Votre notre grand-père a utilisé la pirogue et vous l'a léguée sans l'améliorer. Poursuivez cette voie-là. Le progrès vous est étranger". Tout est dit. La RDC ne dispose ni des ressources humaines ni de la technologie voulue pour avoir une industrie de transformation viable et compétitive. Exportez la matière première à défaut de nous la laisser piller. Après tout, ce qui compte, c'est que le paysan de Kimbila-Ngundu ou Kisenga peut acquérir un portable et parler avec sa fille à New York quand il le veut. Vive le pouvoir en place! Sans lui, on n'aurait jamais eu cette opportunité. On n'oublie que les avancées technologiques se font indépendamment des individus qui les développent, car qu'on le veuille ou non, elles doivent arriver un jour, tôt ou tard. Adhérez donc à la francophonie, le français vous ouvre la voie du monde international.
Ce diktat s'impose. On s'en accommode. Nul n'ose le questionner, encore moins le remettre en question. Le français ou l'anglais vous ouvrent les portes du monde, vous permettent d'intervenir à titre égal dans les assises internationales. Qu'avez-vous à faire votre ewe, votre wolof, votre haoussa ou luo? Abandonnez-les. Ce sont des langues primitives incapables d'exprimer la rationnalité ni la logique. Participez au concours de Radio France International qui couronnera votre maîtrise du français. Optez pour le mode de vie français afin de répondre aux exigences du temps. Parlez l'anglais à travers le nez comme Sa Majesté la Reine. Quant à votre monde authentique, il n'a jamais décollé et ne décollera jamais de son statut de paysan, de sa ruralité, de sa sorcellerie et de sa magie légendaires. Donc utilisez notre langue, adoptez les manières de l'Europe, ne nous demandez rien en retour.
Voilà donc mon frère et ma soeur africains acculés et forcés non seulement d'emprunter la langue d'un autre pour s'affirmer, mais aussi et surtout de s'adjuster au regard de l'autre, seul garant de son être. Obéir aux critères d'humanité lui imposés par le maître constitue la clé décisive. La situation devient tellemant prégnante qu'ils en viennent à se renier et à obéir à des "personnages" d'emprunt. Soumis et obséquieux, ils tiennent à plaire à la volonté de leurs maîtres penseurs dont ils perpétuent l'héritage et le succès.
Qui sommes-nous à la fin? Des rien. Des moins que rien. Nous vivons oa vie d'un autre, dans la peau d'un autre.

27 oct. 2012

Le temps du paysan (Wickramasinghe)

L'heure du paysan. Cela me rappelle l'heure d'été introduite en Europe Occidentale. Le matin, très tôt, comme j'habitais chez le missionnaire de Bethléem à Fribourg à proximité d'une ferme et humais tous les matins la bouse des vaches à lait, il m'arrivait d'entretenir une conversation avec un des bouviers. Un monsieur bien fait, solide, travailleur et très bien dans sa peau d'éleveur. L'heure d'été dérange les habitudes des vaches dans leur fonctionnement journalier; en réalité c'est les hommes qui changent alors que les bêtes continuent constamment leur mode de vie. Telle est l'énigme du paysan obligé d'assurer un équilibre entre la vie moderne capitaliste et la vie normale de ses bêtes.
Le temps du paysan qui lit les signes du ciel, interprète le vol des oiseaux, sent l'air pour dire qu'il pleuvra ou non, aussi inconsistant et vague soit-il, possède un impact considérable sur l'ordre du monde que la Raison technique occidentale a imposée de force. L'inadéquation de ces deux systèmes devrait interpeler les critiques. Retrouver le temps du paysan doit se constituer en défi incontournable pour l'élite intellectuelle africaine souvent accusée de laxisme et de manque d'initiatives. Le défi de l'intellectuel africain consiste à gérer son acquis occidental en fonction de son patrimoine culturel naturel. Son destin même en dépend.
L'expression n'est pas de moi, mais de Nira Wickramasinghe. Je la trouve judicieuse et susceptible d'aboutir à une efficacité qui repose sur aucun arrière-fond inédit et original. Le retour au temps du paysans revient à retrouver sa racine primordiale, immaculée et originelle.

NB: La première version diffusée de ce message a été publiée par erreur. Je m'excuse auprès de celles et ceux qui l'ont lue.

24 oct. 2012

Les débats présidentiels (suite)

Après réflexions, il me revient de souligner trois points que je juge importants.
1. Le débat des candidats à la présidence d'un pays permet  non seulement de dévoiler l'identité des personnages, mais aussi de présenter ce qu'ils pensent vraiment, leurs idées ou idéologies. Leurs positions vis-à-vis des problèmes de l'heure, leur philosophie politique, leurs convictions religieuses ou sociales peuvent éclairer les électeurs. Dans le cas des Etats-Unis, leur race et leur appartenance politique sont également déterminantes.
2. Le débat présidentiel est, qu'on le veuille ou non, un moment spécial de propagande. Chaque candidat cherche à se vendre, à vendre sa marchandise devant les millions des téléspectateurs et auditeurs. Son message est simple: "Votez-moi, car je suis le meilleur". Tout est donc question de convaincre les téléspectateurs et les auditeurs concernés du sérieux de son programme, de la faisabilité de ses projets, et de la solidité de sa vision. C'est un ingrédient substantiel à la campagne électorale qu'il ne faudrait pour rien au monde négliger, car l'information, les medias et la communication jouent un rôle capital dans l'orientation des choix.
3. Les Africains qui arborent la palabre comme un élément de leur culture traditionnelle devraient opter pour ce type de contact avec la population. Car souvent la propagande dans nos pays se limite à distribuer de l'argent, à saoûler les gens avec quelques bouteilles de bière ou à offrir de la musique gratuite à des gens naturellement portés vers la danse. Le souverain primaire n'a en fait de primaire que l'acclamation tacite ou naïve à brandir face à son puissant, terrorisant, impressionnant et opulent leader qui, en réalité, le méprise avec une condescendance digne d'un esclavagiste-négrier. A la fin, nos populations ne connaissent de leurs leaders que ce que les medias diffusent à leur sujet, sans vraiment les connaître, ni comprendre leurs idées, encore moins leur projet de société qui souvent se limite à d'oiseuses promesses oubliées aussitôt que les élections sont passées. Estimant que les candidats seront passés par cette épreuve sélective au sein de leurs partis, un débat final bien mené ne pourrait qu'aider à atteindre un degré de transparence et de crédibilité dans l'apprentissage ou l'exercice de la démocratie.

