16 mars 2021

Où va la RDC?

Je n'habite pas le pays, mais au vu de ce qui se voit, se lit et s'entend, il y a lieu de se poser des questions sur l'avenir de la RDC. Les deux dernières années depuis décembre 2018 ont été marquées par une totale incohérence tant au niveau du leadership que du développement du pays. 

1. Trois colistiers, un leader. L'alliance FCC-CACH a éclaté comme dans un mouvement de compression politique. Ils étaient sur le trône avec d'un côté une prépondérance mathématique de l'ancien président soutenu par une majorité aux deux chambres, et de l'autre deux candidats dont l'un devrait assumer la présidence pour céder à l'autre lors de l'exercice suivant. Voeux pieux ou agrégats de dupes! Cela aurait été trop beau pour réussir. L'ancien président en devenant sénateur à vie se soustrayait à des éventuelles poursuites judiciaires, en tirant ses marionnettes installées au parlement et au sénat. La suite vient de nous prouver le contraire. Quant aux deux autres colistiers, l'entente de surface s'est vite éclaboussée sur l'autel du pouvoir qui veut qu'il n'y ait jamais deux chefs à la tête d'un pays. Encore moins trois. Les stratèges de l'actuel président ont vite fait d'intenter autour de l'épisode des 100 jours une action judiciaire contre le partenaire directeur de cabinet. Ce dernier a été inculpé d'avoir détourné plus de 50.000.000 de dollars américains, et moisit désormais dans une prison. D'aucuns prétendent que la vraie raison serait plutôt la série d'empoisonnements perpétrés à la présidence, dont il serait l'instigateur. Pour quelque motif que ce soit, le chef actuel devrait se débarrasser de son encombrant directeur jugé trop zélé et puissant par ses détracteurs. Le procès a vite réglé l'affaire. Le premier rival éliminé, il fallait s'occuper du tout-puissant Président honoraire de la République qui tenait le parlement et le sénat. Les stratèges ont mis en place une puissante machine pour éradiquer le pouvoir du FCC en récusant l'accord qui les liait jusqu'alors. 

2. Emergence de l'Union Sacrée. Tout a commencé par une série de consultations menée par le chef auprès de toutes les couches de la société civile et du pouvoir. En sonnant le glas de la coalition FCC-CACH sous prétexte qu'elle ne permettait pas une bonne gestion de la république, le leader maximo a décrété la fin du gouvernement, nommé un informateur et remercié l'ancienne présidente de l'Assemblée nationale. La carte du Doyen d'âge a été déployée pour juguler la puissante institution législative. Le concept de l'Union Sacrée est réapparue dans un contexte flou, mais claire aux yeux de tous. Comme par un coup de fouet magique, cette conglomération issue de nulle part, a réussi à déboulonner tout le système législatif, imposer un nouvel ordre politique et dégager une nouvelle majorité. La facilité avec laquelle les compatriotes apparatchiks ont adhéré à l'Union sacrée est déconcertante. Devant l'incertitude de retrouver leurs sièges en cas d'élections anticipées, des fidèles adeptes de l'ancien leader se sont vite tournés vers le nouveau pouvoir. Bis repetita, la chambre haute a été prise de la même façon. A coup de trahisons et de rétrocommissions à grande échelle, le parlement et le sénat sont désormais entièrement acquis à l'actuel régime sous la bannière de l'Union Sacrée. Il fallait le faire. J'ai entendu parler de "révolution parlementaire". 

 3. Des questions sans réponses. Toutes les questions sont désormais permises. Au début, je les imaginais sans vraiment y croire; c'est pourtant les scénarios qui se dressent devant nos yeux. Tout ce qui est imaginable est possible. "Un coup d'état constitutionnel", diraient des juristes inspirés, car le changement de majorité s'est effectué sans élections. Après avoir saccagé la coalition et renvoyé dos à dos ses partenaires d’acquisition du siège, le Beton s'installe confortablement aux commandes, du moins apparemment. Le voilà seul maître à bord. Et tout est mis en oeuvre pour que ce pouvoir se consolide et aille même au-delà des limites constitutionnelles. Les voix se délient avant même que le gouvernement de l'Union sacrée ne soit formé. Pas d'élection sans recensement de la population. Du déjà entendu sous le leader précédent. Recommencement du mandat à partir de la date de l'inauguration du nouveau gouvernement, soit repousser les élections à 2025. Dictature sous la peau de l'UDPS? L'église catholique dénonce et prévient contre toute dérive. On insulte les prélats comme des voleurs, on se convertit aux églises du réveil. Le pouvoir ne se prononce pas officiellement devant ces accusations. C'est de bonne guerre, l'intention de glisser n'est pas totalement absente. 

4. Gouvernement des Warriors. Le gouvernement de salut public est attendu avec beaucoup d'intérêt. Chaque leader tient à obtenir à tout prix des ministères sous sa tutelle. Il n'y a pourtant qu'une quarantaine de postes ministériels à pourvoir. La crainte est que les insatisfaits ne soient pas prêts à obtempérer, et provoquent du désordre. Certains analystes prédisent l'éclatement de l'Union sacrée tout de suite après la sortie du gouvernement. Rien n'est impossible dans ce pays. Il y a trop de promesses et trop d'attentes pour que le gouvernement réussisse à y répondre. Dans ce pays, être ministre ou politicien est un fructueux gagne-pain qui donne accès à un enrichissement explosif. D'où la ruée vers les postes quand bien même on est incompétent, ignorant et médiocre. Chacun(e) veut devenir ministre pour son honneur et sa poche personnels. Les déçus, je le répète, ne lâcheront pas le morceau, et ne soutiendront pas le gouvernement central. La question importante à ce niveau est de se demander comment ce gouvernement fonctionnera, quel sera son programme et comment il éradiquera la corruption fondamentale dont il est issu. Le pays politique s'annonce sombre, peu luisant et incertain.

5. Le territoire national de la RDC. Un problème fondamental. Le pays est en réalité balkhanisé vu que le pouvoir central ne possède pas le contrôle de toute l'étendue du pays. L'Est est une poudrière, totalement occupée par plus de 150 groupes de rebelles ougandais, rwandais et burundais dont les pays exploitent les richesses minérales de la RDC. La Zambie comme l'Angola occupent également des portions de terres congolaises. Des populations entières sont déplacées de leurs villages et régions; on apprends qu'elles sont remplacées par des étrangers qui entrent et s'y installent par milliers. L'occupation de l'Est jusqu'à preuve du contraire est désormais une réalité. Kinshasa, muselé par son pacte avec le diable, ne semble pas voir les choses de cet oeil. Pour son silence devant les atrocités qui se passent dans la partié orientale du pays, jusqu'à preuve du contraire, le régime actuel comme le précédent dont il est l'émanation, collabore à sa balkhanisation. Trahison, complicité, incivisme, manque de conscience nationale. La situation sécuritaire à l'Est ne fait que se détériorer inéluctablement. 

6. Je n'ose pas parler de la gestion économique, financière et sociale du pays. Le pays se trouve par terre. Il n'y a aucune lueur d'espoir. Les défis à affronter sont nombreux: infrastructures, travaux publics, routes, écoles, hôpitaux, salaires, salubrité, eau et électricité, etc. Tout cela demande un sens fort de patriotisme et de sacrifice. Et cela fait défaut chez nous, rongés que nous sommes par l'égoïsme. Où va la RDC? Je me pose encore la question, car j'évite d'y répondre de peur d'attirer les foudres du ciel sur ma tête.

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