2 oct. 2012

Hommages tardifs à un ami: Jean-Roger Lumu

L'abbé Jean-Roger Lumu Luimpe est parti ad patrem depuis plus d'une année; et ce n'est que depuis trois semaines que, par un hasard malencontreux, j'ai appris la nouvelle. Avant d'écrire un éloge en son honneur, je tenais à m'en rassurer. J'ai écrit aux amis Jean-Bosco Matand et Félicien Ilunga, ses codiocésains pour en recevoir confirmation, mais ils ne m'ont pas répondu. Ou pas encore, avec les conditions douteuses de connexions, il est probable qu'ils n'aient même pas encore lu mes emails. Soit! L'idée m'est alors venue de m'adresser à Jean-Pierre Lubukayi en Belgique. Voici ce qu'il m'écrit:

"Bonjour Claver. J'ai vu trop tard ton message et ton appel. Malheureusement, je ne peux que te confirmer que LUMU Jean nous a effectivement quitté, après avoir longtemps souffert de problèmes psychiatriques probablement mal soignés d'ailleurs. Paix à son âme." (2.10.2012)

Jean-Roger a été un proche, un très proche ami pendant le temps de mon séjour romain. Plus proche même que certains de mes codiocésains. J'ai des souvenirs que je n'ai vécus et partagés qu'avec lui seul. Par exemple, le dernier chemin de croix aux Colysées avec Jean-Paul II, le vendredi saint de 1982. Sans parler de nos discussions très animées. Que des souvenirs!
Jean-Roger critiquait tout, tout le monde. De l'enseignement de l'Urbaniana aux longues homélies du Père Fumagalli. Il ne se disait pas luba, mais bena kanioka. Il s'amusait à se moquer de tout, de tous et de tout le monde. Comme il était plus jeune que moi, je l'ai initié à beaucoup de choses pratiques. Sa jeunesse a constitué un sérieux handicap dans son évolution. Ainsi, aussitôt revenu, ordonné prêtre très jeune, il était à 24 ans parachuté "coordinateur diocésain de Mwene-Ditu". C'est là que son destin a basculé  et qu'il a perdu ses ailes. L'homme que j'ai retrouvé en 1985 à Kinshasa n'était plus le même.
Comédien, humoriste, farceur, il était un peu tout cela. Et comment? Comme séminariste, il a fait de brillantes études de philosophie aux Facultés catholiques de Kinshasa entre 1977 et 79. Ayant constaté que tous les cuisiniers étaient originaires de la région de Bandundu, Jean a appris quelques phrases en kikongo qui lui ont été salutaires. "Tata, nge ke ngolo? - A mwana na beto, beto ke zaba ve nde nge ke ya beto." Sa ration alimentaire a augmenté sensiblement. Lorsque je lui fait savoir qu'il était un aventurier et un farceur et que c'était de la corruption, il a rétorqué en se qualifiant de "survivant réaliste".
En 1981, il a rendu visite à une famille autrichienne à Bregenz ou Dornbirn si ma mémoire est bonne. Qu'importe! Dans cette famille, la dame était aveugle de 1955 à 1975 mais été guérie de sa cécité à Lourdes, le jour de Pâques 75. A la demande de la famille hôte, il a exécuté un chant religieux en lingala. Eh bien, pendant l'exécution du chant, il a oublié le texte. Sans se poser des questions, abusant de l'ignorance de ses hôtes, il a inventé illico des couplets en tshiluba.
Ironique, il m'a dit plus d'une fois: "Alors que vos évêques du Bandundu dorment, les nôtres du Kasai visent loin. Regarde, l'abbé Kalumbu de Kananga est à l'académie, alors que Mgr Kabongo de Lwebo est deuxième secrétaire particulier du Pape. Vos évêques ne pensent qu'à la théologie morale ou dogmatique, à la missiologie, aux sciences de l'éducation. A cette allure vous ne vous étonnerez pas que le premier nonce zaïrois soit du Kasai". Eh bien, l'actuel nonce du Vatican au Ghana n'est autre que notre ancien condisciple, SE Mgr Léon Kalenga. Respect, Léon!
En 87, Jean a refusé de continuer ses études aux Facultés catholiques de Kinshasa pour des raisons personnelles. Primo, après avoir déjà été à Rome, il ne se voyait nullement étudier à Kinshasa pour quelque raison que ce soit. Secundo, il se retrouverait à Kinshasa condisciple d'élèves dont il avait été le coordinateur. Tertio, il n'était pas d'accord ave son évêque, prétextant que cela revenait à une mutation punitive pour lui faire payer sa mégestion à la coordination. Je lui ai conseillé de répondre à l'affectation; quitte à réparer calmement les dégâts mais il ne m'a pas écouté. Depuis, je n'ai plus eu de ses nouvelles.
A deux ou trois reprises, je lui avais envoyé quelques sous via les missionnaires de Scheut comme via ses codiocésains comme Jean-Anatale Sabw'. Nous n'avons plus vraiment rétabli des contacts hélas  jusqu'à sa mort. J'en suis très peiné, dépité, voire dévasté. J'ai perdu un ami. Malgré le retard, permets, Jean-Roger, que je verse quelques larmes douloureuses et amicales en ton souvenir. PAIX A TON AME.


 

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