Cela fait bientôt quinze ans que je vis dans les Amériques. A la Barbade, dans les Antilles anglaises plus précisément. Pendant ce temps, j'ai observé ou ai été témoin de beaucoup de réalités, sur plusieurs plans. Celui qu'on identifie dans les Amériques comme noir, africain-américain ou caribéen, est un Noir complètement différent de l'Africain demeuré séculairement sur le continent. La raison majeure est que ces deux types de Noirs ne partagent plus la même histoire depuis cinq cents ans. Ce détail est très important, quoiqu'il soit possible de retracer la généalogie de certains individus grâce à des tests ADN. Des milliers d'Américains ont retrouvé leur lieu d'origine en Afrique.
1. Mon expérience personnelle. En arrivant aux Antilles en 2001, je possédais une vision complètement erronnée de l'esclavage. J'avais certes appris l'histoire de l'esclavage et l'ai même enseignée à mes élèves de Kalonda, à partir de manuels dont je disposais. J'ai connu des personnes des Antilles, partagé des expériences avec elles aussi bien au Congo qu'en Europe. Ou lors de mon tout premier voyage aux Etats-Unis en 97. Mais ces expériences là ne valent pas celle que je vis depuis 2001. Le temps m'a permis d'observer les choses, de les juger avec un peu plus de recul et sans préjugé. J'aime bien pratiquer une approche participative dans ce genre d'exercices.
2. Des Noirs d'Occident. La première chose qui m'a frappé était la différence géographique et culturelle. La déportation opérée par les esclavagistes a placé des millions de Noirs dans l'hémisphère Nord et en Occident. Ce déracinement culturel et cette déterritorialisation ont eu pour effet de créer une autre race noire, brassée avec des éléments biologiques et culturels d'ailleurs. Lorsque les Antillais se définissent créoles, c'est-à-dire mélanges de plusieurs facteurs, ils ont parfaitement raison. Au début, je concevais cette déclaration comme un refus de l'Afrique; mais j'ai dû me rétracter au fil du temps. Il y a dans certaines îles des familles où les enfants portent un phénotype représentatif de racines africaine, européenne et asiastique, conséquence de croisements génétiques qui ont forcément eu lieu dans cette partie du monde. Ce qui donne des centaines de types de Noirs de ce côté de l'Atlantique. Du genre un Noir avec un long nez, aussi long voire plus long que celui d'un Blanc. De cheveux crépus sur un visage blanc. Le métissage n'y est pas un mot, mais une réalité concrète et vécue.
2. Des Noirs d'Occident. La première chose qui m'a frappé était la différence géographique et culturelle. La déportation opérée par les esclavagistes a placé des millions de Noirs dans l'hémisphère Nord et en Occident. Ce déracinement culturel et cette déterritorialisation ont eu pour effet de créer une autre race noire, brassée avec des éléments biologiques et culturels d'ailleurs. Lorsque les Antillais se définissent créoles, c'est-à-dire mélanges de plusieurs facteurs, ils ont parfaitement raison. Au début, je concevais cette déclaration comme un refus de l'Afrique; mais j'ai dû me rétracter au fil du temps. Il y a dans certaines îles des familles où les enfants portent un phénotype représentatif de racines africaine, européenne et asiastique, conséquence de croisements génétiques qui ont forcément eu lieu dans cette partie du monde. Ce qui donne des centaines de types de Noirs de ce côté de l'Atlantique. Du genre un Noir avec un long nez, aussi long voire plus long que celui d'un Blanc. De cheveux crépus sur un visage blanc. Le métissage n'y est pas un mot, mais une réalité concrète et vécue.
2. Race et identité. A mon arrivée aux West Indies, ma surprise était d'entendre des étudiants noirs dans leur majorité me poser, à propos de l'Afrique, exactement les mêmes questions que mes étudiants allemands de Humboldt, Berlin. Je me suis alors dit qu'un sérieux lavage de cerveau a eu lieu; pouvait-il en être autrement après tant de siècles de séparation ou de sevrage d'Afrique? Bien que certaines habitudes culturelles ou alimentaires soient restées similaires, le Noir de la Caraïbe diffère foncièrement de celui d'Afrique ou d'Asie. Le mouvement de la négritude a opéré le passage de la couleur de la peau à l'identification noire africaine. Pourtant, l'identification à une race est un choix fondamental. Le nègre fondamental Aimé Césaire a continué d'affirmer sa négritude jusqu'à sa mort : "Nègre je suis, nègre je resterai". L'identité raciale n'est pas le résultat d'un fait biologique mais d'un choix de l'esprit. Et ce choix a une histoire. De ce point de vue, Césaire a raison tout comme les antillanistes ou les créolistes.
