Les matanga au Congo sont l'occasion de rencontre entre vieux copains, entre membres de famille qui ne se voient guère ailleurs ou autrement, et entre des inconnus qui arrivent à s'approcher. On peut spéculer dans tous les sens. Pour un littéraire, c'est le lieu par excellence de percevoir le non-dit des discours, de juger les individus présents et de créer des scénarios inédits. Car comme disait Jean Roudaut, une rencontre de personnes permet à un écrivain de dévoiler des interférences relationnelles et psychiques insoupçonnées.
Dans la foule, il y avait des représentants politiques. Je cite M. François Lukanzu, un aîné que j'ai connu à Kalonda alors qu'il finissait à Kinzambi et que moi je commençais le petit séminaire. J'ai connu Papa Lukanzu; l'abbé Marc est un cadet que j'apprécie, tout comme le colonnel. Il représentait le gouverneur Kimbuta empêché. Il a retissé par cette présence les liens indéfectibles qui me liaient à Louise, Ya José, et surtout à mon ami Lazarre. La présence de M. Lukanzu à la veillée comme à la messe a été très discrète. Chapeau! Merci Mbuta.
Etait aussi présent à la veillée le frère d'un autre politicien, lui absent du pays. Il s'est empressé de me recommander de rencontrer l'illustre en Europe sur ma route vers chez moi. Je n'ai pas osé lui avouer que je n'ai jamais vu le monsieur depuis qu'il est entré en politique; et que je ne voyais pas pourquoi je devrais le rencontrer maintenant.
Il y avait également trois maîtres, un conseiller judiciaire et un OPJ. Des avocats du barreau de Kinshasa. Ces gens-là, lorsque vous les croisez, parlent toujours d'un procès en cours ou dont ils ont la charge. Une sorte de pédantisme inaliénable. Mais cette fois, c'était différent. J'ai surpris le premier - Paulin Kiosi, le frère de Séraphin - lorsque j'ai vivement admiré l'auteur d'une escroquerie dont a été victime un avocat de rénommée internationale. Le second, Rigobert Nzundu, est un cousin germain, ancien condisciple d'écoles primaire et secondaire. Il est demeuré très discret, réservé et courtois.
Le troisième, je préfère taire son nom, était la catastrophe même. Trop bavard, vantard, bâtisseur d'une maison à trois niveaux Dieu seul sait au prix de quelles combines - car la situation d'un avocat dépend de sa clientèle - ce volubile parleur m'a intrigué au plus haut point. En deux minutes, on savait tout de lui. N'éprouvant aucun égard pour les abbés qui étaient à côté de moi, il tenait à attirer l'attention sur lui et sur sa réussite dans les affaires. Je n'ai perçu aucune sympathie dans ses propos ni dans ses attitudes, Dieu me pardonne. Il était là du moins, pouvait-il en être autrement? N'a-t-il pas jeune bénéficié de la générosité de ma mère? Curieusement, il demandait à tout le monde de lui offrir une bière comme le dernier des mendiants. Sans se gêner, il est allé jusqu'à ramener l'abbé Ghislain et Grégoire Munongo au kiosk pour se faire offrir à boire. Ce à quoi j'ai réagi, assez rudement. Lui-même n'a dépensé aucun sou. Il n'a versé aucune contribution au deuil; du moins je n'ai rien vu sur les listes officieuse et officielle. Quel personnage sinistre et quelle piètre figure! Adrienne m'a dit qu'il n'est pas normal. Maman, pardonne-moi!
J'y reviendrai.
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