C'est vraiment intéressant ce qui se passe au Burundi cette année. Le constat le plus évident est que le Burundi est un état souverain qui n'a de compte à rendre à personne, qui ne se lie à aucune négociation fabriquée hors de ses territoires par des étrangers. Le deuxieme constat nous plonge dans une mascarade politique propre à l'Afrique.
1. Commençons par le commencement. La crise que le monde observe au Burundi n'existe que dans le chef de ceux qui veulent y voir une crise. Le gouvernement burundais continue à appliquer son agenda sans entraves. Contre vents et marées, contre vagues et houles, le pays a élu son parlement il y a deux ou trois semaines; il s'apprête à élire son président, c'est-à-dire à réélire son président le 21 juillet pendant que les négociations de Museveni en sont encore à discuter troisième mandat et calendrier électoral. On dirait que le message des gouvernants de ce pays n'est pas compris. Aller au-delà du 21 juillet serait inconstitutionnel. On reconnait quand même l'existence de la Constitution.
2. Les gouvernants du Burundi sont représentés à ces inutiles négociations en signe de bonne foi et pour la forme, mais ils n'y ont pas du tout leur coeur. Pendant qu'ils discutent de bonne foi à cette table du consensus, ils laissent diffuser des appels à voter massivement le 21 juillet. N'est-ce pas une farce de mauvais goût? Appelez cela comme vous voulez. La réalité est que le train des élections est en marche depuis des mois et que rien ne saura l'arrêter. Il serait complètement naïf de croire à un changement radical à moins d'une insurrection improvisée, mais tout semble sous contrôle.
3. Les chefs d'Etat des Grands Lacs n'ont pas trouvé mieux que de nommer comme facilitateur le président Yoweri Museveni d'Ouganda. La réaction spontanée de mon conseiller politique - car j'en ai un comme tout grand homme - a été: "Eh bien, on joue vraiment la comédie, comme aurait dit S. A. Zinsou. Perte de temps, d'énergie et d'argent! Que peut-on attendre dans de telles négociations d'un président qui a changé à plusieurs reprises la Constitution de son pays pour se maintenir éternellement au pouvoir? Un président autoproclamé à vie va ramener au Burundi la paix qu'il n'a jamais réussie à imposer dans son propre pays. Mascarade!" (sic). L'Afrique, il faut le croire, est en panne d'hommes crédibles, intègres et efficaces pour de telles conciliabules. En fait, il n'y a de la part des dirigeants africains aucune volonté de résoudre la crise burundaise. A l'allure où les choses évoluent, à moins d'un miracle comme aurait dit Tshimpumpu en 74, l'élection présidentielle aura bel et bien lieu le 21 juillet et M. Nkurunziza sera réélu pour son troisième mandat contesté. Celle des sénateurs suivra, et la prestation de serment aura lieu à la date prévue.
3. La suite. Mais de quelle suite s'agit-il? Les média occidentaux ou étrangers crieront au scandale, les donneurs de leçon occidentaux fermeront les robinets de la manne financière, les diplomates accorderont des interviews sans ampleur, etc. La suite, c'est la réalité burundaise. La vie continuera normalement après quelques secousses. Ayant tiré la leçon du coup d'état manqué, l'armée, les forces des renseignements et de l'ordre contiendront toute velléité de révolte, museleront l'opposition, et contrôleront drastiquement l'ensemble du pays. Les camps de réfugiés se rempliront encore un peu en Ouganda, en RDC, au Rwanda et en Tanzanie; mais rien d'alarmant car ce schéma des mouvements migratoires est classique, connu. Contrairement à Zakaya Kikwete de Tanzanie qui vient de présenter son dauphin, M. Nkurunziza s'accroche au pouvoir car deux mandats ne lui suffisent pas. Il a promis de le quitter après ce prochain mandat qu'il dit être le dernier. Un geste d'apaisement qui cache des sous-entendus. Du déjà entendu et vu: Eyadema, Nyassimbé, Museveni, etc. D'autres présidents africains lorgnent sans doute du côté du Burundi avec un intérêt pressant.
4. Qui m'a appelé politologue? Je suis un littéraire qui perçoit le non-dit des textes et des événements. Je n'ai pas d'autres prétentions. Pour preuve, ce que je prédis ne repose sur rien de solide. Une seule chose est vraie à mes yeux: L'Afrique a encore un long chemin en terme de démocratie.
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