18 mars 2017

Il faut savoir partir

Il y a quelques années, un collègue allait à la retraite, mais cela lui a pris une éternité pour rendre la clé de son bureau. Alors qu'il s'attardait à le vider, il prenait toujours le soin de laisser du matériel pour qu'il y revienne. N'importe quel prétexte était usé pour qu'il ne cède pas le bureau d'autant plus que son successeur n'était pas encore engagé. Tandis qu'avec un autre collègue parti à la retraite une année plus tard, c'était le contraire. Il avait vidé son bureau bien avant le délai qui lui était fixé. Tout est dans le caractère, le premier s'accrochait à son boulot tandis que le second avait hâte d'en finir avec ses corvées d'enseignement ou de recherche. Deux hommes, deux comportements. L'université est régie par des règles transparentes qui ne prêtent à aucune confusion, de sorte qu'elle fonctionne selon un schéma administratif strict et contraignant.
Cela n'arrive pas qu'aux politiciens, aux administrateurs de sociétés ou autres responsables, c'est à toutes les personnes. Céder son poste qui vous apporte pouvoir et puissance, honneurs et privilèges, influences et richesses en espèces sonnantes et trébuchantes, n'est pas facile. S'en séparer est plus qu'un calvaire, une épreuve à passer par le chas d'une aiguille. D'où tous les théâtres dont nous sommes témoins en Afrique auprès de nos dirigeants politiques. On s'arme lourdement, on durcit férocement sa sécurité prétorienne, on se cabre dans son fauteuil, on terrorise ou arrête ses opposants et on règne par défi. Comment redevenir un simple citoyen après tant d'années de gloire où l'on a soumis ses compatriotes à l'esclavage et à l'exploitation, où l'on s'est fait adorer comme un dieu dans un sanctuaire sacré? Tout le monde n'est pas Rawlings. Mugabe se croit à 92 ans passés indispensable comme si aucun autre Zimbabwéen n'est digne de diriger le pays. En fait, c'est une obsession aveugle. Exactement, semble-t-il, comme le Vieux Houphouët Boiny se réveillait en sursaut devant le spectre d'une succession imprévue. Partir pour ces leaders n'est jamais aisé à moins qu'ils instituent des successions familiales non royales telles que mutatis mutandi au Togo, au Gabon, en Syrie, en Corée du Nord, au Kenya quoique ce ne soit pas direct ni prévu. Sans dramatiser, ce comportement est simplement humain.
Un missionnaire muté et sommé de quitter sa paroisse après vingt ans de loyaux services pastoraux n'a pas hésité à inciter ses ouailles à pleurer et à protester contre la décision de la hiérarchie: "Beno dila, beno sonika mikanda... kana mono katuka awa beno ta mona diaka nkisi ve, bilele ya caritas ta kwisa diaka ve, mbongo ya kutungila kalasi ti lupitalu ta monana diaka ve." (Pleurez, écrivez des lettres de protestation. Car si je pars d'ici, vous ne recevrez plus de médicaments, ni des habits de caritas, et même l'argent pour construire les classes et l'hôpital n'arrivera plus.)
Moralité: il faut savoir quitter car nul n'est irremplaçable. Le contraire est une erreur grave et regrettable.


  

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