14 mai 2016

Autour de la mort de Papa Wemba

Beaucoup d'anecdotes, beaucoup de règlements de comptes, beaucoup de surprises, beaucoup de polémiques. Kiamwangana et Tshala Mwana indésirables aux funérailles, finalement c'est pour apprendre que c'est plutôt Kiamwangana seul et Koffi Olomide. Beaucoup a été dit, revu, commenté dans tous les sens.  La presse, très présente, a couvert les événements du début à la fin; elle a livré des interviews avec des proches, amis et enfants de Wemba. Des enfants de PW se sont plaints du mauvais accueil, d'humiliation, d'avoir été traités comme des moins que rien. Il y a tellement à dire qu'on écrirait aisément un livre sur cette icône remarquable. Il y a également beaucoup de leçons de vie à retenir.
Le 2 mai, le président de la RDC a élevé Jules Shungu Wembadio au rang de "Grand Officier dans l’Ordre National « Héros Nationaux Kabila – Lumumba »  (sic) pour son œuvre.. Interprétation populaire: il est héros national. Est-ce une lecture correcte de l'ordonnance? Je laisse le débat aux spécialistes.
De son vivant, Wemba déclarait sans se gêner non seulement son amour pour les enfants mais aussi le nombre de ses enfants biologiques. Il déclarait son amour indéfectible envers Amazone. Dieu seul sait ce qu'il avait dans son cœur. L'existence de nombreux enfants hors mariage - de bâtards quoique ces enfants refusent ce titre - montre quel genre de mari il était. Il était un artiste-musicien: or justement, l'artiste trouve son inspiration dans son vécu quotidien, dans les expériences qu'il tire de ses rencontres, de ses rêves, de ses illusions, de ses projets, etc. Toulouse-Lautrec trouvait son inspiration dans des bordels et  boites à putes: sa peinture érotique n'est-elle pas l'une de plus admirables? Pourquoi alors s'étonner qu'une star adulée par le monde entier soit aimée des femmes et ait beaucoup d'enfants? Tabu Ley, Madilu, Kester n'ont pas fait exception à cette règle. A la mort des artistes se révèlent des secrets longtemps inconnus. Certains sont morts sans laisser d'héritiers connus, encore moins d'héritage ni d'adresses. C'est aussi cela être une star de chez nous. La personnalité de l'individu compte beaucoup. Ndombe Opetun a eu aussi une vie comme Maxime Soki ou Emile. Chaque musicien a son histoire et son sort. Au-delà de ces événements, il y a des points de réflexions intéressants à relever.
Les femmes aiment bien les vedettes musicales, sportives ou artistiques. Mon ami (pourfendeur) ajouterait volontiers les prêtres ou pasteurs à la liste. Elles les adorent, les placent au sommet de leurs aspirations. Curiosité, ambition de succès, plaisir de vivre avec une personnalité bien connue, amour (?), attrait de leur argent, arrogance tirée de l'aura de la vedette, tout cela contribue à l'attraction envers l'objet de leurs rêves. Et ces vedettes possèdent l'art de la parole susceptible de les attirer vers eux. Par leurs comportements, par leur sape, par leur notoriété, ils savent imposer leur prestige à la face de leurs "victimes". Comment une femme qui sait bien que cet homme a des engagements ailleurs peut-elle succomber à cette tentation? Comment se permettent-elles de relations non protégées avec des hommes réputés coureurs de jupons, ignorant complètement le risque d'être infectées? Dans ce domaine, les opinions divergent. Les hommes savent se montrer convaincants lorsqu'ils entreprennent ces démarches de séduction. Hommes et femmes sont fautifs dans ces types de relations.
La notoriété fascine les femmes. Il y en a qui sont prêtes à porter un enfant d'une vedette rien que pour l'honneur d'être vue comme telle. "Moi, je suis la fille de Youyou Mère Supérieure." Une référence de poids pour tous les mélomanes de Viva ou de la musique congolaise. Un jour, il m'est arrivé de rencontrer "MT La Vérité" chez les Kasongo à Clarens. "Oyo MT oyo Wemba  ayemba na Zaiko." 'C'est MT que Wemba a chanté dans Zaiko) Un autre jour, c'était Marie-Jeanne: "Yai mpangi na beto me butaka bana zole ti Tabu Ley." (MJ, c'est notre sœur qui a eu deux enfants avec Tabu Ley). Cette carte de visite fait classe, honneur. En règle générale, être "chanté" ou "être cité comme libanga" fait entrer l'individu honoré dans la cour des grands, dans l'histoire. Et ce prestige sans commune mesure s'apprécie immensément à tel point qu'on peut se couper en quatre pour y accéder. Les femmes en s'offrant généreusement, les hommes en payant des sommes faramineuses. Voilà une source des drames qui suivent la mort d'une vedette.
L'argent, c'est aussi synonyme de femmes. Les vedettes, c'est aussi, aux yeux des femmes, l'argent. "Tobandi na yo na ba pauvre, lelo osi okomi mobali ya bato" (Nous avons commencé avec toi dans la pauvreté, aujourd'hui tu es l'homme des autres". Passer dans la presse et les média montre qu'on est une personne en vue, donc une personne à succès. L'argent tombe et coule automatiquement à flots. Et souvent, c'est de l'illusion. Comment entretenir ces femmes et ces enfants? Et chaque enfant clame qu'il était aimé de son père, soigné et scolarisé par son père. Supposons que Wemba ait laissé 1 million de dollars dans son compte, combien recevrait chaque enfant si la loi autorisait que cet argent soit distribué équitablement? Une explication: nous avons une autre conception de la famille et de l'enfant en partie parce que le régime polygamique fait partie de notre patrimoine social et culturel. Je crois qu'en vivant dans la société moderne nous devons adapter nos us et coutumes.
Comme dans tous les domaines, que ce soit en politique, en religion ou dans le domaine de la vie familiale, nous prenons les conceptions modernes tout en gardant intacts les usages traditionnels dans la pratique. Le chef du village demeure intouchable, l'avis du sorcier est irréfutable, le chef de famille reste le "pater familias" vénéré et incontestablement impérial. Sans être féministe, j'avoue qu'on reste dans un cycle strictement patriarcal. Une mentalité ne se change pas en un tour de main.
 
 

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