La leçon qu'on doit tirer de ce qui se passe au Burkina Faso, est que l'armée possède toujours son mot à dire dans la marche du pays. On rétorquera que le RSP n'est pas l'armée nationale, mais c'était le corps le mieux équipé, le mieux entraîné et le mieux payé sous Compaoré. Il était question de le supprimer, mais le retard mis à le faire leur a permis de revenir aux affaires. Un tel corps d'armée ne reste pas longtemps sans réchigner, cela se sait. Il va sans dire que les présidents africains savent soigner leurs gardes prétoriennes.
Pendant que les médiateurs tentent de ressusciter la transition qui aboutirait aux élections d'octobre, des questions se posent sur l'après-putsch. Pendant que la communauté internationale exprime son refus de cautionner ce coup d'état, on s'interroge sur la liberté de mouvement des anciens dignitaires de la transition, sur le sort de Zida, et d'autres. Le général Diendéré gardera-t-il le pouvoir ou assurera-t-il la transition lui-même? En réfléchissant, j'en suis arrivé à une pensée insoutenable: et si Blaise Compaoré revenait au pouvoir, imposé par son RSP? C'est la force qui décide dans nos pays. L'armée est de nouveau, elle pourrait bien imposer sa loi.
Négociations? J'ai déjà assez vécu pour voir comment les dictateurs ont agi dans différents pays d'Afrique. Les généraux Eyadema et Bongo savaient finement se plier aux négociations tout en posant leurs pièges. Le soldat sort son arme dès qu'il est à court d'arguments. C'est la loi de la jungle, et non le jeu démocratique, qui définit l'issue des négociations souvent entachées de corruption et de subornation. Comme je l'ai toujours soutenu, celui qui possède l'armée possède le pouvoir. Le reste n'est que blablabla. Cette recette a toujours fonctionné et fonctionnera toujours. C'est cela hélas le visage caricatural que l'Afrique, à travers l'histoire post-indépendante, livre de sa démocratie.
Pessimiste? Non réaliste. Le processus démocratique est un exercice très risqué en Afrique: il verse le sang des innocents. Cela s'est vu, cela se voit, cela se verra encore. Je répète: Démocratie, pas pour nous! Donnez-moi la preuve du contraire s'il vous plait sinon revenez dans un siècle. Et même encore? Des nébuleuses couvrent cette notion chez nous: le pouvoir en place ne cède jamais sans poser des obstacles ou des astuces pour tirer les ficelles.
Le Burkina Faso possède l'art de la "rectification." Lorsque Thomas Sankara a été éliminé, on a sorti des fonds du dictionnaire français le mot "rectification" pour justifier sa mort. En d'autres termes, la révolution forgée par ce héros continuerait, sans lui, mais rectifiée par son successeur qui aurait une meilleure vision de cette même révolution. C'est la rhétorique qui avait été défendue en son temps. Aujourd'hui, deux décennies et demi plus tard, Diendéré, l'ancien bras droit de Compaoré, vient encore "rectifier" la transition acquise par la force populaire. Réussira-t-il? Les jours qui viennent nous le montreront.
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