Ne soyez pas effrayés. Nnikonnikunisme vient de Nnikon Nniku. Et Nnikon Nniku est le protagoniste de la pièce théâtrale de Tchicaya U Tam'si: Le destin glorieux du Maréchal Nnikon Nniku prince qu'on sort paru chez Présence Africaine en 1979. Je voudrais célébrer à titre personnel les trente-cinq années de la parution de cette œuvre que je juge inspiratrice et riche en enseignements de vie. Il n'y a pas à mon sens de meilleure caricature du pouvoir africain que celle-ci. Du temps de mes études, je me posais toujours la question pourquoi une telle pièce n'était jamais mise en exergue par la critique alors qu'elle présentait tous les détails constitutifs d'une dictature servile et inhumaine. Le diktat des éditeurs parisiens avait pesé lourdement sur la réception générale des œuvres de Tchicaya. Il était classé poète avec une entrave solidement serrée. Poète, pas dramaturge ni romancier. La pratique de la radiophonie a amené le poète à mettre en scène des épisodes de son prolifique imaginaire. Le ridicule ne tue pas, c'était le cas de le constater.
Une pièce de théâtre, plus qu'un roman ou un récit, a vocation de visualiser les actants et de vulgariser leur message. Imaginez sur la scène un soldat incompétent, immature, minus schizophrène qui prend le pouvoir parce que les civils se montrent incapables, qui ordonne que ses ministres s'éborgnent en signe de fidélité à sa personne, qui prend plaisir à ce que les magiciens le consacrent maître du monde temporel, qui ne supporte aucune contradiction à ses ordres. "La constitution, c'est moi", dit quelque part cet usurpateur des traditions ancestrales dont il se proclame l'unique et valable héritier. La politique monolithique comme l'imposture, ce n'est pas de la fiction mais du vécu aux yeux du poète-dramaturge originaire de Pointe-Noire.
Au-delà du grotesque de l'intrigue, la pièce se donne à lire et voir comme une farce-sinistre, un jeu de scène dont le but est d'éveiller les consciences. Les pessimistes diraient "de provoquer des cauchemars" à la place. Moi, je préfère ma neutralité. Le ridicule tue, autrement la tortue ne s'engouffrerait jamais dans sa propre carapace. La honte est un sentiment légitime, qui confine les limites du permis, du tolérable, du confortable. J'ai suivi un musicien qui se vantait de consommer quotidiennement une abondante quantité de chanvre avant d'exercer son métier. Je m'en doutais bien à voir son comportement sur scène. Donc il ne m'a rien appris que je ne savais déjà. Et lorsqu'il s'en vantait, on percevait quand bien même une sorte de gène sur son visage. Les traits du visage et ses gestes trahissaient ses paroles. Vous voulez encore une définition du politicien: c'est un musicien qui se vante de fumer du chanvre. Whatever! Je n'ai rien changé à mon légendaire slogan: "Politica, Politica, Mani Pulite".
Que non! C'est Nnikon Nniku, le personnage charismatique de Gérald-Félix Tchicaya, lui aussi père de la nation. Sa doctrine est pompeusement appelée le nnikonnikunisme. Et le leader n'est ni con ni cul. L'obscénité va avec le pouvoir, hélas.
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