6 sept. 2012

Un don que j'ai reçu de ma mère

La vie certes, mais bien plus les valeurs humaines. Maman était une femme sage et intelligente; elle avait surtout une mémoire impressionnante. Elle retenait des choses dont personne ne se souvient. Dans une certaine mesure, tous ses enfants en ont hérité. Moi aussi.
Maman savait identifier les gens, situer les événements avec une précision presque parfaite. Elle maîtrisait les ramifications familiales mieux que quiconque dans son entourage. Elle retraçait les histoires des clans et des gens comme un véritable conteur ou griot d'Afrique occidentale. Ne lui manquait que le korah ou le djembe. Papa fut le premier à s'émerveiller de ce don.
Cette mémoire des choses, des événements et des dates qui fait ma fierté auprès de mes amis et collègues, j'affirme l'avoir recue de ma mère. Cette mémoire a fait de moi un bon élève en langues: latin, grec, anglais, hébreu, allemand, italien, français. Quoi que l'on dise ou pense, le don littéraire dont jouissent les miens est en grande partie lié à notre ascendance maternelle.
Je me souviens aisément des phrases, des mots, des noms, des blagues, des événements oubliés de la plupart de mon entourage immédiat. Je peux reproduire presque mot à mot une interview de quelqu'un. Ce que j'ai fait avec Césaire. Séraphin ne se souvient pas que je l'ai rencontré pour la première fois le 2 septembre 1969 à Kalonda. Certains souvenirs sont devenus vagues, mais encore consistants dans ma tête. Je me souviens du visage de mon grand-père Mangombo mort pourtant alors que je n'avais pas encore trois ans. Ma mémoire remonte au temps où nous n'étions qu'à deux: Béa et moi. Je me souviens des naissances de Rigo, Pascaline et Anne Louise. Je me souviens d'une homélie en kisuku du Père Everard faite en août 1970 à Mutoni. Je me souviens de la première phrase que j'ai entendue sortir de la bouche de l'abbé Dieudonné M'Sanda. Voire du passage d'Albert Delvaux à Kimbau en 1967. A l'enterrement de ma mère, j'ai rappelé au Dr Frank Mayengo une chanson qu'il avait créée de toutes pièces contre son ami Ignace Mbanza en juillet 1967 alors qu'il jouait au football dans la concession familiale de la rue Inongo à Kenge avec Philémon Kayolo, Théophile Mbemba. J'avais fait leur gardien.
Je peux imiter les pas de danse de  Jean-Marie Matutu... lorsqu'il veut animer une soirée. J'ai remarqué un raffinement des gestes entre Mayidi, Rome et Grey Doiceau. Je suis sensible à quelques subtilités inaperçues des communs des mortels. Tout cela, je le dois certes à Dieu, mais par l'entremise de ma mère biologique.
Maman était une personne de paix; je ne suis pas sûr d'être un pacifique. J'ai tendance à imposer mes idées plutôt qu'à écouter et accepter celles des miens et des collègues. Elle était conciliante; je sais négocier quelques situations difficiles mais je suis un peu trop intransigeant dans mes jugements pour être juste et droit envers tous.
Elle se maîtrisait; je suis plutôt impulsif, brutal, primaire, colérique. Le fils de mon père quoi! C'est assurément cet écart et cette synthèse qui font mon identité. Mère, merci d'avoir cultivé en moi l'amour des autres depuis ma tendre enfance! Sa mémoire était plus forte que la mienne; elle savait plus de choses que moi malgré mes connaissances livresques.
 

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