23 oct. 2012

Les débats présidentiels

1. J'ai des quatre débats présidentiels américains suivi trois entièrement. J'ai raté le second débat entre candidats présidents, fatigué que j'étais d'une longue journée de travail. Je me souviens des débats entre Carter et Reagan, Bush et Clinton, Bush et Kerry, Obama et McCain. J'ai aussi suivi les débats présidentiels entre Mitterand et Chirac, Royal et Sarkozy, Hollande et Sarkozy. A chaque fois, l'opposant attaque l'action du président en exercice, et le débat est engagé, musclé et parfois embrouillé. Quelle qu'en soit l'issue, une chose m'est apparue certaine: le président est un être humain comme un autre.
2. Le président est un homme comme un autre. Je le répète parce que dans nos démocraties en devenir, cela s'oublie souvent. Comment pouvez-vous remettre en question l'action d'un leader réputé "envoyé de Dieu" et "investi par les ancêtres" sans courir le risque d'être décapité? Cela s'est vu en Afrique, et ce n'est pas aujourd'hui que cela disparaîtra. Nous avons encore de longues années à parcourir pour que les choses se remettent en ordre.
3. Il s'est dégagé du premier débat américain que l'homme le plus puissant du monde a fait montre de faiblesses aussi bien dans son argumentation que dans sa capacité de leadership, qu'un homme politique autre que Barak Obama peut administrer les Etats-Unis avec compétence. On le donnait gagnant à plates coutures, voilà qu'il est aussi vulnérable que tout autre sujet Américain. C'est cela qui rend les élections américaines intéressantes et passionnées. A ce jour, on ne peut prédire exactement qui gagnera ces élections. C'est un sujet d'enseignement pour un Africain habitué à des élections par acclamation, aux résultats manipulés ou dont certaines urnes disparaissent dans la nature lorsqu'elles ne sont pas remplies d'avance ou invalidées pour Dieu seul sait quelles raisons.
4. Après le premier débat, j'ai eu une discussion avec des compatriotes africains du Cameroun, du Sénégal, d'Ouganda-Tanzanie. L'ami camerounais soutenait que le débat n'allait avoir aucun impact sur les élections et qu'Obama serait réélu quoi qu'il en soit. Quel Africain ne souhaiterait pas qu'il en soit ainsi? Les jours suivants ont vu Romney remonter la pente et devenir favori. Pour ma part, j'ai dit que ce serait une catastrophe si Obama perdait les deux débats suivants car j'ai eu l'impression que Mitt Romney s'était très bien préparé à ce débat-là. Entre nous, j'ai même soupçonné une odeur de Watergate. Lors du dernier débat, Obama a tenu à dessiner avec insistance le portrait de Romney à tel point que ce dernier, acculé, a déclaré à deux reprises: "Attacking me is not an agenda". C'est important pour lui, et il a gagné le débat.
5. Bien sûr que le débat a un impact considérable sur les élections, car il donne aux électeurs l'occasion de se faire une idée claire du personnage qu'ils vont élire: son caractère, sa maturité, son intelligence des choses et des affaires, sa capacité à s'en sortir des situations difficiles, voire à prendre des décisions impopulaires pour le bien de la nation. Les téléspectateurs et les auditeurs voient l'individu sans titre et s'imaginent comment ce dernier peut débattre dans les différentes instances du pouvoir aussi bien au niveau national qu'international. Le candidat doit convaincre ses électeurs qu'il est capable de défendre les intérêts de la nation avec efficacité, sagesse et ténacité à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.
6. J'ai vu en différé quelques extraits du débat ivoirien entre Gbagbo et Ouattara. Débat très révélateur car c'était une première en Afrique. Ambiance courtoise, conviviale et sereine malgré la gravité de l'heure. Qu'avons-nous vécu après? Une guerre sans merci dont les séquelles minent encore la Côte d'Ivoire.
7. La faiblesse de l'Afrique, je ne cesserai de l'affirme, c'est l'instabilité de ses institutions. Rien n'est certain ni constant, tout est imprévisible. L'Afrique gagnera en maturité démocratique le jour où elle se conformera à des principes fondamentaux relatifs aux droits humains élémentaires, le jour où les présidents descendront de leurs piédestaux impériaux et montreront un visage vraiment humain. Le débat est un moyen parmi d'autres pour dévoiler la personnalité de ceux qui nous gouvernent. Autrement, ils demeureront des îles en plein océan, éloignées ou isolées de leurs populations par l'armada militaire et sécuritaire terrorisante et terrifiante qui les entoure.
 

20 oct. 2012

Un sentiment anti-français?

"Claver,
Il règne sur ton bloc, à ce qu'il me semble, un sentiment anti-français. Ai-je raison ou tort? Tes articles ne sont jamais tendres à l'égard des Français."

