1 nov. 2014

"Un dictateur peut en cacher un autre"

Cette réflexion me vient du mot de Gigie et de son coup de fil peu après. Elle m'a dit à peu près ceci: "Dans ton email tu avais raison, tu as même prédit cela. Il ne s'est même pas passé vingt quatre heures avant que la course au pouvoir ne se déclenche. Les militaires se sont rués dessus comme sur une manne tombée du ciel." Je lui ai répondu qu'à mon avis de littéraire, le scénario était monté, répété... afin que les militaires s'emparent du pouvoir et laissent l'oiseau rare filer tranquillement vers Yamoussoukro. Un cycle de dictature a fini, un autre commence. Et que devient le peuple à qui on vole sa révolution?
1. Président hier, prévenu de justice aujourd'hui. Président déchu. Aussitôt forcé de quitter le pouvoir, l'ex président burkinabé a pris le chemin de l'exil. Pourquoi ne pouvait-il pas rester à Ouagadougou? C'est le sort des potentats africains. Pour avoir commis beaucoup de crimes, pour avoir privé de nombreux enfants de leurs parents, pour avoir éliminer des individus qui leur faisaient de l'ombre, les dictateurs prennent tous le chemin de l'exil. Il leur est impossible de redevenir simple citoyen de leur pays. Cela, c'est aussi un signe de démocratie africaine. Compaoré voulait changer la constitution de son pays afin de se représenter aux élections présidentielles pour la enième fois. Mauvais calcul cette fois. Vingt-sept ans de pouvoir despotique sans partage, c'en était trop pour les Burkinabé qui ont dit "Niet". Et le peuple résolu a montré sa force: un peuple uni derrière un idéal ne peut que vaincre tous les défis. Vingt-sept ans de pouvoir, et il voulait encore un autre mandat? Il se voulait en réalité président à vie sous le subterfuge de l'élection. Vingt-sept ans de présidence, que cherchait-il encore à prouver comme si le pays lui appartenait entièremen?. Dieu intouchable dans son habitacle de palais! Voilà que le peuple a montré sa force.
2. La leçon de l'histoire. Beaucoup de dictateurs ont mal fini leurs vies. Beaucoup avaient rêvé de grandioses funérailles nationales mais sont décédés dans l'anonymat total. Beaucoup rêvaient de gloire éternelle, ils ont fin en geôle ou dans un coin perdu. Idi Amin, Bokassa, Mobutu... ont connu des sorts particuliers. D'autres plus rusés ont réussi à mourir au pouvoir, mais à quel prix? Bongo, le Vieux Houphouêt, Eyadema, Kadhafi ne pouvaient mourir qu'au pouvoir de la même façon qu'y ont cru ou y croient encore Moubarak, Mugabe,  Obiang, Dos Santos, Museveni, Kagamé, etc. D'autres les suivent sur la voie de l'usurpation politique. Leur force, c'est l'armée armée jusqu'aux dents. Leur arme, c'est la corruption. La jeune génération de présidents africains tend aussi vers le pouvoir éternel ou à vie. Pas question de céder car ce serait humiliation, "sign of cowardice" comme dit Mugabé. Ces tyrans restent dans leurs pays qu'ils pillent et saignent à blanc tant qu'ils ont le pouvoir. Sinon, soit ils meurent, soit ils fuient après avoir tué le plus de monde possible. Observons l'évolution des choses au surprenant Burkina Faso! Je revois Thomas Sankara sur les visages de Zida ou Traoré. L'un des deux sera écarté à coup sûr.
Pour un homme de lettres, le schéma est le même. Le despote s'assigne le droit de briguer un mandat, met ses pions en place, menace les récalcitrants lorsqu'il ne les tue pas grâce à ses sbires et autres hommes de mains, corrompt les plus influents et musellent les institutions gagnées à coup de millions à son sort. Aveuglé par son ambition, le tyran croit que ce qui arrive à son voisin, n'arrivera jamais chez lui ni à lui tant que sa garde prétorienne lui sert de rempart. Il doit assurer leur paiement, leur inventer des primes afin d'acheter leur fidélité. Mais il ignore que toute chose a une fin. L'éviction du tout-puissant Compaoré donne une véritable leçon d'histoire.

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