3. Choix idéologique. J'assiste depuis quelques années à un réel mouvement d'éveil africain. Le Black History Month est célébré en février avec un enthousiasme qui ne cesse de me surprendre. Je suis, comme d'autres africains, à cette occasion invité à parler de l'Afrique dans des écoles. Je ne crois cependant pas que ce mouvement soit possible en Martinique (ou en Guadeloupe) à cause de la politique d'assimilation exercée par la France. Le réflexe colonial n'y a jamais complètement disparu à mon sens. Qu'on me corrige si je me trompe. Jadis absente ou presque du discours politique et culturel, l'Afrique se trouve aujourd'hui au centre de débats et d'exposés. Un tournant réel a lieu dans le paysage des Antilles anglaises.
4. Au cours d'une discussion sur la polygamie et la possibilité d'entretenir plusieurs relations féminines, j'ai été étonné d'entendre mon interlocuteur barbadien dire: "Occidental en haut, en bas je suis Africain," indiquant le dessous de sa ceinture. Il disait en fait qu'il entretenait ses multiples conquêtes à cause de ses racines africaines qu'il assume comme un héritage sacré. Et d'ajouter: "After centuries of slavery, emancipation made us feel who we are. Our masculinity came back with emanicipation." Voilà une façon originale de clamer ses origines africaines.
5. Pour beaucoup d'autres caribéens, la situation est par contre plus conflictuelle. Il y en a qui ne pardonnent jamais aux Africains d'avoir vendu et humilié leurs ancêtres, tout comme il y en qui, au vu de ce qui se passe actuellement en Afrique, se sentent providentiellement sauvés de la misère que subissent les Africains. Certains regrettent, d'autres apprécient l'esclavage. Puisqu'il me faudrait arrêter ma réflexion là, je tirerais quelques idées. L'histoire de l'esclavage constitue un chapitre très controversé de l'histoire universelle. Comme on ne retournera jamais à l'état originel des choses, il faut vivre son temps, en tenant compte de l'espace et du temps d'où on vient, où on est, et où on va. Plutôt que de perpétuer un inutile conflit révisionniste, il est essentiel aux Africains et aux Caribéens de tisser des liens constructifs, réalistes et humains susceptibles de contribuer à l'épanouissement mutuel. La disparité historique ne saurait dissimuler des relations inaltérables que les deux continents entretiennent: il est temps d'ériger des ponts plutôt que la discorde entre les deux communautés continentales. L'histoire ne saurait s'effacer, seule une prise de conscience de soi aidera à transcender les écarts.
6. Enseignant aux Antilles, je contribue à ma façon à une meilleure interaction entre l'Afrique et les Antilles. Père de jumeaux barbadiens, j'estime qu'il me revient de baliser le terrain afin que mes enfants puissent être fiers de leur héritage biologique africain et national antillais. Dans ce dialogue, la contribution inspiratrice et positive de chacun s'avère importante, fondamentale.
4. Au cours d'une discussion sur la polygamie et la possibilité d'entretenir plusieurs relations féminines, j'ai été étonné d'entendre mon interlocuteur barbadien dire: "Occidental en haut, en bas je suis Africain," indiquant le dessous de sa ceinture. Il disait en fait qu'il entretenait ses multiples conquêtes à cause de ses racines africaines qu'il assume comme un héritage sacré. Et d'ajouter: "After centuries of slavery, emancipation made us feel who we are. Our masculinity came back with emanicipation." Voilà une façon originale de clamer ses origines africaines.
5. Pour beaucoup d'autres caribéens, la situation est par contre plus conflictuelle. Il y en a qui ne pardonnent jamais aux Africains d'avoir vendu et humilié leurs ancêtres, tout comme il y en qui, au vu de ce qui se passe actuellement en Afrique, se sentent providentiellement sauvés de la misère que subissent les Africains. Certains regrettent, d'autres apprécient l'esclavage. Puisqu'il me faudrait arrêter ma réflexion là, je tirerais quelques idées. L'histoire de l'esclavage constitue un chapitre très controversé de l'histoire universelle. Comme on ne retournera jamais à l'état originel des choses, il faut vivre son temps, en tenant compte de l'espace et du temps d'où on vient, où on est, et où on va. Plutôt que de perpétuer un inutile conflit révisionniste, il est essentiel aux Africains et aux Caribéens de tisser des liens constructifs, réalistes et humains susceptibles de contribuer à l'épanouissement mutuel. La disparité historique ne saurait dissimuler des relations inaltérables que les deux continents entretiennent: il est temps d'ériger des ponts plutôt que la discorde entre les deux communautés continentales. L'histoire ne saurait s'effacer, seule une prise de conscience de soi aidera à transcender les écarts.
6. Enseignant aux Antilles, je contribue à ma façon à une meilleure interaction entre l'Afrique et les Antilles. Père de jumeaux barbadiens, j'estime qu'il me revient de baliser le terrain afin que mes enfants puissent être fiers de leur héritage biologique africain et national antillais. Dans ce dialogue, la contribution inspiratrice et positive de chacun s'avère importante, fondamentale.
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