2 mai 2016

La France va accroître ses effectifs militaires en Côte d'Ivoire 2

Dans ma réflexion d'hier, je m'interrogeais sur cette annonce en termes de colonialisme à rebours, de loi du plus fort, et de rapports de force inégaux. Aujourd'hui, comme pour illustrer  ces propos, RFI vient de publier sur Internet un article sur le regrettable bombardement de Bouake par les forces armées ivoiriennes en 2005, qui a coûté la vie à neuf soldats français et un Américain. L'article "Affaire Bouaké: Genèse d'une énigme franco-ivoirienne" révèle le contexte dans lequel ce bombardement s'est opéré.
1. Pressions politiques et diplomatiques. De la lecture de cet article découle l'idée que la France fonctionne dans la logique des intérêts occidentaux. Et au nom de ces intérêts, elle dirige et contrôle les dirigeants africains; elle s'allie, quand nécessité oblige, à ses partenaires de l'Ouest pour changer l'ordre du monde. La chute de Kadhafi est à attribuer à ce plan hégémonique. L'article expose des contacts téléphoniques entre Chirac et Gbagbo au sujet de l'action militaire que ce dernier voulait entreprendre pour récupérer le contrôle du nord de la Côte d'Ivoire tombé aux mains de rebelles. "Arrête... cette connerie" aurait dit Chirac à son interlocuteur africain. Quel mépris! Quelle condescendance! Un tel échange, s'il a vraiment eu lieu tel qu'il est rapporté, me semble bas, vil et irrespectueux. La présence de l'armée française, La Licorne, sur le territoire ivoirien permet aux Français de tenir un discours de pouvoir hégémonique ou impérialiste sur les dirigeants de ce pays. Maîtrisant la réalité du terrain mieux que l'armée locale, elle peut aisément tourner les cours des événements militaires dans le sens qui lui convient. La France dicte ses ordres à ses partenaires ou alliés, affirmant ainsi sa suprématie inconditionnelle. Et chaque mot est une menace prise très au sérieux par l'interlocuteur africain.  En retour elle attend une obséquiosité sans faille de ses partenaires africains. Hélas, c'est cela la coopération militaire, c'est-à-dire pressions politiques et diplomatiques.
2. Remise en cause de la souveraineté nationale. Hier, je posais la question de savoir si les pays africains sont vraiment indépendants. Ce qui nous est imposé comme logique et normal n'a pas de réciprocité. La logique du plus fort fonctionne à merveille. La France décide d'accroître ses effectifs militaires en Côte d'Ivoire, les Ivoiriens comme les autres Africains acceptent cela sans se poser des questions. Nos journalistes relaient la nouvelle comme un succès "militaire" et sécuritaire, sans se donner la peine d'expliquer à la population ce que nous perdons en termes de souveraineté. Non seulement le renfort militaire démontre l'incapacité des Africains de se défendre face au terrorisme, il lance un message clair de notre dépendance face aux puissances de ce monde. Nos états ne seront souverains que lorsqu'ils seront en mesure de décider librement de leur sort. Contrairement à ce que l'on croit ou laisse croire, la coopération sous toutes ses formes obéit à la volonté du plus fort. Et la coopération - diplomatique, économique, militaire, culturelle - bénéficie d'abord au partenaire fort qui, de facto, dicte sa loi. Ce genre de partenariat remet en cause la souveraineté nationale de nos pays. A se demander si nos dirigeants réagissent rationnellement à ces pièges à moins qu'ils soient des complices corrompus qui ne tiennent qu'à leur pouvoir. N'est-ce peut-être pas entre autres la raison de l'éviction de Laurent Gbagbo car sa responsabilité dans ce bombardement est sujet à insinuations?
3. Ces réflexions, que d'autres intellectuels mènent également, se prouvent ou s'illustrent dans la réalité. L'ambiguïté qu'entretient la Francophonie n'est pas isolée ni séparée de cette politique hégémonique. Sous la façade de la démocratie se dissimulent de fortes pressions, des pouvoirs de domination et d'hégémonie qui se balancent comme des épées de Damocles sur nos dirigeants. En renforçant sa présence militaire, la France étend une fois de plus sa main-mise ou sa main basse sur l'Afrique. Parlez-moi encore de pays africains indépendants, souverains ou démocratiques!

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