Mauvaise lecture! Je n'ai absolument rien contre les Français. J'ai beaucoup d'amis français. J'ai eu de brillants professeurs français pendant mes études en Suisse. Mon maître Yves Giraud, paix à son âme, était français. Donc rien de tel. En plus, enseigner le français et la littérature francophone africaine et caribéenne est mon métier.
1. Par contre, il y a un génie proprement français qui me dérange. Ils tombent tous dans le même pot européen, occidental, donc supérieur au reste du monde. C'est ce mythe qui ne me convient pas. La rationnalité dont ils se prétendent représentants, s'arrête aux portes de Paris, d'Europe. Les contradictions intrinsèques à leur système colonialiste ou assimilationniste me dérangent. C'est au niveau du débat idéologique et politique que j'ai un problème.
2. Le concept de la francophonie me paraît trop ambigu. C'est pourquoi, je n'hésite pas de publier sur mon blog des avis de personnes qui pensent comme moi, comme d'ailleurs, celles qui ne partagent pas mes avis à ce sujet. Je n'irai cependant pas jusqu'à prétendre que j'aime le français outre-mesure, et ne dirai jamais que le français est une "langue africaine". C'est simplement une langue qui m'a été imposée. Je l'utilise seulement, parce que c'est le seul moyen de communication que je maîtrise vraiment. Aliénation mentale ou francophonie se valent à ce niveau. L'histoire a fait que je sois francophone, rien de plus.
3. Sentiment anti-français? Encore une fois. Je suis simplement critique. Je critique tout. Il se fait que les Français, à cause leur passé colonial qu'il prolonge à travers la francophonie, constituent autant un sujet d'observation et de commentaire que les politiciens, les Africains qui sont mal dans leurs peaux, les sapeurs, les pasteurs, les philosophes idéalistes. Je ne suis donc pas plus contre les Français que contre mes compatriotes africains irresponsables, criminels, voleurs ou magouilleurs.
4. Je n'ai aucune raison de haïr la France ni les Français, mais je n'accepte pas une certaine idée de la francophonie monolithique aux relents impérialistes, qui relègue au second plan les Non-Français de leurs anciennes colonie ou qui parlent leur langue. C'est leur langue après tout.
5. Pourquoi ne nous laisserait-on pas parler nos langues? Cette possibilité, ne l'attendons pas de la bonté paternaliste de nos anciens colons, mais d'une révolution culturelle bien menée. "Yakala bakudia ndinga bakudi" (Homme lorsqu'on te mange la voix, on te mange), dit un proverbe suku. J'élève ma voix pour éveiller mes lecteurs face à ces défis culturels dont dépend notre avenir. Je me réjouis d'apprendre que certains de mes lecteurs français et africains sont amenés à repenser leurs idées sur cette polémique grâce à ce blog. Les Français, comme tout peuple, ont le droit de se sentir français et d'en être fiers.

Francophonie, je vais te dire ce que c'est!

"Le Français peut entrer au Sénégal rien qu'avec son permis de conduire, alors que le Sénégalais doit trimer des mois et des mois d'humiliation et d'attente d'un certificat d'hébergement pour obtenir le visa avant de fouler le sol français. Et quand bien même il obtiendrait ce précieux document de Schengen, rien ne garantit qu'il entrera en France. C'est la triste image de la réciprocité, du partenariat et de l'égalité qu'offre la francophonie.
Les Chinois et les Japonais sont reçus comme des rois alors qu'ils ne pigent aucun mot français, rien qu'avec quelques phrases d'anglais. C'est cela la réalité, Claver." (EJ)

19 oct. 2012

Francophonie ou imposture?

Cher Claver,

J'ai lu avec intérêt tous les textes que tu compiles sur la francophonie. Alors que dans ta position de littéraire qui pratique l'enseignement de la littérature francophone d'Afrique et de la Caraïbe, tu es tenté de trouver le juste milieu entre diverses conceptions de la francophonie, laisse-moi te donner mon point de vue. J'en ai honte, de la francophonie, un concept bidon pour voiler un agenda politique bien ficelé.

Pour moi, il n'y a rien de pire que la francophonie. C'est du colonialisme converti en instance de coopération. On vous interdit de parler "officiellement" vos langues, ensuite on a le culot de vous inculquer que le français est la langue de la culture, et de la "gentillesse" (Senghor). On pousse la cacophonie mensongère jusqu'à prétendre que le français est une "langue africaine". On vous impose de vous exprimer dans la langue d'un autre; de vous penser à travers les expressions d'une sensibilité qui n'est pas naturellement la vôtre. On vous traite de petit-nègre lorsque vous parlez mal la langue de la civilisation. On vous appelle des partenaires alors que vous êtes réduits à des "sujets" éternels, mineurs soumis à recourir à la sagesse des aînés majeurs, à confier leurs destinées à la France. On vous accule, pauvres mendiants, à faire la queue devant la coopération française, alors qu'on vous prend vos richesses, vos biens, vos terres, vos enfants... Pour moi, c'est une imposture culturelle et économique.
Levez-vous! Récupérez vos langues vouées à la disparition par l'impact du français, valorisez-les car il en va de votre destin. Francophonie, misère de l'esprit colonisé présenté comme une fascinante ouverture vers le monde. Francophone, utopie de l'oeuvre assimilatrice française vouée à célébrer la grandeur de la France. Francophonie, hégémonie de la France sur des peuples du Tiers-Monde en quête d'un développement de façade. Francophonie, symbole et couronnement du paternalisme français.
Que j'ai honte d'être français! J'en râle rien qu'à voir l'ingratitude dégradante que nous affichons devant ceux qui ont donné leur vie pour construire et défendre ce pays. Francophonie, musellement des opprimés.

Etc.
(Email d'Eric Jacques. 16 octobre 2012) 

15 oct. 2012

La Francophonie paradoxale? (Mwatha Ngalasso)


"Un auteur suisse romand écrit : « En réalité la France ne promeut pas le français, elle promeut l'idée de la France, idée plus politico-économique que culturelle. »

"Un champ de paradoxes
L’ambiguïté entretenue entre la francophonie des peuples, qui est une réalité objective, et la Francophonie des Etats, dont les contours sont malaisément définissables, crée un effet de brouillage amplifié par le fait que cette institution veut désormais jouer dans la cour des grands en se posant comme un acteur majeur en matière de gouvernance politique et économique.
La Francophonie est devenue un gros « machin » où il n’est plus question que de fric et de froc, de bric et de broc. On y parle de plus en plus de la France et de ses alliances, de moins en moins du français et des langues partenaires. Les peuples sont loin d’y trouver leur compte en termes de développement et de mieux-être, alors que les Etats francophones d’Afrique se placent toujours dans les derniers rangs sur l’échiquier mondial.
L’énorme machine francophone a du mal à fonctionner, en raison de l’extrême hétérogénéité de ses membres. Et apparemment il n’y a pas de limite au recrutement : bientôt le Roi du Swaziland, l’Empereur du Japon et la Reine d’Angleterre participeront aux Sommets francophones. Sur les 75 Etats et gouvernements qui y siègent déjà, en tant que membres permanents ou observateurs, seule la moitié a le français comme langue officielle." (Mwatha Ngalasso Musanji, 14.10.2012)
Le professeur-linguiste Mwatha Ngalasso Musanji n'y va pas par quatre chemins. Pour lui, la francophonie a déraillé; elle n'a plus de francophonie que le nom. "Un machin", c'est comme cela que De Gaulle a traité l'ONU. Ngalasso est plus précis: "un machin de fric et de frac, de bric et de brac". Plus rien de culturel. Bref, la France est plus préoccupée de son hégémonie sous "une forme déguisée de francophilie aliénante, impérialiste et néo-colonialiste."

