21 avr. 2017

La prononciation des noms étrangers

Schleiermacher, Bjornsönseng, Thaikotathill, Padathuruty, Petr, Takota, Frederick, Bloomington, sont réputés être plus faciles à lire et  à prononcer qu'Ayodele, Omolafu, Tanganika, Hussein, Cibanda, etc. Le problème réside simplement dans leur exotisme, quoique l'attitude affichée varie selon le type d'étranger dont il est question. Les Allemands, Suédois, Indiens, Japonais, Anglais, ont, selon une tradition consacrée, des noms plus acceptables, plus faciles à prononcer que les Nigérians, Tanzaniens, Arabes ou Congolais. Race, puissance économique, religion constituent les sous-bassements de cette situation. En son temps JM Le Pen n'osait même pas prononcer le nom d'un secrétaire d'état français d'origine ivoirienne. Il y a là-dedans un relent de racisme, du dédain, de la condescendance et de la discrimination. Une marginalisation automatique intervient dès qu'un nom sort du sentier tracé par les maîtres penseurs du monde. Stéréotypes et clichés oeuvrent à diviser les hommes en des camps entre développés - ayant-droit à la parole - et pauvres - hères dépourvu de droits et de légitimité identitaire. D'où la mission civilisatrice de coloniser les sauvages et leur imposer des noms "chrétiens ou européen" pour leur accorder un semblant statut d'humanité. Telle est, on ne le dit jamais, la leçon de l'histoire. Le vaincu adopte de force la langue et les habitudes culturelles de son vainqueur. 
Le nom vous marginalise ou vous intègre à un système. Mme Wurzelpfenig, d'origine africaine, s'est vu refuser un job dont le profil exigeait la citoyenneté allemande: "Ich bin doch eine Deutsche" a-t-elle répliqué. "Ja aber wir brauchen keine Pass-Deutsche wie Sie." (sic). Pourtant, au téléphone, il était entendu qu'elle obtiendrait ce job. La couleur de la peau en a décidé autrement. Vous demeurerez toujours un naturalisé de deuxième catégorie tant que votre peau n'est pas blanche ni blanchie.
J'aurais plus de prestige à me faire appeler Mabanowsky plutôt que Mabana ou Mabanga. Mabangowsky sonne russe, polonais comme Kandinsky ou Mairaskov. Passable parce qu'européen, mais de l'Est. Pourquoi pas? C'est des voisins. Voilà pourquoi Tshamala naturalisé s'appelle maintenant Pierre Bonaventure, d'origine antillaise, que dis-je, française nom de Dieu. Ou encore Peter Chomsky, d'où encore? De nationalité américaine. Quelle aura onomastique! Frantz Fanon pourrait vérifier ses théories du fond de sa tombe. Paix à son âme!
Lorsque j'attends mon tour dans une queue, il est rare que l'agent de service appelle mon nom. Les braves dames prennent l'initiative de venir me remettre le dossier ou le formulaire en mains propres sans avoir à m'appeler. Avec nos noms si compliqués, ils ou elles sont vite au bout de leur latin. Toutes les leçons de lecture apprises à l'école ne s'appliquent pas aux étrangers africains. Souvent, on abrège mon nom en Mr. Ma... en me lorgnant impudemment et sans gène. On dirait un nom sacrilège. Quelle honte et quelle hypocrisie: on ne sait plus scander les syllabes devant un nom exotique ou qui sonne différent.
Cette courte réflexion m'est inspirée par un modérateur de session à la conférence de philosophie de ce matin 21 avril 2017. Le modérateur n'a pas eu le courage de massacrer les noms de la présentatrice d'origine ?? ou du présentateur nigérian. Je lui ai fait remarquer sans hésiter combien je n'ai pas apprécié son geste. A la suite de quoi il s'est excusé prétendant qu'il jouait de la provocation. Au cours des interventions suivantes, il s'est toutefois efforcé de prononcer les deux noms; et sans failles. La moindre des choses, lorsqu'on assume un tel rôle, est de consulter les collègues et de vérifier la prononciation de leurs noms. Quitte a faire l'effort d'être politiquement et culturellement correct. Courtoise élémentaire!
C'est donc respecter quelqu'un que de bien prononcer son nom en public. Bonnes manières! 

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