1 mai 2016

La France va accroître ses effectifs militaires en Côte d'Ivoire

Avant-hier, j'ai lu un article, avec photo à l'appui, sur la visite du ministre français de la défense en Côte d'Ivoire. Là il était question d'augmenter la présence militaire française dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Un événement pareil me surprend, me fait frémir et m'amène à entreprendre des réflexions sur la politique française en Afrique.
1. Colonialisme à rebours. Il y a plus de cinquante ans depuis que ce pays africain est indépendant, mais la présence militaire française y est aussi forte que par le passé. La seule différence est qu'au temps colonial n'existait que l'armée coloniale d'occupation et de maintien d'ordre. Aujourd'hui existe sous le couvert d'une coopération militaire une armée française opérante à côté de l'armée nationale. Cette situation prévaut dans les anciennes colonies françaises. Les forces armées françaises exercent une sorte de surveillance sur l'ancienne colonie, jouant à la fois aux pyromanes et aux pompiers. Elles sont présentes partout et parfois dans les recoins inaccessibles aux forces locales. Une ambiguïté est délibérément entretenue, souvent masquant maladroitement les méandres de la Françafrique.
2. La loi du plus fort. Est-il possible de s'interroger sur la pertinence de cette situation? Mongo Beti dénionçait les dictatures francophiles qui ont régné sur l'Afrique sous la protection avérée de l'ancienne puissance coloniale. On peut dire que le pouvoir en Afrique vient de l'ancienne puissance coloniale. Les événements du Burkina Faso ont montré combien la France influence la politique africaine à tous les niveaux. L'armée française a "exfiltré" le dictateur Blaise Compaoré pour l'amener en Côte d'Ivoire, le mettant ainsi à l'abri des dangers qui le guettaient s'il était tombé entre les mains de la population révoltée. La France a également montré sa force en Côte d'Ivoire lors de la passation  calamiteuse du pouvoir entre Gbagbo et Ouatara. En Centrafrique, le scénario n'est pas très différent quoique elle opère sous le couvert de l'ONU. La présence militaire française va de soi en Afrique alors qu'il est inconcevable qu'une armée africaine aille mener des opérations sur le territoire français. Mille fois inconcevable. Le rapport entre la France et ses alliés africains n'est ni mutuel ni réciproque: la nation la plus forte impose sa loi au plus faible; mais cela ne se déclare pas.
3. Rapports de force inégaux. Qu'un pays africain accepte sans réchigner ni se méfier que la France augmente ses effectifs militaires sur son territoire, fut-ce au nom de la lutte contre le terrorisme, mérite vraiment qu'on pousse la réflexion un peu plus loin. Lumumba, Sankara ont été tués pour avoir remis en cause l'hégémonie occidentale sur leurs pays. Nos autorités perçoivent-elles vraiment toute la portée d'une telle coopération? Sont-elles conscientes des conséquences néfastes qui peuvent découler de tels actes? Il est clair que pendant que les Français s'infiltrent dans les entrailles du pays africain, aucune concession n'est accordée à l'état partenaire sommé désormais d'obéir au doigt et à l'oeil de l'ancien maître colonial. Souvent, le dictateur francophile s'englue dans ces alliances aux contours très peu définis, obnubilé par les bénéfices ou les dividendes qu'il tire immédiatement de cet  accord. Il en va souvent de la vie politique des leaders africains, car les coups d'Etat se décident depuis Paris. Quand est-ce que l'Afrique deviendra vraiment indépendante? Quand pourra-t-elle se défendre toute seule sans l'apport paternaliste de l'Europe? A mon sens, il faudra qu'elle soit d'abord consciente de sa puissance pour clamer une quelconque autonomie militaire. Nous sommes encore à la merci des anciens colonisateurs. Pas si sûr que nous sortions tôt de cette soumission militaire.

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