14 oct. 2012

Déclarations politiques

Mon lecteur est un remarquable analyste bien qu'il ne soit pas politologue. Voici ce qu'il écrit, en marge de la francophonie.

"La ministre des affaires étrangères du Rwanda affirme: "ce que le Rwanda refuse, c'est qu'on essaie de simplifier un conflit intra-congolais, qu'on essaie de l'étendre à la région et surtout d'impliquer le Rwanda négativement ».
Une véritable manipulation de l'opinion. Ce n'est pas un conflit intra-congolais. Ce conflit a lieu aux frontières de la RDC et du Rwanda, c'est dire que c'est le Rwanda qui fournit et protège les rebelles. Nkundabutare est où? Au Rwanda alors qu'il est poursuivi par la CPI. Pourquoi ne le livre-t-il pas?"

Ma réponse est simple: Politique, politique,... mani pulite!

13 oct. 2012

"Je vais à Kinshasa parce que c'est un grand pays" (FH)

« Je vais à Kinshasa parce que c'est un grand pays. Je n'accepte pas que les frontières de ce grand pays puissent être mises en cause par des agressions venant de l'extérieur. » (RFI)

Voici ce qu'en pense un de mes lecteurs:

"Claver,
Merci de poster cette courte réflexion sur ton blog.
Je n'ai rien contre Hollande en particulier. Mais je dois avouer que je comprends très mal une telle déclaration. Ce qui me dérange, c'est d'abord le "je". Il a beaucoup tergiversé avant d'accepter de se rendre à Kinshasa. Pour les Congolais et leur gouvernement, c'était un point d'honneur que de le voir à Kinshasa. Et ils ont tout fait pour gagner ce pari malgré les voix discordantes des "combattants" et de quelques opposants aigris de la Diaspora. Sous-entendu: Un sommet de la francophonie sans la président français est inconcevable. Le secrétaire général de l'OIF l'a dit d'ailleurs.
"Je vais à Kinshasa parce que c'est un grand pays". Français et francophones à vos manuels de grammaire et de culture générale. Kinshasa, pour peu que je sache, n'est pas un pays. On peut dire, par métonymie, Kinshasa c'est la république du Congo. D'accord.
Qu'est-ce que signifie ce langage-là? La Chine est un grand pays, il n'a qu'à s'y rendre. Tout le monde sait qu'il vient à Kinshasa pour le sommet de la francophonie. (Et la RDC est réputée être un scandale géologique). Le sommet aurait eu lieu au Gabon ou à l'Ile Maurice qu'il se serait rendu, sans ajouter cette déclaration qui cache mal la condescendance française, la main-mise française et impériale au nom de la langue française sur leurs soi-disant partenaires.
"Je n'accepte pas que les frontières de ce grand pays..." Echo à la conférence de Berlin de 1885. Entendez: Nous avons depuis plus d'un siècle fixé l'hégémonie européenne sur le territoire africain. Laissez-nous exploiter les richesses, piller les ressources naturelles de ce continent, sans que les Américains et anglophones s'en mêlent. Au concret, que font les Français pour que la guerre à l'est de la RDC cesse? Rien.
La question que je me pose, et que d'autres ne perçoivent peut-être pas ou se taisent de formuler: "Qui est-il pour tenir un tel discours à propos d'un état indépendant et partenaire? Sommes-nous Africains vraiment indépendants? Si oui, pourquoi un président peut naturellement faire passer un tel discours." Tu as l'habitude de remplacer le locuteur. Fais tenir ces propos par un dictateur africain, tu verras.
Tu veux ma réponse? L'Afrique est tout, sauf indépendante. La francophonie est une de ces plates-formes pour la maintenir dans l'exploitation, l'infériorité. Le modèle français subtilement véhiculé par la francophonie n'a que la France comme référence principale, laquelle met généreusement à la disposition de ses "sujets" et la langue et la culture de la France. Néocolonialisme? Je ne le dis pas. Les déclarations de Monsieur Hollande, président de France et d'office président de la francophonie, ne se justifient que dans le contexte de la franophonie. Autrement, elles seraient vides de sens. Au nom de la langue française, le président français préside aux destinées des francophones, leur dicte la conduite à suivre.
Mais comme Kinshasa a réagi sèchement à ses déclarations, il redevient maladroitement diplomate et rectifie ses propos: " Je ne viens pas en Afrique en donneur des leçons". Cela, c'est plus fort que lui. Il ne peut pas y échapper. Suivez attentivement son discours de Dakar. Et comparez-le à celui qu'il tiendra à Kinshasa. Il sera difficile de séparer le partenaire et du donneur des leçons car les utilisateurs de la langue française doivent tout se dire, et franchement."
(PM, Email du 13 octobre 2012)
 

11 oct. 2012

"La langue française est une langue africaine" (FH)

Interviewé ce jeudi par TF1, France2 et TV5, François Hollande a déclaré entre autres je cite: "La langue française est une langue africaine" (FH)

Démagogie?
Correction des déclarations d'il y a quelques jours?
Rationnalité française!
Liberté, égalité, fraternité!

