26 mai 2016

Lu pour vous: Drums on the Night Air de Veronica Cecil

En mars 2016, j'ai reçu de Mme Schmitt un exemplaire de Drums on the Night Air - A Woman's Flight from Africa's Heart of Darkness de Veronica Cecil, paru chez Constable and Robinson Ltd, London, en 2011. Auparavant, elle m'avait envoyé un exemplaire de Heart of Darkness de Joseph Conrad. Mais n'ayant pas lu le premier livre à temps, j'ai décidé d'inverser le temps en commençant par l'ouvrage le plus récent, comme je connais déjà Heart of Darkness depuis des années. Et même encore, le second livre me paraît de loin plus proche de moi que le premier. Ce sont des événements que j'ai vécus dans ma tendre jeunesse. J'ai subi l'inquiétude, l'angoisse et la terreur que répandaient les rébelles dans le pays.
1. Littérature de témoignage. Les deux ouvrages ont en commun la caractéristique historique. Ils rapportent des faits vécus, avec des noms de personnes et de lieux repérables, avec des références culturelles identifiables. Ce ne sont donc pas des fictions. Ils rendent compte d'une aventure de voyage et de séjour dans un pays non civilisé, voire primitif, qui est brutalement exposé à l'exploitation capitaliste européenne. Le premier révèle le Congo de Léopold II tandis que le second traite de la période immédiatement après l'indépendance qui est marquée par des rébellions et sécessions. Dans l'intervalle de moins d'un siècle, un jeune homme et une jeune femme se sont rendus dans cette jungle, relatent des événements qu'ils ont vécus dans des conditions similaires mais des contextes historiques différents.
2. Une femme blanche au pays des Noirs. Veronica a déjà un enfant Charles lorsqu'elle rejoint son mari David Cecil à Léopoldville où il est affecté comme comptable dans une société d'exploitation agricole. L'occasion est propice pour cette femme anglaise née en Inde qui a séjourné en Afrique du Sud au temps de l'apartheid. Femme singulière et attentive aux phénomènes sociaux, elle y vient avec un désir de contribuer à la construction de la République démocratique du Congo qu'elle décrit métaphoriquement comme "an emerging butterfly," un papillon émergeant de son cocon. Son court séjour à Léopoldville n'impressionne pas vu qu'elle est coincée dans un club uniquement fréquenté par des étrangers blancs. C'est plutôt à la plantation d'Elisabetha sur le fleuve Congo, en aval de Stanleyville, qu'elle trouve le lieu de ses rêves. Elle décrit avec un regard attentif la vie des expatriés cadres de la plantation; elle aborde les intrigues et les rumeurs avec une certaine critique; elle observe également les moeurs des autochtones tout en relevant les  différences insolites dans les rapports humains. Elle est particulièrement fasciné par Nicholas, son factotum, qu'elle apprécie et qui lui rend des services impayables. Très sensible à la question raciale, elle compare ses expériences des Indes, d'Afrique du Sud et d'Angleterre. La colonisation belge, remarque-t-elle, ne s'est occupée que d'exploiter les riches ressources du Congo sans se soucier du bien-être des indigènes. La voilà catapultée du côté des oppresseurs par la force de l'histoire.
3.  L'odyssée de la rébellion. Pendant tout le temps que Veronica passe à Elisabetha, elle se prépare à accoucher à la maternité tenue par des religieuses catholiques. La grossesse arrive à terme et l'enfant est attendu incessamment. Le Congo indépendant est miné par de cruelles rébellions et des sécessions au Kwilu, au Katanga et au Kivu. Mr. Fontaine, le patron de la plantation, rassure ses collaborateurs expatriés sur leur sécurité; il compte sur les Nations Unies et l'armée congolaise pour remettre de l'ordre dans les terrains incontrôlés. Mais les nouvelles qui tombent ne sont pas bonnes: ni l'armée ni l'ONU ne réussissent à empêcher l'avancée des rebelles sur des vastes territoires. C'est le chaos total. Massacres des étrangers, exécutions sommaires, pillages dévastateur, égorgements des victimes, viols massifs, tortures extrêmes, insécurité totale. La chute de Stanleyville provoque tout de suite une évacuation aéroportée d'envergure des expatriés de tous les coins du Congo vers Léopoldville. Une panique s'empare des étrangers Blancs colons et missionnaires contre lesquels s'érige une chasse criminelle. Fontaine décide de mettre en sécurité les femmes et les enfants. Alors que le comptable David est tenu de rester, Veronica enceinte et Charles figurent parmi les premiers à être évacués par vedette puis par avion. Des conditions très difficiles de voyage et dignes d'une odyssée. En dépit des grands risques forcés par la fuite, Veronica arrive finalement à Léopoldville et donne naissance à une jolie fillette nommée Jessica.
4. Au coeur des ténèbres. Dans la fuite précipitée, les cadres noirs de la compagnie, ghanaïens et congolais, sont abandonnés à eux-mêmes lorsque la décision est prise de quitter Elisabetha. Dieu seul sait quel sort les Simbas leur ont réservé. Quelle injustice! Pour Veronica, le retour à Londres via Teheran constitue un point de non retour: cette douloureuse expérience du Congo a laissé de sérieuses séquelles dans sa vie:
"On leaving the Congo, I entered my own heart of darkness. Nowadays it would probably be classified as "post-traumatic stress syndrome. I had become allergic to civilization" (274) (En quittant le Congo, je suis entré dans mon coeur des ténèbres. Aujourd'hui, cela pourrait être classé comme un "syndrome post-traumatique". J'étais devenue allergique à la civilisation."
Cette femme qui voulait participer à la construction de la Nouvelle Afrique en apportant sa pierre, a été déçue et désillusionnée par la réalité. Atypique, critique et éclairée, Veronica a vu s'effondre devant ses yeux toutes les valeurs auxquelles elle avait toujours cru. L'indicible, l'impensable, l'inhumain ont pris la place du coeur de l'homme.  

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