21 janv. 2017

La leçon de la Gambie

Vingt-deux ans de pouvoir à la tête de la Gambie n'étaient pas suffisants pour ce sinistre despote qui n'a pas une seule fois cru à la force des urnes.
1. La diplomatie et la CEDEAO. La pression politique, la diplomatie et la menace d'une intervention militaire sont venues à bout d'un tyran qui traitait son peuple comme ses esclaves et qui se croyait éternel. Pour une fois, l'Afrique de l'Ouest a parlé d'une seule voix. Le scénario idéal a joué en faveur du peuple. Les présidents voisins ont pesé de tout leur poids pour que la situation se décante en défaveur du récalcitrant et sanguinaire général. Le président élu a été unanimement soutenu aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur. Le départ forcé en exil de Yahya Jammeh est le résultat d'une dynamique de tous ces éléments. J'ai été surpris de l'entendre évoquer l'intérêt suprême du peuple pour justifier son renversement. J'aurais attendu un message du genre: "Le peuple a décidé. Je me soumets au verdict des urnes." L'essentiel est fait. Il part, bon gré mal gré. Il est parti par la petite porte. Alors qu'il aurait été respecté s'il avait facilité l'alternance politique.
2. La détermination d'un peuple. Un peuple uni et déterminé peut vaincre n'importe quel obstacle sur son chemin. Un dictateur, si puissant et rusé fut-il, finit mal ses jours sur le tremplin présidentiel qu'il transformerait volontiers en trône si l'occasion lui était donnée. L'empereur Bokassa n'a jamais fini de faire des émules parmi les apprentis-sorciers de la politique africaine. Le peuple gambien a décidé, les résultats n'ont pas été truqués, le président élu a prêté serment. Même l'armée qui est souvent le dernier recours a cédé à la pression populaire pour se mettre du côté du peuple. Le glas a sonné pour l'illustre autocrate, le reste n'était plus qu'une question d'heures. Vive l'exil, car il serait un sujet très encombrant pour son successeur. Du moins dans l'immédiat!
3. La crédibilité et l'intégrité d'un président. En Afrique, la démocratie n'est en général qu'un système d'acquisition du pouvoir en faux, un prétexte comme disait un comédien ivoirien: "En Afrique, on connaît les résultats avant même l'élection présidentielle." La personnalité individuelle du leader compte beaucoup dans la jeu démocratique d'un pays. En Egypte, ce sont toujours des militaires ou presque qui deviennent présidents. Les militaires ont une façon propre, brutale, d'imposer l'ordre. Morsi a été très vite évincé et n'a jamais fini son mandat. J'étais estomaqué de lire l'autre jour que Yayah Jammeh "aurait" éliminé physiquement ou fait disparaître son propre frère et sa propre sœur à la suite de conflits familiaux internes. Il n'aurait pas supporté leur ascendant dans le cercle de la famille. S'il a tué ses propres frangins, combien vaudrait a fortiori pour lui le corps d'un individu qui n'a pas de lien sanguin avec lui. Quelle leçon morale un fratricide pourrait-il donner à son peuple sinon celle du crime, de la violence et de l'imposture?
4. La crainte des poursuites judiciaires. Ces présidents craignent souvent pour leurs vies à cause d'innombrables crimes physiques, corporels, économiques ou financiers qui entachent leurs régimes. Ils craignent d'être poursuivis une fois qu'ils perdent leur immunité présidentielle. D'où ils tiennent à garder les rênes jusqu'à la fin de leur vie. Quand ils sont sommés de quitter le pouvoir, ils exigent des garanties pour la sécurité de leur personne et leurs biens, pour celle de leurs proches collaborateurs civils et militaires. La CPI aussi les épie et attend qu'ils quittent la présidence. Plus qu'un individu, le président africain est un système à intérêts complexes. Il noue et entretient d'étroites relations avec des milieux mafieux de la finance, des multinationales, des magnats... certains contrôlent des trafics des drogues et des matières premières, blanchissant l'argent grâce à des sociétés à écran ou offshore. Les inextricables fils de leurs "empires" sont souvent impossibles à dégainer. Toujours est-ils que la plupart d'entre eux accumulent, intouchables, d'immenses fortunes dont l'origine est impossible à justifier par leurs seules redevances présidentielles. Politique, politique? Mani pulite!
Y a-t-il un rapport avec la Gambie? Je ne sais pas, mais ce sont ces réflexions que m'inspire cet épisode de l'histoire gambienne qui se tourne. Je m'arrête pour aujourd'hui. 


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