Je voudrais dans ce deuxième volet de mon éloge à Nico livrer quelques éléments un peu plus personnels. Nico Berends était un missionnaire respecté et écouté dans la SVD. Il jouissait d'une réputation d'excellent curé, d'initiateur expérimenté de jeunes prêtres qui lui étaient confiés sans autres. Les aînés Charles Kapende et Innocent Mwela avaient bénéficié de sages conseils. Homme de principes, intègre et idoine dans l'exercice de son sacerdoce, il fut un modèle pour beaucoup de jeunes. A ce titre, il a été un soutien remarquable pour l'évêque M'Sanda qui a énormément compté sur lui. Longtemps, Nicolas Berends a été membre du conseil diocésain, consulté pour toutes les décisions importantes. Son option de s'incardiner au diocèse de Kenge était mal vue par certains amis, mais était la preuve de son attachement à la mission de Kenge, en contradiction ouverte avec les prises de position de la SVD.
Juste un exemple. En 1977, il avait demandé à l'abbé Denis Luhangu de quitter la paroisse St Hippolyte parce qu'il ne pouvait pas soutenir un prêtre dans sa dispute contre son évêque. Lorsque je le lui ai reproché en 1985, il m'a dit qu'il avait agi conformément à ses convictions de prêtre et curé-doyen. Mais lorsque je le revis en avril 1998 à Kinshasa-Debonhomme, il était en rébellion contre le même évêque qu'il avait longtemps publiquement soutenu. Nico a été un des rares à qui j'avais personnellement annoncé ma renonciation au sacerdoce et qui m'a compris, sans me condamner. Je rappelle ces deux faits pour souligner que Nicolas Berends est un homme, avec tout ce que cela comporte comme contradiction.
En 1987, lorsque je devais partir pour Fribourg, il m'a demandé de garder un projecteur de diapositives. Je le lui ai accordé sans hésitation car je savais qu'il en avait besoin plus que moi. J'avais beaucoup de conversations ouvertes avec lui sur n'importe quel sujet. Nous parlions souvent de l'évêque, des confrères, des missionnaires. Nous discutions théologie et vie. Lecteur assidu, il aimait critiquer le théologien Schillebeeckx, son compatriote. Très ordonné, très organisé, il était très régulier dans tous ses exercices spirituels et travaillait sans relâche.
Un soir de 1985, je lui ai demandé ce qui était le plus difficile pour lui au cours de sa vie sacerdotale. Il m'a répondu: "Composer une homélie". J'étais stupéfait, ahuri. Comment cela se pouvait-il pour un prêtre qui célébrait ses trente ans de sacerdoce? Un prêtre dont les sermons étaient très bien articulés, profonds et édifiants. Comment pouvait-il prétendre que préparer un sermon était difficile? C'est alors qu'il m'expliqua pourquoi il les mettait toujours par écrit, et suivait strictement ses notes. La difficulté pour lui consistait à trouver quelque chose d'instructif en dehors du schéma habituel du déjà connu et mille fois répété. Il me montra à cette occasion quelques cahiers où il écrivait ses homélies. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, Nicolas n'était jamais satisfait jusqu'à ce qu'il eut livré son prêche. C'est côté jardin. Que dis-je côté cour.
S'il est des qualités que j'ai pu admirer chez l'abbé Nico Berends, c'était la piété, la simplicité, la modestie, l'humilité et le respect des autres. Qui aurait cru que le grand compositeur était un homme si retiré? Qui aurait cru que ce missionnaire qui a fondé le séminaire dans lequel j'étais formé, possédait un côté humain à désarmer les soldats les plus féroces? Quelle intelligence! Quel sens d'humanité! Sa présence m'a aidé à surmonter certaines difficultés que j'ai rencontrées à l'évêché. Nous avons aussi eu des désaccords sur tel ou tel points, mais dans le strict respect mutuel. Une fois, je me suis fâché contre lui. C'était le mercredi saint de 1987. Il s'était plaint que je l'avais laissé seul préparer les fêtes pascales alors que j'étais allé, sur sa demande faite en sa capacité de doyen, animer une récollection à Kenge II. Là alors, je ne me suis pas retenu. On a réglé la situation, nous sommes restés bons amis.
Lorsque je suis retourné de Fribourg en 1992, au cours d'une messe à Anuarite, il m'a fait un éloge très fraternel qui m'a touché. Il a attiré l'attention des fidèles en mentionnant que ma signature se trouvait dans les registres des premiers baptêmes et mariages célébrés à Anuarite, du temps de Saints Pierre et Paul. Je me souviendrai toujours de sa formule: "Mono kele mukobo ya Nzambi" pour traduire la chasteté religieuse. J'ai toujours aimé l'originalité chez Nicolas, quoique certaines personnes ne partagent ce point de vue. "Tche", disait-il pour protester contre quelque chose.
Le moment n'est peut-être pas approprié pour rapporter ces histoires, mais ce sont les souvenirs que je garde de Nicolas Berends, le seul curé dont j'ai été le vicaire dominical pendant mon apostolat à Kenge. Et je ne le ferai jamais si je ne le fais aujourd'hui. Chapeau Nico et merci. Un prêtre exemplaire. Un missionnaire dans l'âme! Un apôtre des jeunes et un monument de la mission. Ses chants liturgiques traduits dans plusieurs langues resteront à jamais gravés dans la mémoire artistique universelle.
Adieu Nicolas! "E Nzambi Ungolo, Nzambi Ungolo, Nzambi Ungolo Ugangidi"
Je m'unis volontiers à la prière de ta famille biologique et spirituelle pour que le Seigneur t'accueille dans son royaume céleste. Requiescas in pace!
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