31 déc. 2014

Beethoven noir, Alexandre Dumas noir, et alors?


Révisionnisme? Revalorisation de la race dite sauvage, inférieure et sans histoire? Un peu de tout cela car le but est de contester l'eurocentrisme trop voyant qui domine le monde depuis des siècles. J'en arrive là après une discussion que j'ai eue sur Facebook avec l'ami Evariste Pini-Pini, dont je respecte la pensée et les revendications sans que j'y adhère.
Pendant cette semaine où les Africains-Américains célébrent leur Kwanzaa, j'aimerais tout en respectant l'existence culturelle noire réfléchir sur un thème controversé: l'identité raciale noire. Mon point n'en est qu'un, c'est-à-dire discutable, ouvert et imparfait. Seulement, j'y crois ferme car j'aime la mesure en toutes choses. Que la race noire retrouve son identité perdue, annulée ou méconnue, ne me pose pas problème. Qu'elle refuse d'être observateur plutôt qu'acteur de l'histoire n'est qu'à son honneur. Je crois que j'y contribue à ma façon.
Les catégories de la "différance" comme dirait Dérida font que le monde se divise en unités biologiques, linguistiques, socio-culturelles, etc. A vouloir chercher dans ces différences une spécificité propre, on risque de tomber dans le piège du racisme que l'on combat. C'est l'essentialisme jadis décrié chez tous les mouvements négristes: négritude, black power, ujaama, etc. Quoi qu'il en soit, du moment que vous tentez de remonter à la structure, le risque est grand de radicaliser votre discours.
L'église africaine se montre sage lorsqu'elle réclame l'africanité de Saint Augustin, Cyprien ou Tertullien quand bien même ces derniers constituent des pivots majeurs de la pensée occidentale. C'est la culture méditerranéenne et chrétienne qui a fait d'eux ce qu'ils sont devenus. Leur africanité relève de l'origine géographique et biologique. Que de reconnaître leur contribution universelle fait preuve de bon sens. A l'heure de la mondialisation, réfléchir en termes de races, genres ou sexes, mène forcément à une discussion sur le pouvoir: qui définit l'identité individuelle? qu'est-ce qui la caractérise? Cette discussion est aussi vieille que le monde, car elle a suscité les voyages de conquête et d'exploration, les guerres d'occupation, la formation des royaumes et empires, les systèmes d'organisation politique et sociale, les colonisations et autres tentatives de domination.
Aujourd'hui les mouvements migratoires des populations et les contacts interculturels font qu'on parle de métissage, d'hybridité, de trans-culturalité. Ce changement suscite d'autres attitudes conservatoires: la pureté de la race dans un monde multiethnique passe à l'extrême nationalisme. Les "fronts nationaux" constituent, on ne le dira jamais assez, une tentative claire de préservation raciale sous le couvert de la nation. Une défense musclée et arrogante de son soi. De l'autre côté, les minorités jadis colonisées cherchent à ébranler ce soi eurocentrique pour le relativiser en s'attribuant quelques galons ou en remettant en cause l'origine biologique de certaines figures emblématiques. Cette attitude répond à un désir de se revaloriser, de montrer qu'on est l'égal de l'autre. Pouchkine, le célèbre poète métis russe, était fier de son ascendance africaine, mais n'a rien fait pour valoriser son africanité, sa "différance". Il n'en avait pas besoin. Le combat racial ne finira jamais tant que différentes races vivront ensemble, tant que chaque race affirmera sa spécificité pour contrer ou anéantir l'autre race. La lutte existe déjà entre familles, ethnies, tribus, langues, régions, pays selon qu'ils sont du nord, du sud, de l'est ou de l'ouest. Imposer son identité face aux autres en jetant le déni sur eux, constitue en dernière analyse l'objectif ultime de cette démarche.
La vraie question à poser consisterait plutôt à savoir à qui profiterait cette identité ou ce qui se tirerait de cette affirmation. Si Beethoven était noir comme Alexandre Dumas, je maintiens ma position, cela n'aurait rien changé à l'histoire puisque dans leur âme et conscience ils ont servi la culture de leurs nations respectives. Beethoven est un génie musical de la tradition allemande tout comme Dumas en littérature française. Qu'ils aient eu des traces de sang noir dans leurs veines, encore faut-il le prouver, on pourrait également le dire de l'humanité entière puisque l'Afrique noire est le berceau de l'humanité.

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