Le temps tue. Le temps est assassin. La mort est son œuvre. S'il est une chose qu'elle ne peut tuer, c'est l'amitié. Discutable. Prenez cela comme vous voulez. Dans le vieil âge, on sait énumérer les amis ou les amies, j'entends les vrais, qu'on a eus à travers le temps. Ce sont les copains de jeu ou d'école, les compagnons du quartier ou d'âge, ou encore les camarades d'activités religieuses ou culturelles. Et le temps joue un rôle pour construire et défaire l'amitié.
L'autre jour, j'ai rencontré une dame qui, ayant appris que j'étais congolais, m'a révélé un de ses secrets de jeunesse. Elle aurait rencontré à Londres un ami congolais, disons boyfriend, du nom de Somo dont elle garde des souvenirs inoubliables. "Qu'il était si beau, si tendre et si généreux. Il m'offrait de jolis bouquets de fleurs et des bijoux. Il m'a initiée à la belle musique du Congo: ces danses qui engagent le corps comme seuls les Africains le font. (sic), Etc." J'ai alors osé lui demander le nom du gars, car l'enthousiasme qu'elle mêlait à cette évocation semblait très fort. "Ah, you know... Me with African names. I do not remember his name, but Somo was and is still my best friend. I mean the best I have ever had." Alors là, je me suis dit: chacun a sa définition de l'amitié. Laissez-moi entrer un peu plus en profondeur.
Cette dame se souvient du physique et des qualités de son ami congolais, mais n'a jamais pris la peine de retenir son nom parce que les noms africains sont compliqués pour les Occidentaux. Je maintiens "occidentaux", parce que les gens de ces îles se prennent pour des Occidentaux, tout en reconnaissant du bout des lèvres leur origine africaine. Un stéréotype qui sert de réflexe discriminatoire. J'aurais un ami chinois que j'apprendrais intégralement son nom au nom de cette amitié. Je me souviens de mes amis Charles Maria Pragasam ou Thakotatill, etc. Elle a retenu les biens et la tendresse dont elle a bénéficié d'un être dont elle s'est complètement foutue de savoir l'identité, simplement parce qu'il était Africain. Elle a à son honneur d'avoir retenu son sobriquet et d'avoir reconnu celui qu'elle a connu Zaïrois est Congolais aujourd'hui. Bref, une amitié de Londres, limitée et éteinte à Londres.
Le deuxième cas est celui que je conteste le plus. Il y ami et ami. Parmi les immigrés se tissent des relations très fortes entre des individus, qui souvent tournent autour de ce qui pourrait s'appeler la solidarité ou le soutien mutuel. "Wana pire ngai!" "Vieux, moto ou masta na ngai." Ces amitiés surgies d'une communauté de risques et d'humiliations subies à l'étranger trouvent des revers terribles au pays lorsque des "intérêts commerciaux" s'y mêlent. Des individus ont vu leurs biens dilapider par des malfrats au nom de ces genres de liens. Je suis souvent étonné de m'entendre attribuer un ami qui n'a jamais fait partie de mon cercle. Que quelqu'un que je rencontre au hasard d'un concours de circonstances, que je ne connais ni d'Adam ni d'Eve, prenne ma confiance à 100% relève en quelque d'une relative naïveté. Une amitié doit subir l'épreuve du temps pour se confirmer, durer et s'établir.
"Celui-là ne peut jamais me trahir. Il est mon alter ego". Un alter ego inconnu dans l'enfance, inconnu à l'école, mais seulement rencontré comme réfugié ou requérant d'asile à l'étranger. Un alter ego, inconnu auparavant, dont la griffe familiale ouvre des portes inattendues au pays: fils de..., fille de... La course aux honneurs et aux avantages liés à cette proximité peut inspirer des relations d'amitié, que dis-je, d'intérêts sous le couvert de l'amitié. L'amitié, la vraie, ne s'achète pas à coup de billets ni d'oiseuses flatteries, et rien ne saurait la tuer. Pas même le temps. Encore moins la mort. Dixi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire