5 nov. 2012

A chacun sa superstition

"Claver,
Chacun a sa superstition. Tu ne me contrarieras, car tu déclares sur ton blog que tu es béni. Tu m'as plusieurs fois dit que tu crois en la Providence, que tu obtiens ce que tu veux. Alors pourquoi ne peux-tu pas supporter que d'autres croient en la sorcellerie?" Etc. (Email du 5 novembre 2012)

Oui, je crois en la Providence. Je suis béni. J'ai dans ma vie connu des expériences très édifiantes, contrairement à d'autres qui se plaignent d'être malheureux, mal aimés, voire mal nés. Ce n'est pas mon cas. Je remercie Dieu de m'avoir accordé les multiples dons dont je disposes, et surtout de m'avoir donné, grâce à mon éducation familiale et scolaire, des principes simples à travers lesquels je me situe par rapport au monde.
La providence se traduirait en termes païens comme fortuna, chance, sort. Dans ce sens-là, chacun a sa superstition. Et c'est même un droit. La seule chose qui me dérange, c'est de me voir imposer des convictions que je ne partage pas et dans lesquelles je ne me reconnais pas. Je suis très critique vis-à-vis des "pasteurs", et d'autres de leur acabit, dès que je constate qu'ils se servent de la parole de Dieu pour des intérêts personnels. Le commerce d'exorcismes à la houlette me répugne: on prétend délivrer des enfants innocents de crimes de sorcellerie dont ils ne savent rien, simplement parce que leurs parents irresponsables ne les aiment pas et leur attribuent tel ou tel malheur. C'est un scandale, un crime sur lequel les autorités doivent légiférer au plus vite. Quelquefois, ces mêmes autorités figurent parmi ces vendeurs de salut et les pratiquants de ces inepties.
Une jeune femme en mal d'amour entre dans une secte pour trouver un mari. Et la bonne parole divine concoctée par le pasteur tombe juste, lorsque ce dernier ne se choisit pas lui-même comme l'heureux envoyé de Dieu. Il ne suffit pas de répéter cent fois "Au nom de Jésus" pour que votre coeur impur se transforme en éther angélique. Une cousine à moi qui me traite de païen, est tombée dans le traquenard des "Bima" et s'en est sortie gratifiée de deux ou trois enfants dont le père n'est autre que le pasteur. Pendant de longues années, on ne l'a plus vue; condamnée à prier nuit et jour pour le pardon de nos péchés. Tu diras aussi que chacun a son chemin vers Dieu.
Loin de moi l'idée de mépriser les églises du réveil que je respecte, j'invite seulement à discerner le bon grain de l'ivraie. Des gens ont proposé à un évêque catholique malade d'adhérer au Maikari pour être guéri. Pourquoi pas? Mgr Milingo ne s'était-il pas marié chez les Moons? A chacun son chemin vers le bonheur!
Mon jeune frère Nicolas insiste souvent sur le "ngenge" chez les musiciens ou les sportifs. Les qualités musicales (bonne voix, bon tempo, bonne danse) ou sportives (talent, technique, physique, rapidité, clairvoyance) ne suffisent; les répétitions ou les entraînements ne suffisent pas. Ils ont tous besoin d'un ingrédient supplémentaire: le fétiche, le talisman, le pouvoir de domination. Il prétend qu'un joueur togolais ensorcelle ses coéquipiers: dans chaque club où il est passé, son concurrent direct subit des blessures qui l'éloignent de la compétition pour longtemps. C'est cela le "ngenge", semble-t-il.
Une collègue à moi qui dit ne pas croire en Dieu m'a surpris un jour en m'avouant qu'elle avait été ensorcelée d'une forte diarhée qui a failli l'emporter. A mon étonnement, elle m'a sorti: "Chacun a sa superstition, Claver". Autrement dit, à ce phénomène je crois, mais pas en Dieu.
Les superstitions conduisent le monde depuis le début de son existence. On peut les transposer en termes sacrés comme des rites, des sacrements, des liturgies. L'homme a besoin de signes spécifiques pour atteindre l'explication des choses et des mots. Les luttes des coqs, les tauromachies, les tarots, les oracles, sont autant des moyens d'appréhension de l'avenir qui ont de la valeur pour ceux qui y croient. Je lisais ce matin que la défaite ce dimanche des Redskins de Washington présage une défaite d'Obama demain 6 novembre 2012. Si ce dernier perd les élections, je prendrai cela pour une coïncidence, car rationnellement rien ne lie ces deux événements; d'autres seront confortés dans leur superstition. C'est les Américains qui choisissent leur président, pas sous l'effet d'une quelconque rencontre sportive.  

Soyons clairs. La sorcellerie n'existe pas dans mon système personnel de fonctionnement. Je la laisse à qui y croit. Je n'y adhérerai jamais. Mon père m'a prémuni contre cela depuis août 1969.



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