C'est comme cela que j'ai pris cette nouvelle, lorsqu'elle m'a été annoncée. Comme une défaite personnelle après tous les moyens que nous avons mis en oeuvre pour l'aider à vivre et à se soigner décemment. Lorsque nous l'avons quittée le 29 juillet 2012, elle était en pleine forme. Rien ne laissait présager une fin si proche. Je n'y ai pas cru. C'est cela que j'ai appelé ma tragédie. Quelle tragédie? Familles, collègues et ami(e)s se sont empressés de me consoler, chacun insistant sur l'un ou l'autre aspects de la vie, sur l'une ou l'autre qualités de maman. Tout cela fait partie d'un processus de deuil, voire d'une liturgie de guérison intérieure. Le processus peut être long, infiniment long.
Pour certains, l'heure a largement sonné: elle a vu ses grands-enfants venus de la lointaine Barbade, il était temps qu'elle parte, ayant accompli sa mission. Pour d'autres, nous nous sommes allés par les apparences trompeuses d'une santé précaire, sans nous apercevoir qu'elle était rongée par la maladie. Bref, chacun y est allé de son commentaire. Je n'ai rien su dire à ma soeur Béa lorsqu'elle m'a demandé: "De quoi est décédée Maman?" Peut-être ce restera l'énigme de sa vie.
Est-ce le moment de se dire qu'on traverse une tragédie? Je ne crois pas. C'est le moment de célébrer la vie. Mes enfants jumeaux me le rappellent tous les jours: "Koko has died for life" ou "Koko est morte pour la vie". C'est sans aucun doute une formule apprise à l'école catholique, mais qui a un sens profond, surtout venant des enfants, les portes-paroles des ancêtres morts et de Dieu.
Morte de corps, ma mère est encore là en âme, en esprit. Je la revois sur les videos que je lui ai faites et que je garde précieusement.
Aujourd'hui, plus que jamais, je la sens plus proche et j'apprécie la vie qu'elle m'a transmise avec une acuïté indescriptible. Je suis plus que jamais solidaire des mes frères et soeurs au sens le plus large, car elle s'est révélée être la mère et la grand-mère d'une grande congrégation humaine. Elle a su briser les barrières de la haine, de la division et de la rancoeur entre ses enfants biologiques et spirituels.
La mort d'une mère ne peut être vécue comme une tragédie que par manque de foi et d'amour. Elle nous ouvre grande la porte de l'amour sans retour, de la fraternité sans égoïsme et de la paix entre hommes et femmes de notre monde immédiat.
J'en suis encore à me demander pourquoi elle ne m'a rien dit, pourquoi elle ne m'a pas révélé le sens profond des gestes qu'elle a posés lors de notre dernière rencontre à Masina, à Mbudi. Je n'ai pas eu le temps de lui dire au revoir; c'est pourquoi elle m'a si vite rappelé à Kinshasa peut-être. Wenda mboti mama!
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