22 févr. 2013

Paradoxes en littératures de langue française


Les études postcoloniales produites hors du monde français et francophone et l'émergence de la littérature-monde ont un impact sérieux dans le paysage critique en langue française. La dichotomie traditionnelle "français" vs "francophone" s'est vue assumée dans une mouvance plus vaste du genre "français" vs "minorité". Pour une fois, écrivains français et francophones sont réunis pour revendiquer leur libération de la francophonie tutélaire, institutionnelle et répressive des libertés. Les réactions des hommes politiques et de la culture ne se sont pas faites attendre. Il serait intéressant d'examiner comment la critique y a réagi. Des littératures-mondes en français d'Oana Panaïté et mon livre Ecritures en situations coloniales: francophonies périphériques jettent un regard différent mais complémentaire sur cette problématique. L'ambiguïté "français" vs "francophone" qui trouve son origine dans le génie national français même touche aussi bien le natif  français, que le français sur passeport et le francophone tous rangés dans la catégorie de minorité. L'impression qui se dégage de ce débat est que le postcolonialisme ou la postcolonie s'en sort mieux que la rationalité interne française pour contourner cette dichotomie. La notion de l'"autre" qui constitue un des piliers du postcolonialisme permet d'assouplir la dichotomie, et sans aucun doute, d'ouvrir des nouvelles poétiques et de nouveaux imaginaires. Pour éviter la marginalisation des "francophones" et par conséquent mieux les intégrer, il faudra trouver un compromis entre les différents niveaux (institutionnel, politique, critique, créatif) de discours théoriques et pratiques plutôt que de s'enfermer derrière les conventions établies. Les solutions du genre "mort à la francophonie" ou "gardons le  français, oublions la France" paraissent, pour des raisons évidentes, inappropriées et inopportunes. Ces paradoxes ne sont assurément pas insurmontables, mais ils nécessitent dans le contexte global actuel un changement en profondeur de mentalités en littérature de langue française.

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