Quels beaux vers libres dans cette déclaration du président de la république française, François Hollande. On croirait tomber des nues. Personnellement, voilà presque cinquante ans que je pratique le français, je n'ai jamais senti un seul instant que cette langue m'appartient. Bien que je détienne un diplôme en langue, littérature et linguistique française, je ne l'ai jamais considérée comme une langue africaine. Rien en commun avec le kisuku, le kikongo, le lingala ou le swahili. Démagogie?
Le but de cette volte-face, c'est sans aucun doute d'apaiser les émotions suscitées à Kinshasa par son discours d'il y a quelques jours. C'est très diplomatique comme discours. Personne n'y croit, mais tout le monde est prêt à le supporter. Oui, le monde politique fonctionne à coups d'arrangements qui frisent la vérité ou la demi-vérité; c'est selon. Jamais exactement vrai, jamais exactement faux! La vérité se situe dans le micmac de ces rapports de force.
Rationalité française! Il est un discours que seuls les Français maîtrisent avec perfection et par lequel ils supportent leur influence culturelle sur le monde. Mettez ces paroles dans la bouche de feu Senghor, on le traitera de masque blanc, d'acculturé. La francité n'est-elle pas à la base de la liberté, de l'égalité et de la fraternité? Ajoutez la négritude, c'est pareil. 

Et la démocratie, c'est quoi?

                                          


Après la francophonie, c'est au tour de la démocratie de faire les frais d'une approche anarchique. Du moins c'est ce qu'attend France Langlois. Oui, je vois. La démocratie c'est quoi?
Sous ce concept se disent beaucoup de choses qui ne sont ni correctes, ni consistantes, ni fausses non plus. Et ces définitions, mieux ces déterminations, sont surtout fonctionnelles.
1. Démocratie selon son étymologie grecque signifie "pouvoir du peuple". Athènes en fut le berceau. Aujourd'hui c'est l'Occident. Allez-y voir. Au nom de cette démocratie se sont justifiés l'invasion de l'Irak, le printemps arabe. De quel pouvoir et de peuple s'agit-il?
2. Outre le prétexte de la guerre, il y a le pouvoir de façade et le décorum de la corruption. "Dieudonné" président est l'employé d'Elf ou de Total ou de Shell. Le pétrole de son pays est déjà vendu sur plus de quinze ans. Lissouba au Congo l'avait fait avant lui. L'originalité, c'est qu'à la fin de l'interview, il offre quelques grains de diamant à l'heureuse journaliste française. C'est cela, la vraie démocratie.
3. La démocratie, c'est le pouvoir téléguidé depuis l'étranger pour défendre les intérets de l'Occident. L'UE débourse des millions d'euros pour s'assurer qu'un de ses pions gagne les élections. Les observateurs jouent leur carte, fermant les yeux devant les irrégularités souvent régulières dans ces genres de réglements électoraux. Autrement, on arme le voisin, ou la rébellion pour se débarrasser d'un dictateur très embarrassant ou encombrant.
4. La démocratie est hélène comme la tradition sorcière est nègre. Aucune commune mesure! La démocratie peut d'ailleurs être remplacée par un couronnement sacré aux pouvoirs transcendantaux des ancêtres. La démocratie, c'est le secret des votes de bêtes sauvages comme disait Kourouma. Pour mâter une rébellion, on crée de toutes pièces un ou plusieurs postes de vice-président. Quitte à les éliminer ou à les déférer au CPI plus tard. Lorsque le dictateur en titre demeure immaculé à l'issue des élections, réélu contre vents et marées, on dit que les élections sont transparentes et fiables.
5. La démocratie africaine, mais de quoi parles-tu? Ne t'ai-je pas dit que seuls les Occident y comprennent quelque chose; car le mot leur appartient sans partage. Votre peuple n'a qu'a se mesurer à la machette et à opérer un carnage sans qualification. Bref, à "génocider" comme dirait Nlandu Mamingi.
6. La démocratie, c'est la valeur-refuge de la francophonie. Mr Hollande distribue les points de conduite à ses bons élèves du Tiers-Monde, sans avoir à en référer aux autres puissances. C'est au nom de la démocratie que se décide le lieu de l'organisation du sommet de l'OIF. Normal que la RDC soit le premier pays d'Afrique centrale à l'accueillir. La seule république "démocratique".
7. C'est quoi déjà? Je ne sais plus. Silence! On vote le président à vie. On vote l'oncle du neveu de la nièce du guide au poste de député plénipotentiaire. Nous avons nos traditions. Parole d'évangile.

10 oct. 2012

Le corps et le sang du Christ

Une fille métisse de neuf ans née de parents chrétien et musulman a été élevée davantage comme musulmane par son père. Sa mère était plutôt protestante; elle l'a quelque fois amenée au temple. La voilà parachutée par la force des choses en Irlande, un pays catholique. A l'école, elle est obligée de faire des signes de croix avant les cours, même un jour de prendre la communion. De retour à la maison, elle interroge sa mère:
- Maman, c'est quoi ces trucs de pain ronds blancs qu'on distribue à la messe?
- Eh beh, c'est l'hostie, le corps du Christ.
- Ensuite, on donne de la boisson rouge. Tout le monde la prend dans le même pot. Quelle horreur.
- C'est le vin, le sang du Christ.
- Donc on mange le corps du Christ et on boit son sang. Et vous dites que c'est les Africains qui mangent des hommes?

(Histoire vraie racontée par la propre mère de l'enfant)

La francophonie?

