6 janv. 2017

La course au pouvoir

Les Congolais des années 60 avaient créé cette expression historique de "course au pouvoir", immortalisée par les musiciens (Franco). Les scénarios qui se présentent sous nos yeux aujourd'hui en RDC rappellent, à plusieurs égards, bien des aspects de cette mémorable expression. 
Pour beaucoup de personnes, la fonction politique revient d'abord à s'assoeir à la mangeoire pour en tirer les dividendes pharaoniques qui y sont liées. C'est cet appât du gain vite gagné qui fait courir de milliers de personnes. Chacun voudrait obtenir un poste afin de bénéficier des privilèges dûs à ce rang. On s'enrichit en un tour de main; il paraît qu'on devient millionnaire trois mois après l'engagement. Pouvoir et argent riment ensemble. Autrement comment justifier cet engouement effreiné vers ces postes alors même que c'est pour un relatif temps de transition? L'Opposition comme la MP se déchire autour des postes ministériels, cette manne providentielle à laquelle n'ont accès que quelques individus triés par le système ou le régime en place. "Let him eat", nous sommes-nous amusés à dire avec mon collègue kényan, Prof. Ochieng'. Au nom de la politique, de la chose publique, on se sert avec une scandaleuse avidité. On se combat les uns les autres afin d'obtenir la meilleure part du gâteau. Course au pouvoir! C'est l'occasion ou jamais. Et les intérêts dans tout cela? On parle du peuple, on parle au nom du peuple, mais on ne s'occupe jamais de son sort. Pour preuve, que des morts anonymes sur l'autel des luttes politiques!
A y réfléchir d'un peu plus près, on note que les gens ont la mémoire courte ou bien qu'ils voient sans voir vraiment. La cohabitation politique d'un régime avec l'opposition tourne toujours à l'avantage du pouvoir. Les vieux dictateurs Bongo, Mobutu, Eyadema, Houphouët Boigny, même Dos Santos, avaient de leur temps bien orchestré cette partition musicale pour se maintenir à la tête de leurs pays. Dans ce schéma défense, intérieur, finance, affaires étrangères reviennent de droit au pouvoir. L'attrait des titres constitue une menace pour la stabilité politique d'un pays. Observez ce qui se passe depuis des années au Zimbabwe entre M. Mugabe et Tsvangarai. Alors que tout se joue contre lui, le vieux renard est toujours là arrogant et défiant, et il ne décrochera jamais. L'on se souviendra volontiers du débat présidentiel entre MM. François Mitterrand et Jacques Chirac: pendant ce débat, le président appelait M. Chirac "Monsieur le Premier Ministre" tandis que le PM évitait d'utiliser le titre de Président pour s'adresser à M. Mitterrand. Logique de propagande oblige.
La course au pouvoir relève d'une vision relativement myope et courte de la vie politique et de l'histoire du pays. C'est l'immédiateté qui compte, sans perspective d'avenir car l'avenir se confond au présent. Des accords se signent sans vraiment entrevoir les complications auxquels ils exposent pendant que les tireurs de marionnettes se frottent les mains. Un jeu de dames comme j'ai dit il y a quelques jours. On ambitionne d'obtenir immédiatement des postes (donc de l'argent liquide) sans viser une conséquence à long terme de ces nominations. Obnubilé par ces ambitions et ces consommations immédiates du pouvoir, des biens et de l'argent, on évite de regarder la réalité en face et de porter un regard critique et lucide sur l'avenir du pays. "Let us eat too!" Sans projets proactifs, rien de bon ne peut réussir.

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