2 juil. 2017

Dimanche 4 juin 2017 à Kenge

Kenge, 4 juin 2017. Il est 8h35 lorsque j'entre à l'église Notre-Dame pour la messe de 8h30. Arrivé la veille dans les enceintes de la Procure de Kenge qui fut jadis ma demeure, je n'ai pas vraiment eu le temps de m'accommoder à cet espace vieilli et modernisé. Vieilli à cause de la vétusté des bâtiments dont la couche de peinture s'édulcore à vue d'oeil. Modernisé à cause des nouvelles constructions qui émergent du sable caractéristique de Kenge. Je suis toutefois ému par le changement superficiel des décors qui me furent jadis familiers. Le parcours de mon logement au parvis de l'église ND est plein de souvenirs à la fois bons, mauvais, clairs, vagues, joyeux, tristes, brillants, regrettables. En apercevant sur ma gauche le podium où je fus ordonné diacre le 15 août 82 et prêtre le 7 août 83, je pense pieusement à l'évêque, à mes amis décédés et vivants pour lesquels ce jour fut un couronnement sans précédent. Le temps presse car la procession d'entrée tend déjà vers la fin. Très vite, je me trouve une place sur l'aile droite de l'église, non loin de l'autel. Je reconnais des visages mais pas de noms. Mais l'émotion est trop forte pour que je m'attarde à des détails. L'heure grave et solennelle appelle au silence, à la méditation et à l'introspection, malgré les chants exécutés par une chorale aux voix angéliques bien entraînées. L'heure est au souvenir quoique la messe qui se tient en ce lieu soit actuelle, festive et envoûtante.
Je retrouve l'église dans laquelle j'exerçai mon diaconat; et surtout dans laquelle je célébrai ma toute première messe le 8 août 83. L'église ND est demeurée essentiellement identique à ce qu'elle fut autrefois. J'observe. Je prie. Je me situe dans mon environnement, regardant à gauche à droite. A l'autel, il y a comme célébrant l'abbé Romain Lukosi, et les abbés Marc Lukanzu, Albert Munkaba, Jean-Chrysostome Akenda, curé Floribert Kiala comme concélébrants. Je retrouve l'ambiance des célébrations au rite congolais d'antan traversant d'un coup de flèche le temps. Soit trente ans depuis que j'ai quitté officiellement Kenge pour Fribourg. Je retrouve les lumières, les odeurs, l'humidité et la sécheresse d'un lieu familier. Je considère les tôles, les murs, la charpente métallique jadis posée par le Frère Pirmin Haag SVD. J'admire la solidité du travail et la piété des lieux. Tout est demeuré simple, mais propice à la prière et à la dévotion. Je revêts en quelque sorte ma toge de prêtre. Comme pour le prouver, le Gloria exécuté est exactement le même que celui de ma dernière concélébration avec Mgr Dieudonné M'Sanda et Nicolas Berends à la paroisse Ste Anuarité en juillet 1992. "Nkembo ku bavelela alleluia " a fait mes délices. Une personne qui m'observait attentivement mais d'assez loin aurait remarqué une sorte de contentement nostalgique sur mon visage à ce moment de la messe. L'homélie de l'abbé Romain a duré pas moins de cinquante minutes, mais quelle éloquence, quelle maîtrise du sujet et surtout quel sens d'intéraction avec les fidèles. Proficiat Romain.
En ce dimanche de la Pentecote, la prière universelle est dite dans plusieurs langues. Kipelende, kiyaka, kisuku, kiboma, kiyansi sont au menu des langues pneumatiques. J'admire l'originalité et la pertinence de l'intitiative. 
Chaque moment de cette messe forme un souvenir lointain et présent dans mon coeur. Malheureusement, mon appareil ne fonctionne pas convenablement. Je ne réussis qu'à tirer quelques photos. Je me contente d'enregistrer un chant vers la fin. A la sortie, je décide de m'éclipser de peur d'être envahi par les gens qui me reconnaitraient; mais peine perdue je suis arrêté en chemin par des soeurs salésiennes. Le temps d'échanger un peu, je réussis à me libérer du carcan. Je me retrouve vite au bâtiment de la Procure où m'attend Liévin M'Banga et me rejoignent les abbés Munkaba et Akenda. Malgré cela, je reconnais par leurs noms du monde qui ne me reconnait pas. Le titre d'abbé Mabana refait surface, tout ce monde s'empresse d'exprimer dépit, respect, regret, admiration, étonnement... chacun selon son tempérament. Les retrouvailles sont chaleureuses, franches. 
Je profite d'un moment pour entrer en contact avec les Barbadiens car il est presque 8 heures à St James. Par la magie de nouvelles communications, je laisse Mama Mapasa parler en live avec Chantal Kidiata-Maseyi, "muntu ya kunatinaka beto makambu", et qui avait complètement oublié que c'est par elle que je fis la connaissance de Clavère à Bandundu en 78. Le monde est vraiment petit et les bons esprits finissent par se rencontrer. Bref, toute ma vie est remontée à la surface en ce jour qui se révèle être à mes yeux - sans négliger les autres événéments et rencontres - le jour le plus significatif de mon séjour à Kenge.

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