Voici ce que le président français François Hollande a déclaré sur la RDC:
« La situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition ».
Remplacez "dans ce pays" par "en France", évaluez le résultat. On vous traitera de fou alors que vous n'aurez pas tout à fait tort. Ensuite attribuez cette déclaration à n'importe quel président africain sur la France, on vous amènera tout droit dans un centre d'aliénés mentaux.
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- De quel droit le président français se permet-il de traiter un pays partenaire avec tant d'arrogance et de mépris?
- Eh bien, simplement parce qu'il est président de la république française, donc président de la francophonie.
- C'est quoi la francophonie?
- Une machine néo-colonialiste censée récupérer l'hégémonie impérialiste de la France sur ses anciennes colonnies et étendre, au nom de la langue française, son imperium sur les pays qu'elle n'a pas colonisés mais avec lesquels elle a tissé des liens très fructueux, ambigus et paternalistes.
- C'est pas un discours diplomatique, à ce que je vois.
- C'est cela justement la francophonie, on vous enlève vos langues pour vous imposer le français. Et lorsque vous le parlez mal, on dit que vous parlez petit-nègre. Et lorsque vous le parlez bien, on dit que vous n'appartenez pas au génie français, donc à la latinité de la Gaule.
- Et que dis-tu de l'expression "nos ancêtres les Gaulois" longtemps clamée dans les écoles coloniales?
- C'est encore cela la francophonie. On vous assimile, on vous prive de votre identité originelle pour vous imposer, au nom de l'indigénat, une ascendance biologique qui n'a de consistance qu'idéologique.
- Alors pourquoi a-t-on nommé l'université de la francophonie "Léopold Sédar Senghor"?
- Pour rendre hommage au premier assimilé de tous les noirs qui leur a dit: vous avez pris nos terres et nos richesses minières, donnez-nous en revanche votre belle langue afin de nobiliser nos langues sauvages incapables de "rationnalité".
- Senghor était-il vraiment sénégalais?
- Que oui! Un Serer, et fier de l'être, mais dont l'objectif à la tête du Sénégal était de répandre la "francité" à travers le monde entier.
- Quelle différence y a-t-il entre francophonie et francité?
- Aucune en réalité. Reclus a créé le premier mot et Senghor le second. C'est l'établissement de l'empire français contre les vents de l'histoire. Ainsi, Monsieur Hollande peut se targuer de donner des leçons de démocratie à ses sujets francophones.
- Je vois.
- Tu n'as encore rien vu. Attends voir le sommet de Kinshasa!
- Mais au début, il ne voulait pas venir à Kinshasa?
- Ah. Tu commences à voir. Pour rien au monde, il aurait manqué ce piédestal où le président français joue le chef de file de la francophonie au nom des intérêts de la France. Ce n'est pas par choix qu'il vient, mais par devoir. Une tribune tout acquise à la cause française sous le couvert de la culture francophone partagée à travers la langue française.
- Je vois.
- Tu vois. Enfin, tu vois? Oui, tu vois. Tu vois.
 

7 oct. 2012

"Congolese are useless"

 "We have been failed by Congo. We are helping people who are incapable…We tried to fix Rwanda and do it for the benefit of Congo, but these Congolese they are useless, they run away, they can't fight.”
Ces paroles de Paul Kagame sur les Congolais sont une insulte sans précédent, qui manifeste toute l'arrogance dont fait montre le président rwandais. Une douche froide pour les autorités congolaises, leur armée et leurs peuples. Aucune condamnation officielle, aucune déclaration d'indignation! Aucune marche. Rien que le silence! On doit régler cela par la voie diplomatique.  Vous savez déjà ce que je pense de cette option défaitiste. Le Rwanda a déjà causé trop de dégâts, de maux, de souffrances, de misères, de tueries, de viols ou d'atrocités dans l'Est de la RDC pour qu'on se taise devant de tels affronts. Un peu de fierté nationaliste quand même!
D'autre part, les gens ont la mémoire courte. A l'époque, lorsque Yerodia Ndongala avait traité les Rwandais de "vermines", il était banni des chancelleries occidentales, accusé de tenir des propos qui incitaient à la haine. Le lobby rwandais avait fonctionné à fond. Aujourd'hui, à la surprise générale, rien n'arrive à Kagame. La communauté internationale observe de loin, d'un regard très désintéressé. "Ils n'ont qu'à se battre pourvu qu'il n'y ait pas un autre génocide", se disent les grandes puissances ignorant totalement les pertes humaines subies par la RDC depuis 1998. Une guerre oubliée du monde! Le peuple congolais se résigne à son humiliation légendaire, demeure silencieux comme devant une condamnation divine.
Je vous assure qu'ailleurs - j'entends dans un pays arabe par exemple - de tels propos auraient causé un tollé général, de vives protestations, voire des violences contre les ressortissants rwandais. Le peuple congolais est victime de sa solidarité et de son hospitalité légendaires. Les Rwandais ne sont désignés du doigt que timidement, craints comme s'ils étaient nos maîtres. J'en suis toujours à me demander pourquoi le "grand" Congo démocratique s'incline devant ce petit pays, fut-il lourdement soutenu par les grandes puissances. Enigmatique situation!
 

6 oct. 2012

Quel mensonge!

Dans nos familles comme dans nos communautés en Afrique, il est normal d'évoquer la sorcellerie pour justifier la mort d'un être. Souvent, c'est un concours hasardeux des circonstances qui pousse l'imaginaire à cibler un "sorcier" ou un "empoisonneur". L'idée est que la cause de la mort doit être élucidée.
Tenez! Un pasteur meurt. Son collègue effectue un voyage pour l'Occident deux jours après les obsèques officielles. Explication de ce voyage longtemps retardé et difficilement réalisé: eh bien, le collègue pasteur aurait fui en Europe pour avoir empoisonné le défunt, ce dernier lui ayant succédé à son poste antérieur. C'est la rumeur qui s'est répandue avec persistance dans le milieu proche de la famille du défunt.
La réalité est que l'obtention du visa par le pasteur incriminé a coïncidé malheureusement avec la mort de son collègue. Il n'avait aucun contrôle ni sur l'octroi du visa, encore moins sur le mort de son collègue. En plus, ils ne vivaient plus ensemble depuis belle lurette. Que dois-je dire? Le milieu des hommes de Dieu se dévoile parfois comme un monde impitoyable du mensonge et de la jalousie. Ce qui surprend souvent, c'est le silence des autres  "collègues" devant de telles calomnies gratuites et sans preuves. Nul n'a le courage de rétablir la vérité, ni de remettre en doute ce genre d'inepties.
La réflexion autonome, personnelle, objective et logique, fait cruellement défaut dans nos sociétés d'Afrique. C'est un frein très sérieux à notre développement culturel et humain.
 

