5. Pour certaines gens, la vie d'une poule compte plus que celle d'une personne humaine. Il m'est arrivé de me trouver dans l'entourage de tueurs qui ont attenté à ma vie. Une fois, ils ont même tiré sur le véhicule dans lequel je me trouvais. C'était avec le Frère Simon Van Steen et le chauffeur Zoro Musitu tous deux d'heureuse mémoire, le 29 juin 1992 sur les hauteurs du Pont Kwango. Le but de ces malfrats en uniformes militaires était sans aucun doute de nous éliminer et de subtiliser la jeep pour effectuer leurs crimes. Le monde est plein de gangsters, d'assassins, de sbires, d'hommes de main, de militaires et policiers à la gâchette facile, pour qui la vie d'un homme ne vaut pas le pet d'une grand-mère comme dirait Birahima dans Allah n'est pas obligé d'Ahmadou Kourouma. Faforo! Le pet les fait reculer, alors que le sang humain les attire et attise leur impitoyable cruauté. S'il faut ajouter à cela des croyances de sacrifices occultes ou sorciers, le tableau est clos. Ne dit-on pas que certains régimes politiques doivent verser le sang humain pour se maintenir au pouvoir? On se croirait encore à l'époque du roi zoulou Chaka. "Bayete Baba... Bâton levé, on tue sans pitié ses sujets comme des mouches."
6. Attentat-suicides, armes biologiques ou chimiques, ADM/WMD, drogues létales, empoisonnement individuel ou collectif, et toutes autres formes directes ou indirectes de violences meurtrières constituent de graves transgressions contre la vie. Les tueurs à gage et à sang froid ne sont souvent pas si loin qu'on croit: ils vivent avec nous, partagent tout avec nous. Sous le camouflage de la courtoisie et de mots suaves se cachent souvent les plus atroces spécimens d'assassins, les plus ignobles criminels et prédateurs humains. Il y a deux ou trois semaines au Crop Over, je me suis retrouvé dans un cercle où des coups de balle ont été tirés sans que je m'en rende compte. Qui aurait pu l'imaginer auparavant? Mais c'est arrivé. Un homme est mort sur place, criblé de balles; quatre autre personnes ont reçu de balles perdues. Aussi curieux que cela puisse paraître, une des victimes travaillait comme boy-maçon pour nous. La mort violente nous guette à chaque tournant de la vie, sur la route comme dans les endroits où nous vivons et travaillons.
7. La légitime défense est un droit reconnu à toute personne en danger. Mais comme on l'a observé ces dernières années, elle est parfois aveuglement utilisée lorsque la police tue des innocents non armés ou inoffensifs. Un sujet très sensible. D'autres paramètres du genre discrimination raciale ou religieuse sont évoqués pour justifier ces affronts à la loi. Dans une communauté multiraciale, les points de vue se révèlent parfois inconciliables. Des centaines de personnes meurent chaque année victimes de telles méprises. Souvent, on ne sait plus qui il faudrait blâmer ni pourquoi blâmer. Dans certains contextes des pesanteurs socio-culturelles ou religieuses contraignent les comportements des gens. Pendant la guerre Iran - Irak d'il y a trente ans, des mamans étaient gênées plutôt qu'heureuses de revoir vivants leurs enfants envoyés au front comme des agneaux au sacrifice. Revenir vivant constituait une lâcheté, une trahison, un rendez-vous manqué avec le bonheur d'avoir servi sa patrie. Des jeunes gens auraient été reniés de leurs génitrices pour avoir évité le plus précieux sacrifice de soi. Voilà où le radicalisme ou l'extrémisme peuvent mener.
8. Est-on encore un homme après avoir tué sous quelque forme que ce soit? Quelle conscience possède une personne qui tue en série d'autres êtres humains sous différentes forms ou sous des pretexts racists, politiques, religieux, idéologiques. Il est des métiers pour lesquels la vie ne tient qu'à un fil certes, mais des règles éthiques précises doivent les accompagner. A un frère qui, un jour, me présentait son ami DSP qui se vantait d'avoir achevé des vies, j'ai rétorqué: "Comment peux-tu être ami avec quelqu'un qui porte du sang humain sur les mains? Pour moi, un tel personnage se disqualifie automatiquement, s'écarte de fait de mon cercle d'amis. Je ne peux pas me faire ami-ami avec un tueur, quel qu'il soit. Il n'a qu'à mener sa vie comme il l'entend, mais pas dans mon entourage immédiat."