11 nov. 2018

J'ai retrouvé un vénérable ami

11 novembre 2018. Ma petite société civile se rend calmement à l'église St Francis. Il nous faut entre 10 et 15 minutes pour arriver. Contrairement aux autres dimanches, il n'y a pas de répétition de chants au programme. Nous ne nous pressons pas, nous prenons tout notre temps. 
Seulement voilà. Juste au tournant avant d'arriver sur la route qui longe la mer et qui mène droit à l'église, nous apercevons de dos un monsieur marchant dans le même sens que nous. Il est grand de taille, presque 2 mètres. Nous remarquons qu'il a une grande brûlure au niveau du cou, en dessous d'une tignasse assez développée et très mal soignée. Au moment de le dépasser, je freine pour mieux le dévisager. Je reconnais le visage jadis familier. Cet homme, je ne l'ai plus vu depuis plus de cinq années alors que je le rencontrais régulièrement du côté du Centre Ville ou de l'école des enfants. Je le croyais mort ou disparu de la circulation, voilà que contre toute attente je le retrouve complètement défiguré, changé, méconnaissable, presque transformé en zombi. Comment a-t-il pu tenir dans ces conditions très dures de vie, sans suivi de soins ni de traitements médicaux? Comment a-t-il pu survivre dans cette insalubrité qui lui sert d'abri quotidien? Par contre, je me suis tout de suite re-souvenu de tas d'événements partagés avec lui. Je vais en citer deux. 
Une fois que je me rangeais devant la pédiatrie des enfants, probablement en 2009 ou 2010, il est apparu derrière la clôture du parking et s'est mis à se plaindre devant quelque trois personnes intéressées qui gardaient l'entrée de l'autre aile du centre hospitalier. Ils se connaissaient vu la façon dont le monsieur les haranguait. Je reprends et traduis à peu prés son discours:
"C'est vraiment dur d'être fou. Personne ne vous respecte, personne ne vous prend au sérieux. Dès que j'entre dans un magasin, des sécurités viennent m'éconduire. Dans un bus, c'est à peine qu'on m'ouvre la porte. A l'hôpital, on me reconduit vers l'asile psychiatrique que je déteste. Lorsque que je passe sur Nelson Street, les femmes n'ont pas de regard pour moi depuis bientôt vingt-cinq ans. Je vous dis, les gars, ne devenez jamais fous. Mais moi, Dieu merci, j'ai réussi à me faire respecter grâce à ceci... "(Il sort de sa trousse une montre en or qui, prétend-il, assure sa survie. Dieu seul sait comment?). 
A peu près dans la même période, on sortait de l'église St Patrick, alors que je m'apprêtais à partir, il s'est présenté devant moi: 
-" Man do you have some change for me?
- No Sir, I gave all my money for collection in church. There were two collections today.
- Do you really have nothing?
- Nope, the parish priest has taken all my money. Go ask him." 
Sans attendre ni hésiter, mon vénérable ami est allé trouver Mgr Harcourt Vincent, le curé, qui prenait congé de ses paroissiens. Il lui a sans doute rapporté que je l'ai envoyé demander sa part d'argent. Tout ce que j'ai vu, c'est que Mgr Harcourt a regardé dans ma direction... Vous pouvez imaginer la suite. 
Et aujourd'hui, j'ai profité de l'occasion pour raconter cette histoire à ma petite société civile qui a éclaté de rire. Oui, ça, c'est aussi moi. 



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