L'ignorance 2

Il y a plusieurs formes d'ignorances, il y en a qui sont intellectuelles, systémiques et d'autres simplement culturelles, circonstancielles. Les Américains sont tellement préoccupés d'eux-mêmes qu'ils ignorent le reste du monde. On dit qu'il y a des écoliers qui, pendant la guerre contre l'Irak, ne savaient pas reconnaître ce pays sur la carte; et d'autres qui croyaient que c'était une partie des Etats-Unis qu'ils ne connaissent pas bien non plus. Ce qui m'amène à conclure que certaines ignorances sont systémiques, idéologiquement voulues et motivées.
Le type d'enseignement hérité de la colonisation belge encore appliqué en RDC a le défaut d'exposer les élèves à plusieurs créneaux du savoir, donnant l'air qu'ils savent un peu de tout et ne maîtrisent presque rien de spécifique. La spécialisation occidentale possède le défaut de centraliser l'attention sur un domaine particulier sans tenter d'appréhender la totalité de la science. L'émiettement du programme expose à des lacunes de synthèse tout comme sa globalisation entraîne une vision trop étendue sans consistance réelle. L'équilible et l'idéal seraient donc dans la mesure.
Richard Rorty avait raison lorsqu'il soutenait que la vérité est une valeur hors de ce monde, intellectuelle, indépendante de la réalité. De là à justifier le mythe qui est irrationnel par essence, le pas est vite franchi. On sait donc tout d'une chose, et rien du reste. C'est l'idéologie du savoir qui veut ça.
Quelque chose ou rien. Tout ou rien. La dichotomie persistera tant qu'il n'y aura pas une "autre" prise de conscience du réel, de l'évolution du monde et du savoir.

4 oct. 2012

Le débat Obama - Romney du 3 octobre 2012

J'ai suivi le débat présidentiel américain, avec quelques interruptions, mais je l'ai suivi jusqu'à la fin. Il y avait devant moi deux débateurs chevronnés, l'un sur l'offensive et l'autre sur la défensive. Normal, Obama avait une action à défendre. Dès la première question, j'ai trouvé Mitt Romney percutant, organisé et très à l'aise sur le fond comme sur la forme. J'ai eu l'impression que Barack Obama, dopé par les derniers sondages, est resté très collé à sa défense de la "Middle Class" dont il a fait la clé de son programme économique. Il a défendu bec et ongle son programme disputé de Healthcare. Il n'a pas réussi à faire passer le message selon lequel il a hérité d'une situation économique catastrophique. C'est sans conteste son tendon d'Achille. On ne défend pas une politique qui n'a pas encore fait ses preuves. Quant à Romney, il a été consistant, d'un bout à l'autre. Il jouait sa dernière carte, et y a réussi. En position d'attaque, il a mis tout le paquet, déboulonnant l'oeuvre des quatre années d'administration Obama. Est-ce assez pour convaincre l'électorat et se remettre de sa bourde sur les 47%? On le verra dans les prochains jours.
Dans un débat, comme dans les conférences en commun, l'homme qui intervient en dernier lieu a l'avantage. Et là, Romney a été bien servi: le dernier mot lui est revenu, c'est celui-là que les gens ont gardé. Dans les colloques, lorsqu'il y a trois ou quatre intervenants dans un pannel, c'est souvent le dernier qui monopolise la parole et les questions, l'audience ayant entre-temps oublié que les deux ou trois précédants ont dit. C'est pour cela, que quand il m'arrive de modérer un tel pannel, je propose que les questions soient directement posées après l'exposé de chaque intervenant. C'est plus juste.
Obama a donc perdu le débat d'hier, défavorisé par des mauvais concours de circonstances. Il a été surpris par la tenacité, la constance et la perspicacité de son adversaire. Il y a encore deux débats. Il n'a plus droit à l'erreur s'il veut rester dans la course à sa réélection. Ce sera dur, serré et peut-être cynique. Qu'il oublie les sondage, et se remette à la campagne.
La campagne est donc relancée. Romney va tirer profit de cette performance pour se replacer, refourbir ses atouts et peut-être gagner les élections pour lesquelles on le donnait déjà perdant il y a quelques jours. Il a réussi à se donner une stature de présidentiable. Sa pub en faveur des jobs est déjà sur les ondes. Quelle stratégie vont adopter Barack Obama et ses conseillers? A suivre donc.

3 oct. 2012

Alles Gute zum Geburtstag Traudl Schmitt

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Tuttlingen, den 7. August 2012

Zu Deinem Geburtstag wünsche ich Dir viel Glück, Gesundheit, Freude und inneren Frieden. Möge Dir der Herr Gott alles Gute, Liebe und Schöne in Fülle schenken.
Multos Annos und Herzliche Grüsse aus Barbados!

Claver

PS.: Nach einer Diskussion über einen von ihr geschriebenen Text haben wir uns über die folgende Zusammenfassung geeinigt:
- Traudl Schmitt: Deutsch ist doch meine Muttersprache.
- Claver Mabana: Es ist auch meine Muttersprache, aber ohne Mutter. Claro!




 

2 oct. 2012

Hommages tardifs à un ami: Jean-Roger Lumu

L'abbé Jean-Roger Lumu Luimpe est parti ad patrem depuis plus d'une année; et ce n'est que depuis trois semaines que, par un hasard malencontreux, j'ai appris la nouvelle. Avant d'écrire un éloge en son honneur, je tenais à m'en rassurer. J'ai écrit aux amis Jean-Bosco Matand et Félicien Ilunga, ses codiocésains pour en recevoir confirmation, mais ils ne m'ont pas répondu. Ou pas encore, avec les conditions douteuses de connexions, il est probable qu'ils n'aient même pas encore lu mes emails. Soit! L'idée m'est alors venue de m'adresser à Jean-Pierre Lubukayi en Belgique. Voici ce qu'il m'écrit:

"Bonjour Claver. J'ai vu trop tard ton message et ton appel. Malheureusement, je ne peux que te confirmer que LUMU Jean nous a effectivement quitté, après avoir longtemps souffert de problèmes psychiatriques probablement mal soignés d'ailleurs. Paix à son âme." (2.10.2012)

