Révisionnisme?
Revalorisation de la race dite sauvage, inférieure et sans histoire? Un peu de
tout cela car le but est de contester l'eurocentrisme trop voyant qui domine le
monde depuis des siècles. J'en arrive là après une discussion que j'ai eue sur
Facebook avec l'ami Evariste Pini-Pini, dont je respecte la pensée et les
revendications sans que j'y adhère.
Pendant
cette semaine où les Africains-Américains célébrent leur Kwanzaa, j'aimerais tout en respectant l'existence culturelle
noire réfléchir sur un thème controversé: l'identité raciale noire. Mon point n'en est qu'un,
c'est-à-dire discutable, ouvert et imparfait. Seulement, j'y crois ferme car
j'aime la mesure en toutes choses. Que la race noire retrouve son identité
perdue, annulée ou méconnue, ne me pose pas problème. Qu'elle refuse d'être observateur plutôt qu'acteur de l'histoire n'est qu'à son honneur. Je crois que j'y
contribue à ma façon.
Les
catégories de la "différance" comme dirait Dérida font que le monde
se divise en unités biologiques, linguistiques, socio-culturelles, etc. A
vouloir chercher dans ces différences une spécificité propre, on risque de
tomber dans le piège du racisme que l'on combat. C'est l'essentialisme jadis
décrié chez tous les mouvements négristes: négritude, black power, ujaama, etc.
Quoi qu'il en soit, du moment que vous tentez de remonter à la structure, le
risque est grand de radicaliser votre discours.
L'église
africaine se montre sage lorsqu'elle réclame l'africanité de Saint Augustin,
Cyprien ou Tertullien quand bien même ces derniers constituent des pivots
majeurs de la pensée occidentale. C'est la culture méditerranéenne et
chrétienne qui a fait d'eux ce qu'ils sont devenus. Leur africanité relève de
l'origine géographique et biologique. Que de reconnaître leur contribution
universelle fait preuve de bon sens. A l'heure de la mondialisation, réfléchir
en termes de races, genres ou sexes, mène forcément à une discussion sur le
pouvoir: qui définit l'identité individuelle? qu'est-ce qui la caractérise?
Cette discussion est aussi vieille que le monde, car elle a suscité les voyages
de conquête et d'exploration, les guerres d'occupation, la formation des
royaumes et empires, les systèmes d'organisation politique et sociale, les
colonisations et autres tentatives de domination.
Aujourd'hui
les mouvements migratoires des populations et les contacts interculturels font
qu'on parle de métissage, d'hybridité, de trans-culturalité. Ce changement
suscite d'autres attitudes conservatoires: la pureté de la race dans un monde
multiethnique passe à l'extrême nationalisme. Les "fronts nationaux"
constituent, on ne le dira jamais assez, une tentative claire de préservation
raciale sous le couvert de la nation. Une défense musclée et arrogante de son
soi. De l'autre côté, les minorités jadis colonisées cherchent à ébranler ce
soi eurocentrique pour le relativiser en s'attribuant quelques galons ou en
remettant en cause l'origine biologique de certaines figures emblématiques. Cette attitude répond à un désir de se revaloriser, de montrer qu'on est l'égal
de l'autre. Pouchkine, le célèbre poète métis russe, était fier de son ascendance africaine, mais n'a
rien fait pour valoriser son africanité, sa "différance". Il n'en
avait pas besoin. Le combat racial ne finira jamais tant que différentes races
vivront ensemble, tant que chaque race affirmera sa spécificité pour contrer ou
anéantir l'autre race. La lutte existe déjà entre familles, ethnies, tribus,
langues, régions, pays selon qu'ils sont du nord, du sud, de l'est ou de
l'ouest. Imposer son identité face aux autres en jetant le déni sur eux,
constitue en dernière analyse l'objectif ultime de cette démarche.
La
vraie question à poser consisterait plutôt à savoir à qui profiterait cette
identité ou ce qui se tirerait de cette affirmation. Si Beethoven était noir
comme Alexandre Dumas, je maintiens ma position, cela n'aurait rien changé à
l'histoire puisque dans leur âme et conscience ils ont servi la culture de leurs
nations respectives. Beethoven est un génie musical de la tradition allemande tout comme Dumas en
littérature française. Qu'ils aient eu des traces de sang noir dans leurs
veines, encore faut-il le prouver, on pourrait également le dire de l'humanité entière
puisque l'Afrique noire est le berceau de l'humanité.