On découvre régulièrement des fosses communes en RDC. Hier, c'était à Kinshasa, avant-hier à Beni; aujourd'hui dans le Kasaï. Plusieurs questions me viennent à l'esprit. Qui sont ces tués ou ces morts? Dans quelles circonstances sont-ils morts massivement pour qu'ils soient ensevelis dans des fosses communes? Par qui ont-ils été tués? Pourquoi sont-ils morts? Pendant ce même temps, deux expatriés qui ont osé y mener des enquêtes ont été éliminés dans des conditions non élucidées. Le gouvernement congolais s'en prend aux rebelles de Kamwina Nsapu, alors que ceux-ci accusent l'armée nationale de commettre des crimes. Où est la vérité? Quelles sont les revendications de ces Kasaïens pour qu'ils s'en prennent aussi bien à l'armée régulière qu'à des experts étrangers? Pourquoi cette région devient tout à coup un centre d'intérêt et de révolte alors qu'on n'entendait parler de troubles que du côté du Kivu? Saura-t-on jamais la vérité? Je m'en doute parce que les événements sont trop politisés, donc obscurcis, pour qu'ils soient tirés au clair.
Vraies ou fausses, toutes ces découvertes de fosses communes montrent une chose évidente: "trop de sang coule dans notre pays". Il y en a tellement trop que ni le gouvernement ni l'opposition ni les rebelles ne savent en rendre compte. Ces tués par balles sont mis dans des fausses communes afin de dissimuler les forfaits des tortionnaires bénéficiaires de ces massacres. La fin est clairement politique. Dans les réseaux sociaux, on apprend que ces massacres sont dus à la résistance des populations locales face à des multinationales qui auraient reçu l'autorisation d'exploiter des ressources naturelles ou minérales de cette région, et de ce fait, de déplacer la population locale. Leur résistance justifierait l'usage de la force meurtrière. Il y aurait tellement d'intérêts économiques que seule l'annihilation de la population permettrait à ces capitalistes sans coeur et leurs parains locaux d'exploiter librement ces richesses. Des villages entiers seraient rasés, brûlés et cruellement vidés de leurs habitants. Où est la vérité? J'ai appris à ne plus m'étonner de rien. La violence fait partie de notre quotidien.
Vraies ou fausses, ces découvertes montrent l'incapacité de nos autorités d'assurer la paix et la protection de la population sur toute l'étendue de la république. Il existe partout des poches de tueries. A l'intérieur, des vastes espaces sont sans sécurité. Ce n'est pas nouveau. J'ai déjà été victime d'une attaque sur les plateaux de la rivière Kwango. C'était le 29 juin 92; on était avec le Fr Simon Van Steen SVD et le chauffeur Zoro Musitu à bord d'une jeep Land Rover. Là c'était des bandits en uniformes militaires. Imaginez la scène lorsqu'il s'agit d'une bande de soldats armés, ivres et drogués, et ce qu'ils peuvent causer comme dégâts humains et matériels sur une population livrée à elle même. Nous avons le devoir, en dénonçant le mal à la racine, d'aider les autorités à garantir la paix à tous les citoyens. C'est leur légitime responsabilité.
"Trop de sang coule dans notre pays." C'est indiscutable, évident. Qu'on découvre des sépultures communes dans un pays où les morts "étaient" sacrés, ne peut que laisser perplexe. En fait, il y a plus de morts, donc des sépultures, qu'on nous cache, et dont l'existence n'est connue que lorsque la presse internationale en parle. Il est émouvant de constater que la population n'est pas du tout protégée, qu'elle est exposée aux attaques d'ennemis sans que l'armée régulière, au cas où elle n'en serait pas commanditaire ni complice, fasse quoi que ce soit pour la défendre. Il n'est malheureusement pas permis de réfléchir sur de telles tragédies, surtout pas à haute voix; il faudrait seulement regarder sans parler.
Messieurs de l'armée, messieurs les rebelles, arrêtez ces massacres d'innocents! Stoppez ce bain de sang!
Messieurs de l'armée, messieurs les rebelles, arrêtez ces massacres d'innocents! Stoppez ce bain de sang!
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