Les communications ont connu un développement spectaculaire les trente dernières années. Pendant tout le temps que j'ai passé à Rome de septembre 79 à août 82, je n'avais appelé le Congo qui s'appelait Zaïre à l'époque qu'une seule fois. C'était pour régler une affaire urgente avec le Frère Simon Van Steen, procureur de Kenge. Impensable de parler d'une communication avec l'intérieur du pays. On voyait déjà les Motorolla chez les agents de la sécurité. Nous le petit peuple, on écrivait des lettres; on envoyait des cassettes qu'on enregistrait. En cas d'urgence, on écrivait un télégramme. Le téléphone fixe est longtemps resté l'apanage d'une certaine classe sociale.
A mon retour en Suisse en 87, les choses ont changé légèrement. Il était possible d'appeler le Congo, mais il fallait une patience incroyable pour obtenir la ligne. Appeler le Congo était un cauchemar, hasardeux. On pouvait passer une journée sans réussir à le faire. Quelque fois, on pouvait obtenir la ligne dès la première tentative. Avec l'arrivée des fameuses radios-amateurs, ou des stations mobiles, s'est opérée une amélioration.
Que des fois j'ai reçu un appel depuis la Belgique: "Mr Mabana, un tel voudrait vous parler? Acceptez-vous de payer la facture de la communication?" Ainsi, j'ai pu parler avec mon père à Kenge par ce moyen. Là encore, il fallait compter avec l'assistance de Nkeyi qui travaillait au service de la phonie de la Sous-Région du Kwango. Cela a fonctionné jusqu'à la vulgarisation des cellulaires.
Un cellulaire était précieux, onéreux il y a quelques années. Mon premier GSM ou Handy m'a coûté les yeux de la tête. Djoma m'avait appelé alors que je me baignais au lac de Zürich, je ne l'oublierai jamais. C'était en août 1998. Comme le temps passe vite.
Aujoud'hui, on n'écrit plus de lettres, mais des emails, des SMS, des texto. La poste reste pour les documents officiels et les factures de courant, eau, téléphone, etc. On n'envoie plus l'argent par porteur. Western Union, Moneygram et d'autres agences distribuent l'argent dans les cinq minutes à tous les coins du monde. Il suffit de décider d'appeler n'importe quel coin du monde, on a la ligne pourvu qu'on ait un cellulaire. Tout cela à un prix abordable. Le monde a totalement changé.
Au deuil de ma mère, des gens sont venus du fin fond des forêts de Tsay, Mbakadi, des villages de Mutoni, Kimwela, Kimbau, Kinzau, des cités de Kenge, etc., voire de la Barbade et d'Angleterre grâce à la magie de la communication phonique, grâce aux emails. Des amis ont été informés aux US, en Belgique, en Angola, en Irlande, en Angleterre, en France, Suisse, Allemagne, Inde et certains ont apporté une contribution financière consistante à ce deuil grâce à la nouvelle technologie qui règne dans le monde. Certains ont simplement recouru à Facebook, à Skype, Callserve, MSN Messenger, pour participer à ce deuil.
Facebook, Twitter, Skype, constituent une véritable fenêtre sur le monde. Cela a aussi un prix. Adieu à la vie privée, au secret. Tout le monde peut lire tout. Une culture sans secret ni intimité est cultivée désormais avec ces nouvelles technologies. Imaginez l'énormité des banques de données dont disposent Facebook, Yahoo, Google, Hotmail et d'autres moteurs de service ou de recherche, sur les individus. Quelles pistes pour les services d'investigations de tous genres! Quelle aubaine pour les affaires honnêtes et sombres! On n'a plus qu'à lancer le nom de quelqu'un sur Google pour le découvrir.
Cette culture n'obéit plus qu'au rythme de la vitesse et du résultat vite obtenu. La patience est éradiquée. Le texte de mon blog est traduit en chinois ou en kurde au moment même où je l'écris. Si vous en doutez, ouvrez illico Blogger Translator ou Uebersetzer. Dans quelques années, le métier d'enseignant debout va disparaître des écoles à tous les niveaux. Oracle, Moodle et d'autres moteurs créeront des smartboards, des classes virtuelles à distance pour éliminer le professeur. Tout est désormais précédé de e-: e-mail, e-book, e-booking, e-bible, e-learning, e-publishing. Les e-journals ou e-revues abondent, remettant en cause la notion d'auteur et de droits d'auteur. Les foires aux jobs sont disponibles moyennant paiement pour y avoir accès ou souscrire à un abonnement. Vous pouvez payer vos factures sans vous déplacer de votre maison. Vous pouvez tout télécharger, écouter la musique sans devoir acheter un CD ou un DVD. C'est l'e-communication.
Vous voulez vivre à l'heure de l'Internet, ajoutez donc des e- partout. Le vocabulaire français a également changé: cyber-café, internet-network, e-reading, cours en ligne, telebanking, téléchargement, travail en ligne.
A quand votre e-repas? Attendez voir!
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