Jean-Roger a été un proche, un très proche ami pendant le temps de mon séjour romain. Plus proche même que certains de mes codiocésains. J'ai des souvenirs que je n'ai vécus et partagés qu'avec lui seul. Par exemple, le dernier chemin de croix aux Colysées avec Jean-Paul II, le vendredi saint de 1982. Sans parler de nos discussions très animées. Que des souvenirs!
Jean-Roger critiquait tout, tout le monde. De l'enseignement de l'Urbaniana aux longues homélies du Père Fumagalli. Il ne se disait pas luba, mais bena kanioka. Il s'amusait à se moquer de tout, de tous et de tout le monde. Comme il était plus jeune que moi, je l'ai initié à beaucoup de choses pratiques. Sa jeunesse a constitué un sérieux handicap dans son évolution. Ainsi, aussitôt revenu, ordonné prêtre très jeune, il était à 24 ans parachuté "coordinateur diocésain de Mwene-Ditu". C'est là que son destin a basculé  et qu'il a perdu ses ailes. L'homme que j'ai retrouvé en 1985 à Kinshasa n'était plus le même.
Comédien, humoriste, farceur, il était un peu tout cela. Et comment? Comme séminariste, il a fait de brillantes études de philosophie aux Facultés catholiques de Kinshasa entre 1977 et 79. Ayant constaté que tous les cuisiniers étaient originaires de la région de Bandundu, Jean a appris quelques phrases en kikongo qui lui ont été salutaires. "Tata, nge ke ngolo? - A mwana na beto, beto ke zaba ve nde nge ke ya beto." Sa ration alimentaire a augmenté sensiblement. Lorsque je lui fait savoir qu'il était un aventurier et un farceur et que c'était de la corruption, il a rétorqué en se qualifiant de "survivant réaliste".
En 1981, il a rendu visite à une famille autrichienne à Bregenz ou Dornbirn si ma mémoire est bonne. Qu'importe! Dans cette famille, la dame était aveugle de 1955 à 1975 mais été guérie de sa cécité à Lourdes, le jour de Pâques 75. A la demande de la famille hôte, il a exécuté un chant religieux en lingala. Eh bien, pendant l'exécution du chant, il a oublié le texte. Sans se poser des questions, abusant de l'ignorance de ses hôtes, il a inventé illico des couplets en tshiluba.
Ironique, il m'a dit plus d'une fois: "Alors que vos évêques du Bandundu dorment, les nôtres du Kasai visent loin. Regarde, l'abbé Kalumbu de Kananga est à l'académie, alors que Mgr Kabongo de Lwebo est deuxième secrétaire particulier du Pape. Vos évêques ne pensent qu'à la théologie morale ou dogmatique, à la missiologie, aux sciences de l'éducation. A cette allure vous ne vous étonnerez pas que le premier nonce zaïrois soit du Kasai". Eh bien, l'actuel nonce du Vatican au Ghana n'est autre que notre ancien condisciple, SE Mgr Léon Kalenga. Respect, Léon!
En 87, Jean a refusé de continuer ses études aux Facultés catholiques de Kinshasa pour des raisons personnelles. Primo, après avoir déjà été à Rome, il ne se voyait nullement étudier à Kinshasa pour quelque raison que ce soit. Secundo, il se retrouverait à Kinshasa condisciple d'élèves dont il avait été le coordinateur. Tertio, il n'était pas d'accord ave son évêque, prétextant que cela revenait à une mutation punitive pour lui faire payer sa mégestion à la coordination. Je lui ai conseillé de répondre à l'affectation; quitte à réparer calmement les dégâts mais il ne m'a pas écouté. Depuis, je n'ai plus eu de ses nouvelles.
A deux ou trois reprises, je lui avais envoyé quelques sous via les missionnaires de Scheut comme via ses codiocésains comme Jean-Anatale Sabw'. Nous n'avons plus vraiment rétabli des contacts hélas  jusqu'à sa mort. J'en suis très peiné, dépité, voire dévasté. J'ai perdu un ami. Malgré le retard, permets, Jean-Roger, que je verse quelques larmes douloureuses et amicales en ton souvenir. PAIX A TON AME.


 

1 oct. 2012

L'ignorance

Les philosophes, tout en prônant le savoir, en reconnaissent les limites. Plus on sait, plus on ignore. On sait quelque chose, on théorise, on explicite; mais en même temps, on ignore tout du reste, de ce qu'on élimine par l'acte intellectuel; de ce qui n'est pas de son domaine de théorisation ou d'expérimentation.
La théorie abstraite mène souvent à une minimalisation du champ d'action ou de vision, à une réduction d'expériences. Dans la vaste étendue du savoir théoriser revient à rétrécir son horizon, donc à ouvrir le lieu d'expansion de ce qu'on appelle communément l'ignorance. Ne la cultivons-nous pas sans le savoir? C'est le défaut de la spécialisation, car à force de généraliser, d'abstraire les idées, on perd racine avec la réalité commune. Ainsi, se méfie-t-on des philosophes dans la société des communs des mortels. Obscurantistes ou dépositaires d'un secret, ils cherchent à questionner l'être là où les autres se préoccupent de la vie.
Dans ma tribu, celui qui va à l'école du Blanc devient idiot, déraciné, dépaysé, au même titre qu'on considère le Blanc. Ses liens avec la tradition, les proverbes et la langue authentique, se perdent ou s'émoussent au profit d'un comportement étranger et aliénant. Je l'ai déjà souligné dans un message précédent concernant l'éducation occidentale. Nos gens se méfient des "je les connais", des "quatre-vingt", des "moi-même au volant", jugés ignorants des réalités simples, rêveurs, illuminés par une nébuleuse d'un savoir qui les réduits à des "marginaux sociaux."
L'ignorance ici réside dans le refus de considérer la complexité du réel ou de saisir le réel dans sa complexité, dans la tendance à réduire à un monolithisme le regard sur le monde. Pour plus de détails, .je renvoie à la féministe noire américaine B. Christian: "The Race for Theory" (Feminist Studies, No 14.1, 1988: 67-79).