1 oct. 2012

L'ignorance

Les philosophes, tout en prônant le savoir, en reconnaissent les limites. Plus on sait, plus on ignore. On sait quelque chose, on théorise, on explicite; mais en même temps, on ignore tout du reste, de ce qu'on élimine par l'acte intellectuel; de ce qui n'est pas de son domaine de théorisation ou d'expérimentation.
La théorie abstraite mène souvent à une minimalisation du champ d'action ou de vision, à une réduction d'expériences. Dans la vaste étendue du savoir théoriser revient à rétrécir son horizon, donc à ouvrir le lieu d'expansion de ce qu'on appelle communément l'ignorance. Ne la cultivons-nous pas sans le savoir? C'est le défaut de la spécialisation, car à force de généraliser, d'abstraire les idées, on perd racine avec la réalité commune. Ainsi, se méfie-t-on des philosophes dans la société des communs des mortels. Obscurantistes ou dépositaires d'un secret, ils cherchent à questionner l'être là où les autres se préoccupent de la vie.
Dans ma tribu, celui qui va à l'école du Blanc devient idiot, déraciné, dépaysé, au même titre qu'on considère le Blanc. Ses liens avec la tradition, les proverbes et la langue authentique, se perdent ou s'émoussent au profit d'un comportement étranger et aliénant. Je l'ai déjà souligné dans un message précédent concernant l'éducation occidentale. Nos gens se méfient des "je les connais", des "quatre-vingt", des "moi-même au volant", jugés ignorants des réalités simples, rêveurs, illuminés par une nébuleuse d'un savoir qui les réduits à des "marginaux sociaux."
L'ignorance ici réside dans le refus de considérer la complexité du réel ou de saisir le réel dans sa complexité, dans la tendance à réduire à un monolithisme le regard sur le monde. Pour plus de détails, .je renvoie à la féministe noire américaine B. Christian: "The Race for Theory" (Feminist Studies, No 14.1, 1988: 67-79).

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